Pour lui, le réel changement de doctrine arrive avec l’équipe Touraine. « Quand on est partis en 2012, il y avait 1,4 milliard de masques, dont 600 millions de FPP2. Huit ans plus tard : le plan grippal – censé être mis à jour tous les deux ans – est toujours le même et il n’y a que 145 millions de masques chirurgicaux et aucun FFP2 ! » Un scandale « qui risque d’avoir la portée du sang contaminé », prédit-il. « La question devra se régler devant une commission d’enquête parlementaire », plaide pour sa part Xavier Bertrand, qui affirme que « le secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale [SGDSN, rattaché au Premier ministre, NDLR] avait aussi repris la main sur cette question stratégique » après son départ du ministère de la Santé.
Quoi qu’il en soit, dès 2013, le stock des FFP2 est mis sous la responsabilité des employeurs des soignants. « Mais personne n’a vérifié ces stocks, regrette Roland Fangeat. À partir de là, il n’y a plus eu de commandes et l’usine de Plaintel a progressivement chuté. On était en surcapacité, ça nous a mis dedans.
On n’avait pourtant pas besoin de fonctionner à plein pour survivre, mais le groupe américain ne s’est pas défendu. » Dès 2011, Honeywell licencie 43 salariés sur 130. Telle une allégorie de la nouvelle stratégie étatique, le géant américain impose à son usine bretonne une « politique du zéro stock » : « Avant leur arrivée, on avait une marge de stocks de matière première, explique un ancien ouvrier. Honeywell nous a imposé de rendre nos stocks proportionnels à notre production. On est passé d’une visibilité de deux mois à quatre semaines. On n’a plus été en capacité de répondre aux grosses commandes soudaines qu’on devait honorer rapidement. Et puis moins on produit, moins on stocke… C’est un cercle vicieux. » La stratégie du « flux tendu » fait perdre des clients à l’usine. Les plans sociaux s’enchaînent alors que le groupe fait des bénéfices et profite des aides de l’État français, comme le CICE.
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