Il reste effectivement de l'argent après les impôts, mais le fait que les deux conjoints travaillent se traduit aussi par des charges supplémentaires, surtout quand ils ont des enfants.
Deux parents qui travaillent, ça veut dire souvent quelqu'un pour récupérer les enfants à la sortie de l'école et pour les devoirs, parfois, ça veut dire une voiture de plus, c'est moins de temps pour cuisiner, donc un budget alimentaire plus élevé (plus de plats préparés), c'est aussi plus de stress, de fatigue, donc pas forcément une vie plus agréable. Bref, il y a d'un côté des revenus supplémentaires, et de l'autre des charges supplémentaires.
Note aussi que pour des ménages moyens, la présence d'un second revenu change le quotient familial, et donc les aides dont on peut bénéficier ou les tarifs de toutes sortes de services. Dans des petites villes où ces tarifs sont très progressif, le passage d'un pallier peut couter TRES cher.
Au final, pour le conjoint, il n'est pas toujours rentable de travailler, ou de travailler à plein temps. Et comme cela complique la vie de famille, et qu'il y a du chômage, pas mal de femmes choisissent de ne pas travailler, ou reprennent un temps partiel après un congé parental.
Le problème, tout à fait réel, c'est que cela se traduit par des carrières incomplètes, et pose de gros problèmes si le couple se sépare (un couple sur deux, de nos jours). Jusque là, rien à dire sur le raisonnement.
Là où ça se gâte, c'est la "solution" fiscalo-fiscale (tendance Terra Nova) que propose notre brave ministre. En supprimant le quotient conjugal, on enlève "l'avantage" dont bénéficierait un foyer dont la femme ne travaille pas, et donc on "encourage" les femmes à chercher du boulot. Ca pose à mon avis trois problèmes.
D'abord, essayer de présenter une hausse d'impôts comme un encouragement, ça marche mal: on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre. Par les temps qui courent, c'est carrément suicidaire.
Ensuite, en période de fort chômage, on peut s'inquiéter de l'effet d'une telle mesure. En remettant sur le marché du travail un certain nombre de femmes au foyer, certaines bien diplômées, ne va-t-on pas exclure davantage les moins qualifiés et les jeunes, ou accroitre la pression à la baisse sur les salaires? Parce que si le prix du retour au travail des femmes éduquées de la classe moyenne, c'est davantage de couples sans aucun travail dans les classes populaires, on peut s'interroger sur la caractère social de la mesure.
Enfin, le quotient conjugal joue un rôle de solidarité à l'intérieur du ménage. Si l'un des conjoints perd son emploi, le calcul actuel atténue la baisse, puisque le taux d'imposition va nettement baisser. Dans le système futur, c'est chacun pour soi. Il y a d'ailleurs une certaine ironie à voir cette ministre, qui nous chantait les louanges de l'institution du mariage quand il s'agissait d'en étendre le champ, chercher à en réduire un des aspects fondamentaux : la solidarité financière des conjoints (les époux se doivent assistance, hein?).
Et puis, on peut trouver ce discours amusant, venant d'une ministre socialiste. Parce qu'au fond, entre supprimer le quotient familial pour encourager les femmes au foyer à chercher du travail (dans leur intérêt bien entendu), et réduire les indemnités et les aides sociales, pour forcer les chômeurs à chercher du travail (ce qui serait une affreuse mesure ultra libérale, hein?), on ne voit pas très bien la différence...
Francois
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