Lithographie par rayonnement ultraviolet extrême : l’arrivée en production se précise
Le rayonnement ultraviolet extrême (en anglais, EUV) correspond à un rayonnement électromagnétique de très haute énergie, avec des longueurs d’onde de 124 à 10 nm (avec une énergie par photon de dix à cent fois supérieure à celle de la lumière visible). Cette technologie est en cours de déploiement chez bon nombre de fabricants de semiconducteurs comme Intel ou TSMC. En effet, pour créer des circuits électroniques de plus en plus petits (ou emmagasinant autant de transistors sur une même surface) et consommant moins d’énergie, leur stratégie principale est d’augmenter la finesse de gravure de leurs circuits : un transistor plus petit a un courant de fuite plus faible, ce qui diminue sa consommation énergétique et donc le refroidissement nécessaire des composants.
Grâce à ces nouvelles techniques, ils pourront descendre encore dans leur finesse de gravure, actuellement à 14 nm chez Intel (même si ces appellations sont trompeuses, chaque fabricant décidant de la définition physique de cette finesse de gravure). À titre de comparaison, actuellement, la lithographie moderne se base sur des processus d’ultraviolets profonds, avec une longueur d’onde de 193 nm ; la technologie EUV propose une longueur d’onde à 13,5 nm. Initialement, cette dernière était prévue pour le 10 nm en 2016, mais les plans actuels font plutôt état d’une arrivée vers le 7 nm, voire 5 nm (sans compter les pistes d’amélioration en remplaçant le silicium par un autre semi-conducteur, comme l’arséniure de gallium et d’indium).
Fin février a eu lieu la conférence SPIE pour la lithographie avancée, où les différents fabricants ont pu présenter leurs avancées dans le domaine de la lithographie EUV : c’est l’occasion de se plonger dans les principes de fabrication des processeurs.
Techniques de lithographie
Plus précisément, la lithographie est la partie de la fabrication de puces qui impose la forme des transistors sur les galettes de silicium, à l’aide d’un masque : à certains endroits, le masque laisse passer le rayonnement électromagnétique, pas à d’autres ; là où il passe, la couche supérieure de la galette est abîmée, ce qui forme un morceau de transistor. Le processus est très similaire à la photographie argentique, où la lumière expose le film (ce qui correspond à la lithographie), des étapes ultérieures étant nécessaires pour exploiter l’image.
Le problème, c’est que la source d’ondes a une longueur d’onde de 193 nm, alors que les détails de gravure sont de l’ordre de 14 nm. Pour compenser la différence, un appareillage d’optique est utilisé pour augmenter la résolution et limiter la zone d’exposition, tout en réduisant les aberrations optiques (qui produisent des circuits défectueux). Plusieurs passages avec des masques différents peuvent être requis.
Les mêmes techniques sont utilisées depuis des années pour la production de puces, en raffinant l’emploi des différents outils, notamment l’usage de masques de plus en plus nombreux. C’est pourquoi les fabricants ont souvent du mal à produire de grandes quantités de processeurs rapidement lors du passage à la génération suivante : il faut adapter finement toute une série de paramètres qui limitent le nombre de puces viables produites par ce processus. Une telle transition est donc toujours risquée d’un point de vue financier.
Et l’EUV ?
Une nouvelle technologie comme l’EUV réduirait fortement ces risques : grâce à la longueur d’onde bien plus courte (13,5 nm), il deviendrait plus facile de générer des motifs très précis sur les galettes sans devoir utiliser un trop grand nombre d’expositions. Cependant, la source lumineuse doit avoir une puissance suffisante : sinon, une exposition prendra trop de temps pour avoir l’effet escompté sur la galette de silicium. Cette difficulté a beaucoup ralenti l’emploi de l’EUV dans la lithographie actuelle : la production horaire de puces est trop faible pour une échelle industrielle.
Là où les processus actuels utilisent directement un laser dans les ultraviolets (dit « à excimère »), une technologie maîtrisée dès les années 1970, l’EUV nécessite un plasma, c’est-à-dire de la matière chauffée à très haute température ou insérée dans un champ électromagnétique très intense. ASML produit les machines d’exposition aux EUV utilisées par tous les fabricants de puces pour le moment.
Il y a deux ans, la puissance maximale était de 40 W ; l’année dernière, ils arrivaient à produire des sources à 85 W, maintenant à 185 W en laboratoire, puis 250 W d’ici à 2017, le niveau requis pour une utilisation commerciale. Des puissances supérieures sont prévues dans le laps de temps 2018-2019. Les plans initiaux prévoyaient cependant d’atteindre les 250 W en 2013, puis en 2015… la différence est que la cible est maintenant beaucoup plus proche (il leur reste à augmenter la puissance d’un quart, pas de la multiplier par plus de cinq). Ces progrès ont surtout été possibles en comprenant plus finement la physique derrière la génération des plasmas.
