Pendant un quart de siècle, l’Occident va connaître une prospérité sans
égale. Face à la concurrence de l’URSS et des régimes communistes, le
capitalisme se doit d’être plus performant, de produire plus de richesses
que le bloc d’en face, et surtout de mieux les redistribuer. C’est le
triomphe des idées de Keynes et du fordisme. Il faut partager la valeur
ajoutée, les gains de productivité entre le capital, le travail, la collectivité,
sans oublier, bien sûr, le client. On paie bien les ouvriers… pour qu’ils
aient les moyens d’acheter les produits qu’ils fabriquent. On met en place
des systèmes de protection sociale, pour amortir, gommer les aléas de la
vie, sécuriser les populations. Pour éviter aussi qu’elles ne soient tentées
par les sirènes du camp d’en face. Les inégalités se réduisent. Les classes
moyennes deviennent le pilier des démocraties occidentales.
Le 15 août 1971, le monde change de base. Ce jour-là, Richard Nixon
met fin à la convertibilité du dollar en or. Les États-Unis décident
unilatéralement de ne plus honorer les engagements pris lors des accords
de Bretton Woods. Pourquoi prendre le risque de casser un système qui
avait assuré la prospérité des Trente Glorieuses ? Pour deux raisons au
moins. La première est que les États-Unis sont engagés dans une guerre
froide avec l’Union soviétique qui leur coûte de plus en plus cher. Il faut
financer la compétition pour la conquête de l’espace et le coût, de plus en
plus exorbitant, d’une guerre du Vietnam entreprise par les présidents
démocrates, John Kennedy et Lyndon B. Johnson. Seconde raison : les
récriminations des grandes entreprises américaines. Elles trouvent que la
rémunération du capital est insuffisante, les syndicats trop puissants, l’État
omniprésent et omnipotent. Tout cela freine, disent-elles, leur dynamisme,
l’innovation, et ne permet pas de libérer les forces productives. Pour
financer leur déficit budgétaire (déjà !), les États-Unis ont commencé à
battre monnaie. Avec un risque : que les autres pays, à commencer par
l’Allemagne et la France, inquiets de cette création monétaire, ne décident
de convertir leurs dollars en or, et d’assécher toutes les réserves
américaines de métal jaune.
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