Les polices de caractères incorporées dans des outils comme Office pourraient servir d'indicateurs,
pour détecter les fraudeurs
Il y a quelques semaines, The Intercept a publié un rapport confidentiel de la NSA qui accuse la Russie de tentatives de piratage des élections. Quelques heures plus tard, la responsable présumée de la fuite a été identifiée puis arrêtée par le FBI . Son nom est Reality Winner, une sous-traitante de la NSA qui est désormais accusée d’avoir « sorti des documents classifiés de bâtiments gouvernementaux, et de les avoir envoyés à un média. »
Comment la source a-t-elle été identifiée ? Grâce aux documents imprimés qu’elle a transmis à Intercept qui comporte des témoins graphiques cryptés sous forme de minuscules points colorés presque invisibles. Ces témoins indiquent la date et l’endroit exacts d’impression de tout document ainsi que le numéro de série de l’imprimante. Et, puisque la NSA enregistre toutes tâches d’impression sur ses imprimantes, elle peut savoir qui a imprimé les documents.
« En zoomant sur le document, ils étaient plutôt évidents », explique Ted Han sur la plateforme de catalogage Document Cloud, qui a été l'un des premiers à les remarquer. « Il est intéressant et remarquable que ce soit là-bas. »
Ces témoins existent depuis de nombreuses années. D’ailleurs, l’Electronic Frontier Foundation (EFF), le défenseur des droits numériques, a compilé une liste d'imprimantes couleur connues pour les utiliser en croisant trois sources.
Ils peuvent donc servir par exemple à débusquer une fraude : un individu pourrait prétendre avoir des documents en provenance de tel endroit, affirmation qui pourrait être soutenue ou démontée par ces témoins.
Mais d’autres éléments plus simples peuvent aussi servir à repérer les fraudeurs.
Durant l’affaire Panama Papers, un scandale lié à des sociétés offshore situées au Panama, ont surgi des documents qui semblaient indiquer que le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif avait accumulé une fortune importante bien au-delà de ce que lui et sa famille avaient légitimement gagné. La Cour suprême pakistanaise a mis en place une équipe commune d'enquête pour déterminer d'où provient l'argent. Sharif a produit des documents pour montrer que l'argent avait été légitimement acquis, mais l'authenticité de ces documents a été remise en question. Sa fille, Maryam Sharif, semble avoir signé ces faux documents dans une tentative de dissimulation de la vérité.
Comment la supercherie a-t-elle été détectée ? Le document, qui était censé avoir été rédigé et signé en 2006, s’est appuyé sur la police de caractères Calibri de Microsoft. Alors que Calibri a été initialement conçu en 2004 et était disponible en version bêta de Windows Vista et Office 2007 tout au long de 2006, elle n'a effectivement été déployée dans une version stable de Windows ou Office qu'après 2007. Aussi, son utilisation dans un document datant de 2006 s’est avérée extrêmement suspecte. Il n'est pas impossible que, pour une raison quelconque, le logiciel bêta ait été utilisé pour préparer les documents. Mais cela était plus qu'improbable.
Les versions 2007 de Microsoft incluaient une gamme de nouvelles polices attrayantes avec des noms en « C », notamment Calibri, Cambria, Candara, Consolas, Constantia et Corbel. Calibri a été choisi comme nouvelle police par défaut dans Word. En l'absence d'autres indices, l'utilisation de Calibri est donc un indicateur qu'un document a été produit quelque temps après la publication d'Office 2007.
En 2012, le gouvernement turc a accusé plus de 300 personnes d’avoir fomenté un coup d'État pour le renverser. Les accusations ont été faites sur la base de documents datant de 2003. Pourtant, certains de ces documents utilisaient la police de caractères Calibri et d’autres polices de caractères en « C » qui sont apparues avec Office 2007 et n’ont donc pas pu être rédigés en 2003.
Source : affaire turque (billet Dani Rodrick), Daily Pakistan
Et vous ?
Avez-vous des indicateurs qui vous ont permis de détecter des fraudeurs ?
Voir aussi :
L'EFF publie une liste d'imprimantes qui pourraient présenter des témoins graphiques cryptés, comme celle qui a servi à repérer une dénonciatrice
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