Les mauvaises informations mises en exergue par le moteur de recherche de Google
peuvent-elles avoir un impact aussi important que les fausses actualités ?
Pendant la majeure partie de son histoire, le moteur de recherche de Google n'a pas répondu directement aux questions ; les utilisateurs devaient entrer une requête pour que Google retourne une liste de liens vers des sites web susceptibles de contenir l’information désirée. Avec le temps, Google a reconnu que nombreuses sont les personnes qui ne veulent pas d’un outil de recherche, mais désire avoir une réponse rapide.
Aussi, son moteur a évolué pour s’adapter à sa remarque. Si vous entrez le nom d’une célébrité (John Legend par exemple), vous allez obtenir des photos de lui, des informations sur sa discographie et bien d’autres informations gravitant autour de lui. Si vous entrez un mot (rajouter par exemple) vous obtiendrez sa définition, un évènement (fête de la victoire) vous obtiendrez une date, un plat (ratatouille) et vous obtiendrez une recette.
En plus de cela, il arrive que Google mette un résultat bien en évidence avant les listes de réponse qu’il affiche d’ordinaire, probablement dans l’optique de souligner la réponse qui semble la plus pertinente. Une fonctionnalité que certains journalistes se sont amusés à appeler le « One True Answer » (la vraie réponse) étant donné que « Google accorde tellement de crédit à cette réponse qu'il l'élève au-dessus de toutes les autres ». Ci-dessous, une recherche sur la liste des présidents de la République française.
Pourtant, malgré cette bonne volonté, cette fonctionnalité est loin d’être à toute épreuve. Peter Shulman, professeur agrégé d'histoire à l'Université Case Western Reserve de l'Ohio, donnait une conférence sur la réémergence du Ku Klux Klan (KKK) dans les années 1920, quand un étudiant a posé une question plutôt étrange : le président Warren Harding était-il membre du KKK ?
Shulman n’y était pas préparé. Aussi, il a avoué ne pas être certain de sa réponse et a décidé d’y aller par déduction ; ayant pris la peine de rappeler à l’étudiant que Harding avait été en faveur de la législation anti-lynchage, il a assuré qu’il serait peu probable que ce dernier ait appartenu au KKK.
C’est alors qu’un second étudiant est intervenu : il a affirmé que, non seulement Harding avait été un membre du KKK, mais quatre autres présidents en ont aussi fait partie. Comme élément de preuve, il a brandi son téléphone en montrant le résultat d’une recherche Google qui apparaissait au-dessus des résultats de la recherche « presidents in the Klan » (présidents ayant fait partie du Klan).
Le résultat que Google a mis en évidence provient d'un article de Trent Online, un site qui se présente comme étant un « journal Internet leader au Nigeria », intitulé « RÉVÉLATIONS: 5 présidents des États-Unis membres du culte raciste Ku Klux Klan (PHOTOS) ». En parcourant l’article du Trent Online, il est aisé de constater que le billet original est issu d’un site appelé iloveblackpeople.net. L'article affirme que William McKinley, Woodrow Wilson, Warren Harding, Calvin Coolidge et Harry Truman étaient membres du KKK. Les seules sources citées sont le pseudo-historien nationaliste chrétien David Barton et KKK.org.
« Je comprends ce que Google essaye de faire, et c'est un travail qui nécessite peut-être une aide algorithmique », a déclaré Shulman dans un courriel. Et de préciser que, dans ce cas, son algorithme fait preuve d’une mauvaise conception puisqu’il « n’y a eu aucun président membre du KKK ».
Allégation qui a d’ailleurs été soutenue par le Harding Home, un musée de l'ancienne résidence de Harding : selon le Harding Home, l’affirmation selon laquelle Harding était un membre du KKK est un mensonge concocté par le KKK qui a d’ailleurs été réfuté par Harding. De plus, les biographes de Harding et de son épouse n'ont trouvé aucune preuve qu'il était membre. Il en va de même pour William McKinley, Calvin Coolidge et Woodrow Wilson.
Pour Shulman, Google doit davantage investir dans l’expertise humaine qui permettrait de mieux juger quel type de requêtes devrait produire une réponse directe comme celle-ci, « ou, du moins dans ce cas, ne pas envoyer un algorithme à la recherche d'une réponse qui n'est pas simplement "il n'y a aucune preuve qu'un président américain a été un membre du Klan”. Ce serait bien si, au lieu de mettre en évidence une réponse fausse, Google fournit des liens vers un document universitaire accessible, évalué par des pairs ».
Ce n’est pas un cas isolé. Des internautes ont essayé d’entrer des requêtes comme « est-ce qu’Obama planifie un coup d’État ? », « est-ce qu’Obama voudrait appliquer la loi martiale », et les résultats mis en exergue répondaient par l'affirmative.
Google a rendu cette fonctionnalité disponible en 2014. Pourtant, en 2015, la recherche à la question « What happened to the dinosaurs ? » mettait en exergue un billet qui assurait que « les dinosaures sont utilisés plus que toute autre chose pour endoctriner les enfants et les adultes dans l'idée de millions d'années de l'histoire de la terre » issue d’un site chrétien fondamentaliste. Google s’est refusé à tout commentaire et a simplement remplacé cette réponse pour mettre en exergue un article provenant de l’université de l’Illinois.
Source : The Outline
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