État d'urgence : le gouvernement et l'Assemblée nationale avaient fait passer une loi inconstitutionnelle
après les attentats de Paris
Au lendemain des attentats de Paris, l’État français avait mis en place l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire français. Plusieurs mesures ont aussi été prises pour renforcer les dispositions de l’état d’urgence et pour permettre aux forces de l’ordre de traquer les terroristes et leurs présumés complices. Parmi ces mesures d’exception, il y en avait une qui avait fait couler beaucoup d’encre entre la classe politique, les citoyens et les défenseurs des droits de l’homme. Il s’agit de la mesure permettant aux forces de l’ordre d’effectuer des perquisitions jusque dans les domiciles des suspects pour y saisir des données informatiques et même celles qui sont stockées sur des serveurs distants notamment sur le cloud. Quatre-vingt-dix jours plus tard, après 3500 perquisitions effectuées par les services de police, le Conseil constitutionnel publie une décision qui rend illégale la saisie des données informatiques des suspects.
Rappelons qu’au moment de la mise en place de l’état d’urgence et donc du vote de ces dispositions qui sont aujourd’hui invalidées par le Conseil constitutionnel, le Premier ministre Manuel Valls avait lui-même demandé aux députés et sénateurs de ne pas consulter les membres du Conseil constitutionnel, car, expliquait-il, « si le Conseil répondait que la loi révisée est inconstitutionnelle sur un certain nombre de points, cela peut faire tomber les procédures déjà faites ». Le parlement en votant cette loi s’est de fait rendu complice du gouvernement en faisant passer une loi qui était incompatible avec la constitution. Ce n’est que près de trois mois plus tard que le droit sera donc rétabli après que la Ligue des droits de l’Homme a posé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Les membres du Conseil constitutionnel ont donc invalidé cette décision de justice permettant aux policiers de faire des perquisitions et des saisies de données informatiques dans les domiciles des suspects. Les sages ont ainsi estimé que le législateur n’avait pas présenté, dans ce cas précis de la saisie des données, de « garanties légales » pouvant assurer l’équilibre entre « droit au respect de la vie privée » et « sauvegarde de l’ordre public ». Les membres du Conseil ont estimé que les dispositions qui permettent aux enquêteurs de « copier toutes les données informatiques auxquelles il aura été possible d’accéder au cours de la perquisition » sont assimilables « à une saisie ». Or ni la saisie ni l’exploitation des données « ne sont autorisées par un juge, y compris lorsque l’occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s’y oppose et alors même qu’aucune infraction n’est constatée ». C’est ce qui fait que la saisie des données informatiques lors des perquisitions est considérée comme étant une atteinte à la vie privée. Les données informatiques ainsi saisies depuis l’instauration de l’état d’urgence deviennent-elles des données détenues de manière illégale par l’autorité administrative ?
Cette censure du Conseil constitutionnel intervient à la suite de la saisie de la juridiction suprême par la Ligue des droits de l’Homme qui contestait certaines dispositions prises lors de l’état d’urgence qu’elle considère comme étant illégales. D’après la Ligue, les dispositions indexées constituent des violations flagrantes des libertés fondamentales garanties par la constitution telles que « le droit d’expression collective des idées et opinions », « le respect de la vie privée ». Cependant, cette disposition est la seule ayant été invalidée par les membres du Conseil constitutionnel ». En outre, le Conseil, dans sa décision, déclare que le contrôle préalable d’un juge administratif lors des perquisitions, comme réclamé par la Ligue des droits de l’Homme n'est pas nécessaire. Le Conseil a aussi ajouté que ces perquisitions « relèvent de la seule police administrative » et « n’affectent pas la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution » et « n’ont donc pas à être placées sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire ». Le conseil rappelle également que « le juge administratif est chargé de s’assurer que cette mesure, qui doit être motivée, est adaptée et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit » et ajoute que « si les voies de recours prévues à l’encontre d’une décision ordonnant une perquisition (...) ne peuvent être mises en œuvre que postérieurement à l’intervention de la mesure, elles permettent (cependant) à l’intéressé d’engager la responsabilité de l’État ».
Source : Conseil constitutionnel
Voir aussi
État d'urgence : la loi permettant la copie des données lors des perquisitions en France a été censurée par le Conseil constitutionnel
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