Bien que spectaculaire, l'annonce par les Etats-Unis de la taxation des importations d'acier et d'aluminium est dans la lignée de la politique économique du pays. Retour en quelques dates sur les principales mesures protectionnistes américaines.
Malgré la démission de son principal conseiller économique dans la nuit du 6 au 7 mars, Donald Trump persiste et signe : il y aura bien une taxation des importations de l’acier et du charbon… Et si les pays partenaires s’avisaient de prendre des mesures de représailles, le Président américain a déjà prévenu qu’il n’hésiterait pas à aller plus loin en évoquant même la possible taxation à 25% des importations de voitures européennes, par exemple.
Loin d'être surprenantes, les mesures annoncées par Donald Trump s’incrivent dans la continuité des actions menées par les précédents gouvernements. Selon le Global Trade Alert, avant même la prise de fonctions du candidat Républicain en 2017, les Etats-Unis avaient déjà... 1 280 mesures protectionnistes en vigueur.
1933 - Les débuts du protectionnisme américain
Les mesures adoptées à la suite de la crise de 1929 sont souvent considérées comme le point de départ de la tradition protectionniste américaine. Le Buy American Act, qui oblige le gouvernement fédéral à attribuer les appels d’offre aux entreprises américaines, est la mesure la plus symbolique de cette période.
Le texte, toujours en vigueur, a été exhumé par Barack Obama en 2009 à l'occasion de son méga plan de relance (787 milliards de dollars), ce qui lui a valu le titre de "président le plus protectionniste des Etats-Unis" par le Wall Street journal.
Années 1980 - Le Japon en ligne de mire
Chantre du libéralisme, le président Reagan n’a pourtant pas manqué de prendre de nombreuses mesures pour protéger les industries américaines. Accusant le Japon d'inonder les Etats-Unis de produits bon marché, Ronald Reagan a, par exemple, voté la multiplication par dix, à 45%, des droits de douane sur les motos japonaises de grosse cylindrée.
En 1987, une mesure encore plus drastique, imposant une taxation à 100% sur les télévisions et ordinateurs ainsi que la mise en place de quotas sur l’acier et les voitures japonaises, est adoptée. "Ces mesures étaient dirigées contre un pays particulier et pour protéger un marché spécifique", analyse Stéphane Colliac,économiste chez Euler Hermes, les comparant aux annonces du Président Trump, qui semblent concerner tous les pays importateurs d'acier et d'aluminium.
C’est également à cette période qu’est créée l’agence CFIUS, dont le but est de s’assurer que les investissements étrangers ne nuisent pas à la sécurité nationale.
2002 - George Bush taxe l'acier
Souvent comparées aux annonces faites par Donald Trump la semaine passée, les mesures prises par George Bush en 2002 sont les dernières grandes restrictions imposées contre lesimportations d’acier.
En s’appuyant sur la section 201 de la loi sur le commerce de 1974 qui stipule que des mesures peuvent être prises pour "permettre un ajustement positif à la concurrence internationale", l'ex-président américain décide, entre mars 2002 et décembre 2003, une taxation entre 8% et 30% pour dix catégories de produits importés tels que l'acier plat laminé, les fils pour machines…
"Ces mesures ont eu un effet désastreux pour l’économie", explique Cecila Bellora, économiste à la CEPII. "Selon certaines études, plus de 200 000 emplois auraient été détruits", ajoute la spécialiste. Partageant sa préoccupation, Stéphane Colliac va plus loin. "Les mesures actuelles ne sont pas très différentes de celles adoptées par Bush en 2002. Mais le contexte fait que la situation est plus dangereuse qu’en 2002 parce que les actifs boursiers sont plus élevés donc le risque de choc de marché est beaucoup plus fort."
2017 - Près de 100 mesures protectionnistes adoptées par les Etats-Unis
D’après l’étude menée par Eulers sur le protectionnisme aux Etats Unis, sur les 467 règlements protectionnistes adoptés dans le monde en 2017, 20% sont américains. "Les Etats Unis n’ont pas attendu Trump pour être protectionnistes. Ils l’ont été sous d’autres formes que les tarifs…Depuis cinq ans, un tiers des mesures protectionnistes mises en place dans le monde sur les métaux l’ ont été par ce pays," souligne Stéphane Colliac, qui précise: "sous Obama, le protectionnisme prenait la forme d’une protection des marchés publics, or dans ce secteur beaucoup de projets d’infrastructures nécessitent des métaux."
2018 - le protectionnisme en période de croissance
Pour Stéphane Colliac, la principale spécificité des mesures actuelles tient donc au contexte économique global dans lequel ces mesures sont annoncées. "Dans l'histoire économique mondiale, les moments de dépression sont souvent utilisés pour mettre en place des mesures protectionnistes. Or aujourd'hui, le contexte global est plus favorable: c'est cela la grande différence avec les mesures passées."
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