Rétro 2011 : Apple et Adobe, les deux sociétés IT qui ont marqué l’année
Pour la rédaction de Développez.com, et pour vous ?
Que restera-t-il de l’année 2011 dans le monde de l’IT ?
Certainement le souvenir d’une année à la fois chargée et bien étrange.
2011 a vu le triomphe de « la consumérisation de l’IT », cette tendance des usages privés à imposer les usages professionnels. Ce ne sont plus les DSI qui décident quels téléphones seront dans l’entreprise, ce sont les employés qui, parce qu’ils aiment leurs iPhones ou leurs Android, obligent les DSI à savoir gérer des parcs hétérogènes.
Ce phénomène, qui découle du BYOD (« Bring Your Own Device »), a également fait rentrer les tablettes dans l’univers professionnel. Nous ne sommes pas encore dans « l’ère post-PC » prophétisée par des cadres de Microsoft et par Steve Jobs et décrétée par certains cabinets d’analyse, mais les tablettes se vendent. Surtout l'iPad diront certains.
En 2011, tous les éditeurs se sont mis à regarder cet outil de près. Le très sérieux SAP en tête qui décline désormais ERP, CRM et autres outils BI et prévisionnels sur l'air de la mobilité.
« La consumérisation de l’IT » aura aussi fait de 2011 l’année de l’envol du SaaS. En témoigne le départ canon d'Office 365, l’offre d’outils professionnels hébergés de Microsoft pour les directions métiers. Un départ record comme il n'en a presque jamais connu auparavant, si l'on en croit l’éditeur.
« Consumérisation de l’IT » toujours, avec une restructuration de ce même Microsoft, annoncée à la rentrée de septembre, pour prendre en compte ce mouvement de fond.
Microsoft aura d’ailleurs beaucoup marqué, et à nouveau, l’actualité du début à la fin de cette année. Montée en puissance de Windows Azure. Mise à jour majeure de Windows Phone 7 (Mango). Rachat de Skype. Succès populaire de Kinect et sortie de son SDK. Rapprochement avec Nokia. Tout était réuni pour faire de cette année, celle de Microsoft.
Pourtant, certains observateurs et une partie de ses actionnaires aiment surtout pointer le retard pris dans le virage des… tablettes, justement, et montrent de plus en plus ouvertement leur défiance à Steve Ballmer. Un PDG qui, quoi qu'ils en disent, enchaîne les bons trimestres financiers et bénéficie du soutien inconditionnel de son ami Bill Gates.
En 2011, Steve Ballmer a dévoilé une partie de sa réponse à ces critiques avec la première bêta officielle de Windows 8, un OS mi-desktop mi-mobile, inspiré à la fois de Aero (Windows 7) et de Metro (Windows Phone 7).
Bill Gates et Steve Ballmer, photo par Dan Farber
Parlons OS, justement avec l’arrivée dans une relative confidentialité des premiers Chromebooks sous Chrome OS (et son fork officieux LimeOS). Avec le match sans pitié, dans les magasins et devant les tribunaux, entre iOS et Android, l’autre OS de Google qui pour la première fois a dépassé son concurrent de chez Apple. Sans pour autant lui prendre ses revenus.
iOS qui est passé en version 5 en octobre. Et Android dont le code source de la version 4 est à nouveau librement consultable et téléchargeable par tous les développeurs, contrairement aux versions précédentes qui avaient jeté la suspicion sur son caractère véritablement open-source.
Le monde des mobiles a été un des plus mouvementé. Nokia a donc choisi de lier son destin à celui de Windows Phone mi-février, laissant MeeGo dans l’expectative.
En réponse, Google a dépensé 12.5 milliards de dollars en plein mois d’aout pour racheter Motorola et son catalogue de brevets. Un rachat qui doit lui permettre de mieux défendre ses partenaires devant les juges. Et de sortir des appareils où l’intégration entre OS et hardware est mieux maîtrisée, sur le modèle de ce que fait Apple et de ce que fera l’alliance Microsoft/Nokia.
Quant à RIM, ses BlackBerry et sa tablette PlayBook, n’ont pas stoppé la descente aux enfers du Canadien qui a même connu l'affront d'une lettre ouverte publique écrite par une « taupe » qui appelait, le 1er juillet, à tout changer, du mode de gestion des carrières en interne aux SDK pour les développeurs.
