Combat contre l'exclusion sociale : Microsoft espère embaucher plus de développeurs autistes,
l'entreprise a mis sur pied un programme d'évaluation adapté au handicap
Blake Adickman devait commencer un entretien chez Microsoft au printemps dernier. La veille, il a appelé ses parents et les a gardé en ligne tandis qu’il sortait de son hôtel pour se diriger vers le bâtiment où l’entretien devait avoir lieu. Pour être encore plus proche de leur enfant, ses parents , qui se trouvaient à Boca Raton (Floride), ont décidé de chercher sur Google Maps Redmond à Washington, et l’ont suivi tout le long de son trajet depuis la carte sur laquelle ils avaient zoomé au préalable. Une fois qu’il est arrivé devant le bâtiment, il a pris une photo de l’entrée et la leur a fait parvenir. Puis il est retourné sur ses pas.
Adickman a été diagnostiqué autiste. L’une des caractéristiques de son autisme est qu’il se trouve facilement éreinté par des expériences inhabituelles. Aussi, la marche qu’il a effectué vers Microsoft était dans l’optique de diminuer la nouveauté des environs étant donné que le jour de cet entretien constituait l’un des moments les plus importants de sa vie et il tenait à ne pas le gâcher.
Fast Company, l’éditeur de presse américain qui raconte cette histoire, explique que par le passé Adickman n’avait jamais révélé son autisme lorsqu’il postulait pour des offres d’emploi. Une fois, un gestionnaire l’avait réprimandé pour avoir établi une liste de tâches sur son téléphone au lieu de le faire sur une feuille de papier. Il a essayé de lui faire comprendre pourquoi il préférait taper au lieu d’écrire : une complication dans la motricité fine associée à son autisme qui entraîne une espèce de désordre calligraphique. « J’ai une hypermobilité », a-t-il lâché à son responsable qui a aussitôt rétorqué « je ne me soucie pas de ce que vous avez ». Peu de temps après il a démissionné.
Le cas d’Adickman est loin d’être isolé, des millions d’adultes autistes se retrouvent souvent dans une impasse difficile, luttant pour obtenir ou conserver un emploi et risquant de s’attirer la discrimination de responsables ou de collègues qui croient à tort qu’étant donné que l’autisme affecte le cerveau, les autistes sont de facto des travailleurs moins capables.
Cependant, la donne doit avoir changé du côté de Microsoft.
En principe, lorsque quelqu’un postule à un emploi chez Microsoft et passe plusieurs niveaux d’appréciation (validation du CV, entretien téléphonique, parfois un entretien à distance pour vérifier les capacités que le candidat affirme avoir), il est invité sur le campus de Redmond pour un entretien final avec des responsables. Ici il sera question de répondre à des questions sur son expérience professionnelle et, s’il postule à une position technique, de résoudre des problèmes qui lui seront posés le jour même. Mais Microsoft a fait qu’Adickman et 16 autres candidats se rejoignent dans un programme qui a déjà un an d’existence (depuis mai 2015) et qui a été développé spécialement pour les candidats autistes.
Le programme ne passe pas par l’entretien classique pour évaluer les candidats. Ici, les candidats sont invités à passer deux semaines sur le campus et à travailler sur des projets tandis qu’ils sont observés de temps en temps par des responsables qui ont l’intention de les prendre dans leurs équipes. C’est seulement à la fin de cette étape que des entretiens plus conventionnels vont avoir lieu.
L’objectif est de créer une situation plus adaptée à la façon de communiquer et de penser des personnes autistes. Il faut rappeler que Microsoft n’est pas la première entreprise à avoir pris une telle initiative : l’éditeur allemand de logiciels SAP, entre autres, a également des programmes similaires. Mais Microsoft est l’entreprise la plus réputée qui a rendu public ses efforts dans ce sens, espérant que cela va susciter encore plus d’initiatives de ce genre au sein de l’industrie.
L’autisme reste un problème de société. En France par exemple, bien que la scolarisation de l’élève autiste s’inscrive dans le cadre de la loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » qui reconnaît à tout enfant porteur de handicap le droit d’être scolarisé en milieu ordinaire, dans l’école la plus proche de son domicile, et qui garantit la continuité d’un parcours scolaire adapté aux compétences et aux besoins de chaque élève par la mise en place des aménagements nécessaires à une scolarité continue, seuls 20 % des enfants autistes sont scolarisés et souvent à temps partiel.
L’auxiliaire de vie scolaire (AVS) nécessaire à leur scolarisation peut leur être accordée pour quelques heures par semaine seulement, quand ils ne sont pas dirigés vers les instituts médico-éducatifs (IME) ou l’hôpital de jour. Notons aussi que l’État a décidé de débloquer 30 millions d’euros dans le cadre de la sécurité et des récentes vagues d’attentats, somme qui sera versée au crédit du budget des universités afin de payer des vigiles. Ces 30 millions d’euros ont été puisés directement sur le FIPHFP (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique). Face à la critique, le cabinet de la ministre Najat Vallaud-Belkacem a déclaré « qu’il nous fallait dégager une marge de manœuvre budgétaire pour sécuriser les universités. Nous avons fait ce choix car il n’aura pas d’impact sur l’insertion des personnes handicapées : les réserves du fonds s’élèvent à 400 millions d’euros ».
Source : Fast Company, Educ Pro (30 millions d'euros réaffectés dans les universités), agir pour l'autisme (statistiques de scolarisation des enfants atteints d'autisme), rapport de diversité de SAP
Voir aussi :
Un film pour mieux comprendre les autistes surdoués
Microsoft donne plus de détails sur la diversité de ses employés et promet « un salaire égal pour un travail égal »
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