État d’urgence : la loi permettant la copie des données lors des perquisitions en France a été censurée
par le Conseil constitutionnel
À la faveur des attaques à Paris le 13 novembre dernier, l’état d’urgence a été déclaré sur l’étendue du territoire. Aussi, pour accompagner les forces dans leurs actions de lutte contre le terrorisme, les articles de la loi de 1955 encadrant les conditions de l’état d’urgence ont été mis au gout du jour.
Dans les nouvelles dispositions de la loi portant sur l’état d’urgence, il est stipulé au niveau du 5e alinéa de l’article 4 que les autorités administratives peuvent ordonner « des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, sauf dans un lieu affecté à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ».
« La perquisition est conduite en présence d’un officier de police judiciaire territorialement compétent. Elle ne peut se dérouler qu’en présence de l’occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins ».
« Il peut être accédé, par un système informatique ou un équipement terminal présent sur les lieux où se déroule la perquisition, à des données stockées dans ledit système ou équipement ou dans un autre système informatique ou équipement terminal, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial. Les données auxquelles il aura été possible d’accéder dans les conditions prévues par le présent article peuvent être copiées sur tout support ».
En somme, les forces de l’ordre peuvent perquisitionner un lieu et copier les données disponibles dans ce lieu ou accessibles à partir de ce lieu toutes fois qu’il est établi qu’une personne menaçant la sécurité et l’ordre publics à accès à ce lieu. Par ailleurs, il convient de souligner que ces actes de perquisition et de copies peuvent se faire sans mandat judiciaire dans l’intervalle de temps couvert par l’état d’urgence.
Toutefois, lorsque les forces de l’ordre sont face à un matériel dont les données sont inaccessibles sur place, l’idéal serait d’emporter le matériel pour une inspection approfondie afin d’en sortir les données. Et cette action sortant du cadre prévu par les dispositions de la loi portant sur l’état d’urgence, certains parlementaires se sont fait le porte-voix des forces de l’ordre qui souhaitent pouvoir saisir les ordinateurs et les téléphones portables lors des perquisitions, afin d’en exploiter les données le plus efficacement possible, sans requérir à l’autorisation d’un juge.
Une proposition de loi a donc été introduite afin d’étendre les actions des forces de l’ordre lors de leurs perquisitions. La proposition a été formulée de la manière suivante : « Il peut être procédé à la saisie des équipements et des matériels informatiques, ainsi que des téléphones portables, en vue de pouvoir en copier et exploiter les données dans des conditions optimales ».
Avant même d’aborder les cas de saisies du matériel informatique et considérant que la perquisition sans mandat ainsi que la copie des données sur les lieux de perquisition portent atteinte à la vie privée, la Ligue des droits de l’homme relative à la conformité aux droits et libertés a saisi le Conseil d’État qui s’est tourné vers le Conseil constitutionnel pour avoir son avis sur la question.
Selon le Conseil constitutionnel, les dispositions permettant à l’autorité administrative d’effectuer des perquisitions sans mandat sont conformes à la Constitution, car elles peuvent s’inscrire « dans un régime de pouvoirs exceptionnels dont les effets doivent être limités dans le temps et l’espace et qui contribue à prévenir le péril imminent ».
Toutefois, pour ce qui est de la copie des données sur un système informatique dans un lieu perquisitionné, « le Conseil constitutionnel a relevé que cette mesure est assimilable à une saisie. Ni cette saisie ni l’exploitation des données ainsi collectées ne sont autorisées par un juge, y compris lorsque l’occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s’y oppose et alors même qu’aucune infraction n’est constatée. Au demeurant peuvent être copiées des données dépourvues de lien avec la personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ayant fréquenté le lieu où a été ordonnée la perquisition ».
« Le Conseil constitutionnel a jugé que, ce faisant, le législateur n’a pas prévu de garanties légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et le droit au respect de la vie privée. Il a, par suite, jugé contraires à la Constitution les dispositions portant sur la copie des données dans un lieu faisant l’objet de perquisition ».
Source : Communiqué Conseil constitutionnel
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