La comparaison même, à laquelle nous avons eu recours, entre le chômage et une
inondation, montre que nous sommes en fait moins impuissants devant des
événements élémentaires de la nature physique que devant nos propres affaires
purement sociales, purement humaines ! Les inondations périodiques qui ravagent au
printemps l'est de l'Allemagne ne sont en dernière analyse qu'une conséquence de
notre impéritie en matière d'hydrographie. La technique, en son état actuel, donne
déjà des moyens suffisants pour protéger l'agriculture de la puissance des eaux et
même pour mettre à profit cette puissance ; simplement ces moyens ne peuvent être
appliqués qu'à grande échelle, par une organisation rationnelle et cohérente qui
devrait transformer toute la région touchée, modifier en conséquence la répartition
des terres arables et des prés, construire des digues et des écluses, régulariser le cours
des fleuves. Cette grande réforme ne sera évidemment pas entreprise, en partie parce
que ni les capitalistes privés ni l'État ne veulent fournir les moyens nécessaires à une
telle entreprise, en partie parce qu'elle se heurterait aux droits les plus variés de
propriété privée du sol. Mais la société actuelle a déjà en main les moyens de faire
face aux dangers des eaux et de dompter l'élément déchaîné, même si elle n'est pas en
mesure d'appliquer ces moyens. En revanche, la société actuelle n'a pas encore
inventé de moyens pour lutter contre le chômage. Et pourtant, ce n'est pas un élément,
ce n'est pas un phénomène naturel ni une puissance surhumaine, c'est un produit
purement humain des conditions économiques. Et nous voici de nouveau devant une
énigme économique, devant un phénomène sur lequel personne ne compte, que
personne ne cherche consciemment à provoquer et qui pourtant se répète avec la
régularité d'un phénomène naturel, pour ainsi dire pardessus la tête des hommes.
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