Mais revenons aux OS de bureau. Une nouvelle a fait l’effet d’une petite bombe dans le monde Linux (et a suscité les critiques sur les méthodes de mesure) : Ubuntu ne serait plus la distribution la plus populaire. Cette fin de règne, pas encore avérée, profiterait à un de ses forks. Cette déclinaison de déclinaison de Debian, jugée plus légère et plus classique dans son UI, s’est fait un nom en 2011 : Linux Mint.
Côté entreprise, 2011 aura été calme pour Oracle après, il est vrai, une année 2010 particulièrement remplie. Mis à part la sortie d’une nouvelle version de Solaris en novembre et de quelques outils (dont MySQL 5.6 en avril), la société de Larry Elisson aura profité de ces douze mois pour digérer tranquillement le rachat de Sun. « Tranquillement » mais avec tout de même la suite du violent procès contre l’utilisation de Java dans Android et un abandon de la suite bureautique libre OpenOffice.org (donné à la fondation Apache), dont le fork et concurrent LibreOffice a connu sa première version stable en janvier et a depuis été intégré dans toutes les distributions Linux majeures.
A contrario SAP a connu une année incroyablement riche. Poursuite de sa diversification vers les CRM, la BI (Business Object 4.0) et le In-Memory (HANA). Mutation vers le Cloud et les usages mobiles (sortie de Sybase Unwired Platform 2.0, ouverture d’un SAP Store pour mobiles). Un 5ème trimestre de croissance consécutif pour sa branche française. Et, pour finir en beauté, un énorme rachat de plus de 3 milliards de dollars pour s’offrir, en décembre, le Salesforce.com des ressources humaines (SuccessFactors).
L'ancien PDG de l’éditeur allemand, Leo Apotheker, doit presque en regretter d'être parti chez HP.
Après 11 petits mois aux Etats-Unis, le dirigeant a en effet été débarqué sans ménagement suite à une n-ième communication particulièrement confuse sur l’avenir de la branche hardware de HP. Une division censée être abandonnée, puis revendue, puis finalement scindée. Ces tergiversations lui auront valu son poste, mais également un chèque de plus de 35 millions de dollars.
Leo Apotheker pourra se consoler en se disant qu’il n’aura pas été le seul à connaître l’opprobre du remerciement abrupt en 2011.
Eric Schmidt, chez Google a dû laisser sa place aux deux créateurs de l'entreprise, désireux de reprendre la main et de sabrer dans les projets et les effectifs (il touchera 100 millions de dollars et restera dans l’entreprise comme lobbyiste de luxe). Quant à la délicate Carol Bartz (Yahoo !), elle s'est également vue signifier la fin de sa mission par téléphone, ce qui l'a poussée à traiter publiquement le Board « d’attardés » et son interlocuteur de « sans couilles » au risque de perdre son parachute dorée de 10 millions de dollars.
Mais les deux sociétés IT qui ont marqué l’actualité IT en 2011 sont, pour nous, ailleurs.
La première, à nos yeux, est Apple. La mort de Steve Jobs a largement dépassé les frontières de l’informatique. Que l’on apprécie ou non l’homme et son héritage, force est de constater que rarement un chef d’entreprise aura suscité autant d’émotion en disparaissant.
Sur Developpez.com, nous n’oublions pas pour autant que trois autres « géants » nous ont quittés : Jacob Goldman - pionnier de l'informatique et fondateur du laboratoire Xerox PARC, John McCarthy - l'inventeur du langage de programmation LISP et pionniers de l'intelligence artificielle, et Dennis Ritchie – inventeur du C.
Que tous les quatre reposent en paix.
L’autre acteur de l’année est, toujours d'après nous, Adobe.
Bien qu’affichant de très bons résultats financiers, Adobe a en effet plongé le monde du développement Flash/Flex dans la nuit noire en hypothéquant (sans vraiment le dire ouvertement) l’avenir de ses technologies maisons au profit du HTML 5.
Coup sur coup, Adobe a annoncé la fin du Flash Player pour mobile et le don du SDK de Flex à l’open-source en novembre. Deux surprises qui ont fait suite à la sortie d’un ensemble d’outils pour le HTML 5 (Edge pour les animations, Muse pour la conception de site, PhoneGap pour le développement mobile). « Flash ne représente qu'une petite partie de nos revenus », nous déclarait début novembre Ben Forta, évangéliste numéro 1 de Adobe lors d'un entretien passionnant, « en fait, nous sommes un des plus gros éditeurs de solutions pour le développement en HTML ».
