Chine : les images en cours d’envoi peuvent maintenant être censurées sans que les destinataires puissent les voir,
de quoi être inquiet en Europe ?
Depuis des années, les autorités chinoises ont toujours affiché ouvertement leur volonté de contrôler les plus petites informations entrant et sortant de leur pays. Alors que jusque-là l’on a assisté à un filtrage des messages transmis entre utilisateurs, la Chine vient de montrer qu’elle ira le plus loin possible pour contrôler les conversations des utilisateurs.
La semaine dernière, Liu Xiaobo, un écrivain, professeur d’université et militant des droits de l’homme est décédé à l’âge de 61 ans des suites d’un cancer du foie. Cette nouvelle, qui n’a pas laissé indifférentes les nombreuses personnes qui appréciaient ce dissident chinois et ancien lauréat du prix Nobel de la paix, a poussé les amis, parents, défenseurs du défunt à échanger des messages, images et autres contenus afin de lui rendre hommage.
Mais tandis que la majorité des internautes arrivaient à échanger aisément à partir des messages texte concernant la vie et la mort de Liu, lorsqu’ils envoyaient des images de Liu Xiaobo à leurs correspondants, ces derniers ne les recevaient pas du tout. Wu Yangwei, un ami de Liu Xiaobo, connu également sous le pseudonyme de Ye Du, déclare avoir envoyé à ses amis une photo du défunt embrassant sa femme avec l’application WeChat (l’application mobile de messagerie textuelle et vocale développée par Tencent et utilisée par 600 millions de personnes dans le monde), mais contre toute attente ses amis ne les ont jamais reçues.
Il faut souligner que depuis des années, le gouvernement chinois exige des entreprises locales offrant des plateformes de discussions en ligne de procéder à un filtrage en profondeur des conversations de leurs utilisateurs. Ces entreprises ont donc mis en œuvre des outils de censure afin de filtrer au peigne fin les échanges entre utilisateurs. Les censeurs chinois étant parvenus à implémenter des logiciels d’analyse des mots sur la toile afin d’expurger des conversations les textes politiquement embarrassants, les internautes se sont tournés vers les images afin de pouvoir échanger sans que leurs conversations fassent l’objet d’un filtrage abusif.
Mais encore une fois, les entreprises locales surveillées par les autorités chinoises semblent avoir trouvé la parade à cette solution, car plusieurs images envoyées au sujet de Liu Xiaobo n’ont pas été reçues par leurs destinataires. Pour contourner les mesures de censure, certains utilisateurs effectuent une rotation de l’image envoyée, mais là encore cette astuce semble marcher de façon aléatoire.
En plus d’appliquer des censures sur les images, un rapport de Citizen Lab de l’Université de Toronto déclare que WeChat aurait appliqué pour la première fois la censure d’images aux conversations individuelles relatives à Liu. En général, les avancées technologiques permettent de modérer des messages textes avec des algorithmes préconçus sans avoir besoin de l’intervention humaine. Mais lorsqu’il s’agit d’images, la complexité des contenus exige généralement l’intervention humaine pour identifier les contenus dérangeant afin d’appliquer des censures.
Mais, étant donné que le filtrage des images s’effectue en cours de transmission, Citizen Lab présume que la vitesse de transmission est trop élevée pour que les censures soient l’œuvre d’une intervention humaine. « Le blocage rapide suggère qu’un algorithme est à l’œuvre », a déclaré le chercheur de Citizen Lab, Lotus Ruan. En outre, Citizen Lab rapporte avoir recensé 19 images qui ont été bloquées dans des chats individuels, y compris une image vide qui fut utilisée comme une représentation de Liu lorsqu’on lui a décerné son prix Nobel de la paix pendant qu’il était en prison, en plus des images bloquées dans les groupes de discussion.
D’autres utilisateurs ont eu recours à des applications tierces comme WatsApp qui chiffre ses messages de bout en bout. Vu que WhatsApp est l’une des rares applications de messagerie admises en Chine et offrant des services à partir de l’étranger, il est impossible aux autorités chinoises d’ordonner à Facebook, l’entreprise mère, d’appliquer des filtres sur les messages individuels émis et reçus par les utilisateurs chinois. Toutefois, même si des censures ne sont pas appliquées en amont sur les conversations des utilisateurs WhatsApp, de nombreux utilisateurs chinois ont rapporté des perturbations qui ont empêché la transmission de photos à partir de WhatsApp. Seuls ceux qui ont eu recours à des logiciels tiers permettant de contourner les contrôles sur internet en Chine.
Même si l’on est encore loin de telles pratiques en Occident, ces outils de filtrage des messages en cours d’envoi peuvent donner beaucoup d’idées à d’autres entreprises et gouvernements pour le bien comme le mal des utilisateurs.
Source : The australian, The Wall Street Journal
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