Le gouvernement ambitionne d'obliger les suspects à communiquer leurs identifiants,
au nom de la lutte contre le terrorisme
Présenté le 22 juin au Conseil des ministres, le projet de loi sur la sécurité publique et la lutte contre le terrorisme a franchi une première étape durant le mois suivant en étant approuvé par le Sénat.
Dans un amendement qui a été apporté au texte, il est expliqué qu’il « vise en premier lieu à rétablir l’obligation, pour les personnes faisant l’objet d’une mesure individuelle de contrôle et de surveillance, de communication de ses numéros d’abonnement et d’identifiants techniques de tout moyen de communication électronique.
« Ces informations correspondent aux numéros de téléphone et aux adresses internet, c'est-à-dire à des données le plus souvent ouvertes, souvent accessibles sur internet, dans les pages jaunes ou blanches ou que les intéressés eux-mêmes n’hésitent pas à publier sur les réseaux sociaux. »
Et pour les personnes qui pourraient estimer qu’il y a une atteinte aux droits et libertés reconnus par la Constitution, les élus précisent que « La communication de ces informations ne permet pas, par elle-même, à l’autorité administrative d’avoir directement accès aux contenus stockés dans les terminaux téléphoniques ou numériques, puisque la communication des mots de passe est expressément exclue. Elle ne porte donc pas, par elle-même, atteinte à la vie privée des personnes concernées. »
Ils en profitent pour mettre en exergue l’importance de cette communication : « En revanche, ces informations sont très utiles aux services de renseignement et visent à éviter qu’une personne, se sachant l’objet de mesures de surveillance, modifie son abonnement téléphonique ou internet, empêchant ainsi les services de renseignement de poursuivre la surveillance qu’ils ont été autorisés à mettre en place. En effet, la personne étant tenue, sous peine de poursuites pénales, de communiquer ses nouveaux numéros d’abonnements ou d’identifiants techniques en cas de changement, cette contrainte évite une interruption des mesures de surveillance en cours, interruption qui pourrait être mise à profit pour déjouer cette surveillance. »
Certains acteurs avaient déjà manifesté leur réticence vis-à-vis de ce texte. Nous pouvons citer par exemple la CNNum qui, début juillet, a écrit à Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur, pour lui faire part de son inquiétude sur la trajectoire sécuritaire du gouvernement opérée ces dernières années, en particulier sur le numérique et les réseaux d’échange.
« Cette trajectoire sécuritaire, dans laquelle semble s’inscrire le projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure, entérine une logique du soupçon dans le droit commun. Comme nous l’avons observé en matière de blocage administratif des sites ou concernant la loi relative au renseignement, la notion de « comportement » semble une fois de plus se substituer à la notion « d’activité ». Au nom d’une conception prédictive de la lutte antiterroriste, des individus pourraient être contraints non parce qu’ils prépareraient des crimes ou des délits, mais parce qu’ils seraient susceptibles d’en commettre (ou car on soupçonnerait leur adhésion à des thèses extrémistes) », a fait valoir le Conseil national du numérique
À la suite de la publication de l’avis du Conseil d’État, Gérard Collomb est intervenu à la radio pour revenir sur certaines dispositions du projet de loi. Concernant les identifiants et les mots de passe, le ministre de l’Intérieur a insisté au micro d’Europe 1 que cette mesure de surveillance ne va s’appliquer que dans le cadre du terrorisme (individus soupçonnés de terrorisme par exemple). « Là, on aura votre numéro de téléphone, mais ce à quoi on n’aura pas accès c’est votre [mot] de passe, votre code d’entrée et donc on ne pourra pas écouter vos conversations. »
Le projet de loi doit maintenant être examiné par les députés. Une fois que le travail des députés sur le projet de loi sera terminé, il faudra ensuite faire en sorte que les deux versions du texte de loi (celle des sénateurs et celle des députés) concordent. Cette tâche incombera notamment à la commission mixte parlementaire. Ensuite, il ne restera plus qu’à promulguer la loi.
Source : Assemblée Nationale, Conseil d'État, CNNum
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