Edward Snowden : l'élection de Trump n'est pas notre premier souci
C'est la surveillance de masse qu'il faudrait remettre en cause
Edward Snowden, le lanceur d’alerte réfugié en Russie depuis 2013 s’est exprimé jeudi soir dans une vidéoconférence organisée par le moteur de recherche néerlandais StartPage. Durant la conférence, il s’est montré particulièrement tranquille surtout que l’on sait que c’est sa première sortie depuis la victoire de Donald Trump élu président des États-Unis face à sa rivale démocrate Hillary Clinton. Pour Snowden, cette élection est « un moment sombre dans l'histoire de la nation » américaine, mais « ce n'est pas la fin de l'histoire ». « Si nous travaillons ensemble, nous pouvons construire quelque chose de meilleur, et profiter d'une société plus libre au bénéfice de tous ». Il faut rappeler qu’en 2013, il avait déclaré qu’une société dystopique était « à une élection » des États-Unis.
Edward Snowden
L’ancien sous-traitant de la NSA a rappelé que le président Barack Obama n’a pas tenu ses promesses sur la fin de la surveillance massive, la fermeture de Guantánamo, les frappes de drones et les exécutions extrajudiciaires. « C'était un moment où nous avons tous cru, moi y compris, que l'arrivée de la bonne personne au pouvoir allait tout changer, mais cela n'a pas été le cas », a-t-il regretté. C’est pourquoi le lanceur d’alerte ne semblait pas trop perturbé par la victoire de Trump, bien que son élection soit venue à sa grande surprise. « Nous ne pouvons rien espérer d'un Obama, et nous ne devrions pas craindre un Donald Trump : nous devrions plutôt construire par nous-mêmes. »
Snowden a rappelé que les administrations Bush et Obama ont été derrière la mise en place d’un système de surveillance généralisée extrêmement performant et dont va hériter Trump durant son prochain mandat. Snowden est particulièrement familier avec ce système puisqu’il avait révélé en 2013 des informations classées top-secrètes de la NSA concernant la captation des métadonnées des appels téléphoniques aux États-Unis, ainsi que les systèmes d’écoute sur internet des programmes de surveillance PRISM, XKeyscore, Boundless Informant et Bullrun du gouvernement américain et les programmes de surveillance Tempora, Muscular et Optic Nerve du gouvernement britannique. Pour justifier ses révélations, il a indiqué que son « seul objectif est de dire au public ce qui est fait en son nom et ce qui est fait contre lui. » De tels programmes pourraient permettre au prochain président de rester éternellement au pouvoir. En France également, les attaques terroristes récentes ont été suivies par l’accord de nouveaux pouvoirs de surveillance aux forces de sécurité, ce qui fait qu’elles pourraient être utilisées abusivement dans le futur. « La surveillance massive n'a jamais apporté de résultat concret dans le contre-terrorisme », a dit Snowden. « La surveillance massive n'a rien à voir avec l'antiterrorisme, c'est plutôt une question de pouvoir », a-t-il expliqué.
Snowden a jugé que l’importance excessive accordée à ces élections est une erreur grave, pour lui, le véritable pouvoir réside dans le pouvoir social et civique qui peuvent être exploités pour introduire des changements importants. L’ancien sous-traitant de la NSA a cité plusieurs cas où de nouvelles lois de surveillance de masse ont été imposées au Royaume-Uni et en Chine, sans oublier le récent scandale de Yahoo. Snowden propose de mettre en place des dispositifs qui permettent une surveillance ciblée des individus réputés dangereux sans pour autant être intrusifs pour la population. Il incite aussi à recourir aux appareils et logiciels chiffrés ou de protocoles comme Tor. Pour lui, la connaissance informatique est la clé de la liberté et permet aux citoyens de contrer cette surveillance. « Un vote ne sera jamais assez pour être citoyen », a dit le lanceur d’alerte.
Déjà, plusieurs firmes sont inquiètes des pouvoirs grandissants accordés aux services de renseignement et craignent que la surveillance de masse puisse mettre en péril les données de leurs clients. Pour cette raison, certaines firmes ont commencé à installer leurs serveurs et données en dehors des États-Unis afin de les protéger des mandats de recherche émis sur le territoire américain. « Les pouvoirs d’un gouvernement sont légués à un autre lors des élections suivantes », a dit Snowden. « Réformer ces pouvoirs est maintenant la plus grande responsabilité de ce président, depuis belle lurette. » Snowden fait référence ici au président Obama qui a encore quelques mois devant lui à la Maison-Blanche.
Malgré son ton calme et insouciant, cette élection de Trump ne sonne pas bien pour l’activiste américain. Le milliardaire est un ami de Vladimir Poutine et un grand partisan de la peine capitale pour les traitres. Il avait tweeté en 2014 que « Snowden a engendré de gros dégâts aux États-Unis. Un espion, à l'époque où notre pays était respecté et fort, il aurait été exécuté ». Il faudrait noter aussi que l’administration Obama avait décidé de poursuivre Edward Snowden en accordance avec l’Espionnage Act, une vieille loi fédérale qui date de 1917.
Snowden ne semblait pas inquiet pour son avenir et sa sécurité, il s’est même montré rassurant. « Je suis la partie la moins importante de ce qui se passe ! L'important, c'est nous, la société », a-t-il affirmé. « Le président [Poutine] a assuré que le peuple de Russie me considère comme un défenseur des droits de l'Homme, et il a affirmé que la Russie n'extrade pas les défenseurs des droits de l'Homme ». Toutefois, il n’a pas écarté la possibilité « que ce type [Donald Trump, NDLR], qui se présente comme un champion des accords, ne soit pas en train d'essayer de passer un accord » avec la Russie pour l’extrader aux États-Unis. « Imaginons qu'un accord soit passé, et que je sois extradé… Vous savez, si j'étais vraiment soucieux de ma propre sécurité et si mon avenir personnel était au centre de mes préoccupations, je serais toujours à Hawaï [lieu de sa dernière affectation pour la NSA, où il a décidé de dévoiler le système au monde] », a-t-il expliqué.
Snowden a fait savoir qu’il pense avoir agi dans le bon sens et qu’il est satisfait de sa façon d’agir jusqu’à aujourd’hui. Et pour conclure, il affirmé que les élections étaient « un moment obscur pour l’histoire des États-Unis, mais pas la fin de l’histoire ».
Source : The Guardian
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