Globalement, l’arrivée en production se précise. Intel arrive déjà à produire des puces 22 nm avec cette technologie. Les machines d’ASML atteignent des taux de disponibilité de 70 % (ils plafonnaient à 55 % il y a deux ans), un seuil encore loin des 95 % des machines actuellement utilisées en production. Intel et TSMC arrivent à produire jusque 500 galettes par jour pendant quatre semaines d’affilée — chez TSMC, les technologies actuelles permettent de produire 50 000 galettes par jour. TSMC envisage d’utiliser ce processus pour les puces à 5 nm, Intel ne se risque pas à avancer de date — rejoignant implicitement les rangs des plus pessimistes, qui prédisent que l’EUV n’a de chance d’être utilisé que s’il arrive suffisamment tôt en production, avant d’autres améliorations.
Sources et images : EUV Lithography Makes Good Progress, Still Not Ready for Prime Time, An Introduction to Semiconductor Physics, Technology, and Industry, EUV Lithography’s Prospects Are Brightening, TSMC and Intel on the Long Road to EUV.
Ce contenu a été publié dans Matériel par dourouc05.
Lithographie aux ultraviolets extrêmes : ASML atteint une puissance de 250 W
Pour les prochains processus de fabrication de processeurs (7 nm ou 5 nm), les techniques de lithographie se baseront très probablement sur le rayonnement aux ultraviolets extrêmes (EUV). Cependant, la technologie a longtemps souffert d’une puissance relativement faible : elle était limitée à 185 W l’année dernière, ASML vient de la porter à 250 W (avec quatre ans de retard sur les plans initiaux). Il aura fallu cinq ans à l’entreprise pour dépasser les premiers prototypes, avec une puissance d’à peine 25 W en 2012.
Avec cette augmentation, l’EUV devient intéressant d’un point de vue commercial : il devient possible de produire cent vingt-cinq galettes par heure et par machine (par rapport aux quatre-vingt-cinq de l’année dernière). En effet, plus la puissance est importante, moins une galette doit rester longtemps dans la machine.
D’ailleurs, le succès commercial de la machine d’ASML (seule firme présente sur le marché de l’EUV, Canon poursuivant une voie similaire mais distincte) ne cesse de se démentir : la compagnie a déjà livré vingt-sept machines (notamment, à Intel, TSMC, GlobalFoundries ou encore Samsung), plus trois ces trois derniers mois ; huit autres ont été précommandées. Globalement, ASML annonce un chiffre d’affaires de presque trois milliards d’euros pour ces ventes, à raison de cent millions l’unité.
Les fabricants qui passent à l’EUV avec ce genre de machines n’ont pas uniquement pour objectif de graver plus finement leur silicium : pour une finesse équivalente, l’EUV devrait permettre de limiter la complexité du processus de fabrication. Actuellement, il faut une série d’expositions de la même galette de silicium (trois ou quatre fois) pour atteindre les finesses d’une dizaine de nanomètres ; grâce à l’EUV, il suffirait d’une seule exposition — l’avantage étant aussi en temps de fabrication pour le même nombre de puces.
Sources : Chipmaschinenausrüster: ASML demonstriert 250-Watt-EUV-System, ASML Claims Major EUV Milestone.
La lithographie à ultraviolets extrême fin prête
La lithographie à ultraviolets extrême fin prête
il ne reste presque plus d'obstacles à une production en 2018 ou 2019
Les processus actuels de fabrication de semiconducteurs semblent être en bout de course. Les nouvelles évolutions sont de plus en plus difficiles et bon nombre de pistes ont été évoquées pour que la technologie continue à évoluer au niveau de la lithographie (passer d’un masque définissant les processeurs à la réalisation effective sur un matériau semiconducteur) : changer de matériau (remplacer le silicium par l’arseniure de gallium et d’indium, par exemple) ou changer de bande de fréquence pour créer les circuits sur le silicium (la bande optique — 193 nm pour le moment — par des rayons ultraviolets extrêmes, dits EUV en anglais — 13,5 nm).
Cette dernière piste faisait l’objet de développements intensifs ces derniers temps, mais sans que tout le monde s’accorde sur le fait que la technologie sera prête à temps (avant que d’autres ne donnent de meilleurs résultats à des coûts similaires). Il y a six mois, ASML, le principal fournisseur de machines pour l’EUV, annonçait atteindre une puissance de 250 W… avec quatre ans de retard et uniquement en laboratoire.
Samsung promettait d’être le premier à produire des puces avec ce procédé, dès la seconde moitié de 2018. La compétition n’est pas en reste : GlobalFoundries, TSMC et Intel pourraient suivre dans les trois à six mois. Il n’empêche que ces derniers ne sont pas toujours aussi ouverts quant à leurs annonces : les plans d’Intel ne sont pas toujours clairs, mais la société a néanmoins acheté bien plus d’outils EUV que toute autre société active dans le domaine.
La mise en production devrait se faire pour toutes ces sociétés de la même manière : au niveau d’un nœud dénommé 7 ou 10 nm, mais en deuxième itération. Les premiers processeurs gravés avec cette finesse le seront avec des outils plus conventionnels (qui n’ont pas tellement évolué depuis les années 1980), poussés à leur extrême limite ; les suivants le seront avec l’EUV. La technique de l’EUV continuera de s’améliorer avec les années : si une puissance de 250 W sera suffisante pour le moment, il faudra probablement monter à 500 W pour le nœud suivant (3 nm), voire 1 kW pour celui d’après (1 nm) — alors que la consommation électrique d’une telle machine atteint déjà 1 MW pour émettre des ultraviolets à 250 W.
