Mais non, la réalité est beaucoup plus complexe que cette image de maîtres tenant le monde par les cordons de la bourse.
Il y a grosso modo deux types de médias :
a) Les médias qui appartiennent à de grosses entités économiques. Ceux-là vont avoir les moyens de faire leur boulot mais parfois ils devront se plier aux consignes (davantage de faits divers sur TF1 avant les élections, pas de critiques de l'UMP au Figaro, pas de critiques de Free au Monde, pas un mot sur les affaires judiciaires de Bouygues sur TF1, etc). Sauf que ces ordres explicites influent peu sur le quotidien du journaliste et ne pèsent pas très lourd sur l'info au final (sauf dans le choix des hommes mais en cette affaire il n'y a que de mauvais choix).
b) Les médias qui n'ont pas de moyens et qui soit publient très peu, soit ont une qualité qui en pâtit avec contenu collaboratif douteux, infos repompées vite fait, etc. Ce qui au quotidien est encore moins bien que quelques infos bidonnées.
c) Entre les deux tu as une marge restreinte dans laquelle on compte sans doute Médiapart. Est-ce à dire qu'avec eux pas de problème ? Non, voir ci-dessous.
L'argent a donc ses vices et ses vertus mais ce n'est pas lui le plus gros problème :
a) Les journalistes ne sont pas neutres. Que ce soit un journaliste de TF1 choisi pour ses opinions très à droite et sa servilité, ou un Ignaco Ramonet qui a fait du diplo l'organe de l'altermondialisme, le résultat est le même : une info de merde. Pas forcément dénuée de qualités mais trop partiale et partielle. Ces deux exemples sont extrêmes mais les journalistes ont leurs opinions. Or les journalistes se ressemblent très souvent mais ils ne sont pas les seuls, voir Bourdieu. La reproduction sociale est l'arme de l'establishment.
b) Les journalistes sont des animaux sociaux. Ils ont plein de copains. Tu ne passes pas dix ans à talonner les responsables politiques et à les interviewer sans nouer des sympathies, c'est impossible. Pire : tu y es contraint pour avoir des sources, comme souvent refuser de plonger les mains dedans c'est se contraindre à l'impuissance. Et puis quelle est la part d'être humains qui sont capables pendant dix ans de refuser toutes les invitations, de ne pas rire aux blagues et de faire le pisse-froid à chaque conversation quand tout le monde se tape dans le dos ? La douceur et le confort sont les armes de l'establishment. Le monde actuel, c'est la tyrannie douce prophétisée par Tocqueville : on ne force jamais personne, on ne tire jamais sur les gens, on ne donne pas d'ordres en agitant des sacs de pièces. On se contente de ridiculiser et d'ignorer les déviants, et de noyer les suiveurs sous les distractions et les distinctions.
c) Les journalistes sont ignorants. Et ils cherchent à obtenir une information auprès de personnes dont ils ne savent pas juger de la fiabilité. D'où les experts, ces types "certifiés" (détenteurs d'un titre quelconque faisant office de lettre de crédit : professeur à, diplômé de, spécialiste chez, conseiller de, ministre à, banquier central de, etc). Et qui décerne ces titres et fait et défait les réputations ? L'asymétrie informationnelle est l'arme de l'establishment.
d) Le journaliste ne fait pas l'actualité. Ce sont les pouvoirs en place qui agissent, créent l'actualité et impriment le rythme, le calendrier et donc la narration et le marketing. L'action et la narration (storytelling) sont les armes de l'establishment.
Non, il faut :Donc ma conclusion/question est: au final, ne doit-on croire que ce que l'on voit directement (et pas au travers de la télé, d'une photo ou d'un article) ???
a) Diversifier ses sources et garder un esprit critique.
b) Questionner l’actualité elle-même : pourquoi ce sujet, pourquoi maintenant, pourquoi pas un autre, qui cherche à faire passer quel message ?
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