Le monde du développement se souviendra donc qu’en 2011, Adobe a posé les jalons d'une stratégie « hors-Flash ». Voire « post-Flash ». Un pari risqué et polémique, mais audacieux, pour une entreprise qui a décidé de se réinventer en profondeur.
Ben Forta, Director of Platform Evangelism en septembre dans les locaux d'Adobe France
Plus largement, les plug-ins ne se sont pas bien portés cette année. Silverlight semble lui aussi se diriger vers la voie de garage malgré la sortie de Silverlight 5. Et Microsoft a fait savoir que la version mobile de Internet Explorer 10 serait 100% sans greffon.
Ce qui nous amène aux navigateurs.
Internet Explorer 9 est arrivé en mars, marquant le renouveau de Microsoft dans ce domaine. Opera s’est mis à l’accélération matérielle, à WebGL et a changé de moteur de rendu. Chrome a talonné Firefox.
Firefox dont l’avenir est assuré pour 3 ans supplémentaires avec la reconduction plusieurs fois retardée de l’accord entre Mozilla et Google sur son moteur de recherche par défaut pour un montant record (on parle d'un milliard de dollars sur 3 ans).
Firefox encore, qui est passé à la vitesse supérieure avec des cycles de développements plus courts (et 7 versions en seulement un an). Des cycles également en vigueur chez Google et qui semblent s'imposer au-delà du monde des navigateurs, comme chez SAP par exemple qui les a fait passer de 18 mois à moins de deux trimestres pour accélérer la sortie de ses nouveaux produits.
En France, 2011 aura été l’année où Pôle Emploi, avec un rapport qui ne payait pas de mine, a tiré à boulets rouges sur les SSII et le manque de vision à long terme du secteur. Pour les autres observateurs (Syntec Numérique, APEC, etc.), l’emploi IT continue à se porter à merveille et résiste bien à la crise.
Les organisateurs des salons emploi, des observateurs optimistes mais toujours mesurés dans leurs analyses, constataient pour leur part en septembre que le secteur était revenu à « des niveaux plus raisonnables de rémunération ».
Nous aurions également pu intégrer à cette rétrospective le lancement de l’extension .42 et le dialogue qui s’est instauré entre nos membres et les initiateurs du projet, l’arrivée de DART – le langage de Google pour remplacer le JavaScript, la validation du draft final de la norme C++ 0X, l’avènement des Interface Utilisateur Naturelle (NUI) qui ont trouvé en Kinect un « évangéliste » de premier ordre (y compris cette année dans le monde professionnel), l'augmentation des prix des disques durs – presque multipliés par deux – suite aux inondations catastrophiques en Thaïlande, la vraie fausse disparition de WebOS, ou le faux vrai succès du réseau social Google+, le concurrent de Facebook qui s'impose lentement mais pas surement.
Mais le bilan d'une année est forcément partiel. Nous en avons bien conscience. Nous sommes à peu près sûrs que les évènements IT majeurs qui vous ont marqués seront différents de ceux dont nous venons de parler. Nous vous remercions donc par avance de nous en excuser. Et nous vous invitons à partager les vôtres pour corriger nous impardonnables oublis.
Il y a cependant une chose sur laquelle nous serons certainement d’accord : 2011 a été dans le monde une année « extra-ordinaire », au sens premier du mot.
Les printemps arabes, Fukushima, le raid contre Ben Laden, la contestation en Russie après la réélection de Vladimir Poutine, la chute de Mouammar Kadhafi, la deuxième vague de la crise financière (qui emporte au passage Silvio Berlusconi), la crise de l'Euro qui découle de cette vague, l'affaire DSK, un mariage de conte de fées à Londres avant des émeutes et des grèves qui rappelleront aux plus anciens les années Thatcher, la mort de Georges Semprun, le mouvement des indignés inspiré par le jeune nonagénaire Stephen Hessel qui gagne jusqu’aux Etats-Unis et Wall Street, l’Egypte qui commençait l’année dans la joie et la termine dans l’expectative ou la révolte en Syrie.
Autant d'évènements qui, en comparaison, ont fait passer le monde IT et ses péripéties, aussi passionnantes soient-elles, pour un long fleuve particulièrement tranquille.
Autant d'évènements qui ont fait de 2011 une année chargée, et bien étrange.
Et vous ?
Quel(s) évènement(s) IT retiendrez-vous de 2011 ?
Quel(s) évènement(s) en général retiendrez-vous de 2011 ?
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