Le raisonnement est que cumuler ces deux changements fondamentaux (finesse de gravure et processus de lithographie) risque d’être trop difficile. Par contre, se passer de l’EUV serait catastrophique, la technologie pouvant réduire fortement les coûts et augmenter les vitesses de traitement : vu la différence de longueur d’onde, GlobalFoundries a déclaré qu’une puce qui nécessite aujourd’hui quinze étapes de production au niveau de la lithographie n’aurait plus besoin que de cinq avec l’EUV.
Un dernier problème doit toujours être résolu pour que l’ère de l’EUV s’avance : les masques utilisés. Avec l’EUV, ils ne ressemblent pas vraiment à ceux utilisés précédemment : avec une source de lumière à 193 nm, le faisceau traverse le masque pour imprimer les composants nécessaires sur le silicium ; avec l’EUV, la lumière est réfléchie sur le masque et ses dizaines de couches de matériaux divers. Ces masques peuvent avoir des imperfections lors de leur fabrication : dans ce cas, les processeurs imprimés ne pourront pas fonctionner. Il faut donc les inspecter précisément pour voir s’il y a des défauts et les corriger le cas échéant. On peut toujours utiliser les outils précédents, mais ils fonctionnent avec une longueur d’onde de 193 nm : ils peuvent détecter une série de défauts, mais ils ne sont pas assez précis pour tout voir. Les outils d’inspection par faisceau d’électrons ont une résolution suffisante (ASML a produit les premières machines), mais sont bien trop lents. Au lieu de vérifier le masque, il est aussi possible de vérifier les processeurs fabriqués, mais ce procédé est extrêmement lent. Samsung semble le plus avancé sur ce point, avec un outil d’inspection par actinisme.
Un autre problème, bien que moins sérieux, se présente au niveau des masques. En effet, malgré toutes les précautions prises, toutes les machines utilisées produisent de la poussière. Il faut protéger les masques de cette poussière, sinon les processeurs produits auront un défaut dû l’ombre produite par ce grain de poussière. La technique actuelle est d’apposer une pellicule de protection sur les masques, mais il n’y a pas encore vraiment de matériau qui laisse passer les EUV et résiste à toutes les conditions particulières (subir les déformations mécaniques et les photons de très haute énergie). Pour le moment, les fabricants de semi-conducteurs préfèrent utiliser des masques nus
Source et détails : EUV Lithography Finally Ready for Chip Manufacturing.
ASML continue de développer ses machines pour les ultraviolets extrêmes
Le monde des semi-conducteurs est en ébullition au niveau des processus de fabrication, les ultraviolets extrêmes (EUV) faisant leur apparition : que ce soit chez TSMC ou Intel, la technologie arrive enfin en production, malgré les doutes répétés, malgré les retards accumulés. Une seule société au monde fabrique les machines utilisant ces ultraviolets extrêmes : ASML est basée aux Pays-Bas et croit en cette technologie depuis plus de dix ans.
La prochaine génération de leur système de lithographie, dénommée TWINSCAN NXE:5000, est déjà en cours de développement. Son plus grand avantage sera une meilleure ouverture (qui passera de 0,33 à 0,55), c'est-à-dire qu'elle pourra mieux focaliser la lumière sur une petite zone.
Pour y arriver, c'est tout le système de miroirs qu'il faut peaufiner. La lumière EUV est produite à l'aide de gouttelettes d'étain sur lesquelles un laser à dioxyde de carbone à très haute énergie envoie des impulsions jumelles. La première impulsion déforme la gouttelette d'étain ; la seconde, de plus grande intensité encore, suit trois microsecondes plus tard et transforme la gouttelette en plasma qui émet une lumière à une longueur d'onde de 13,5 nm. Cette lumière doit alors être focalisée très précisément pour qu'elle rebondisse sur un masque et imprime sur le silicium.
Jusqu'à présent, les améliorations portaient surtout sur la puissance de la lumière générée : il a fallu de nombreuses années pour atteindre deux cent cinquante watts. Plus la puissance est élevée, plus vite une galette de silicium est imprimée, donc plus la production est importante. Cent nonante-cinq watts permettaient d'imprimer cent vingt-cinq galettes par heure, deux cent cinquante watts correspondent à cent quarante galettes. Toutes ces améliorations étaient incrémentales, dans le sens où ASML a pu modifier les machines des clients pour leur donner accès à cette puissance supplémentaire.
Cet axe de développement se poursuit évidemment. ASML arrive à atteindre quatre cent dix watts en laboratoire, mais pas en continu. Pour continuer à augmenter cette puissance, le laser à dioxyde de carbone peut monter en puissance, bien évidement, mais aussi le débit de gouttelettes d'étain : les machines actuelles en propulsent cinquante mille par seconde, mais le générateur pourrait monter raisonnablement facilement à quatre-vingts mille par seconde.
Source : ASML Developing Next-Gen EUV Lithography.