Elle demande à Tinder de lui faire parvenir les données que l'application a sur elle,
et reçoit 800 pages
En mai 2012, Tinder, une application de réseautage social fonctionnant sur iOS et Android, a fait ses débuts dans l’univers des applications mobiles. Le principe d’utilisation est relativement simple : l'application fait défiler des profils d'utilisateurs sur plusieurs critères, dont le sexe et la position géographique. L'utilisateur doit indiquer s'il les apprécie (« swipe right ») ou non (« swipe left »). Lorsque l'attraction est réciproque, les deux utilisateurs sont mis en relation et peuvent échanger des messages.
Une journaliste du Guardian, qui s’avère être une utilisatrice de l’application depuis 2013 (elle affirme avoir depuis ce moment lancé l’application 920 fois et avoir eu une attraction réciproque à 870 reprises), s’est intéressée aux informations que l’application pouvait avoir sur elle.
« L'application dispose de 800 pages d'informations sur moi, et probablement sur vous aussi si vous êtes l'un de ses 50 millions d'utilisateurs. En mars, j'ai demandé à Tinder de me donner accès à mes données personnelles. Tout citoyen européen est autorisé à le faire en vertu de la législation européenne sur la protection des données, mais très peu le font, selon Tinder. Avec l'aide de l'activiste pour la protection de la vie privée, Paul-Olivier Dehaye de personaldata.io, et de l'avocat des droits de la personne Ravi Naik, j'ai envoyé un e-mail à Tinder pour leur demander l'accès à mes données personnelles. J'ai reçu bien plus que ce à quoi je m'attendais », a-t-elle expliqué.
Ces 800 pages contenaient entre autres des éléments comme ses "J’aime" sur Facebook, ses photos Instagram (même après avoir supprimé le compte associé, précise-t-elle), son niveau d’études, la tranche d’âge des hommes auxquels elle s’intéresse, ou encore la date et le lieu de chaque conversation sur l’application. À partir de ces données, Tinder peut ainsi dresser un portrait très précis de chaque utilisateur, c’est-à-dire aussi bien ses centres d’intérêt que les lieux qu’il fréquente, ses emplois, ce qu’il aime manger ou encore ses goûts musicaux.
« Je suis horrifié, mais absolument pas surpris par cette quantité de données », a déclaré Olivier Keyes, un data scientist de l'Université de Washington. « Chaque application que vous utilisez régulièrement sur votre téléphone possède les mêmes [types d'informations]. Facebook a des milliers de pages sur vous ! »
Tandis qu’elle parcourait les pages, elle a réalisé l'ampleur de tout ce qu'elle a communiqué de son plein gré à l'application. Bien entendu, son cas est loin d’être isolé : en juillet 2017, une étude a révélé que les usagers de Tinder étaient excessivement disposés à fournir des informations sans s'en rendre compte.
Luke Stark, sociologue spécialisé en technologie numérique au Dartmouth College, a déclaré que « Les applications comme Tinder jouent sur un phénomène émotionnel simple : nous ne pouvons pas palper les données. C'est pourquoi le fait de les voir noir sur blanc vous frappe. Nous sommes des créatures physiques, nous avons besoin de la matérialité. »
En relisant les 1700 messages qu’elle a échangés avec ses matchs depuis 2013, Judith a l'impression de s'auto-explorer : ses espoirs, ses craintes, ses préférences sexuelles, ses secrets les plus profonds. « Tinder me connaît si bien. Il connaît également les versions de moi les moins glorieuses qui ont copié-collé la même blague aux matchs 567, 568 et 569, qui ont chatté frénétiquement avec seize personnes en même temps un jour de Nouvel An avant de toutes les abandonner. »
« Ce que vous décrivez est appelé information implicite secondaire », a expliqué Alessandro Acquisti, professeur de technologie de l'information à l'Université Carnegie Mellon. « Tinder en sait beaucoup plus à propos de vous lorsqu’il étudie votre comportement sur l'application. Il sait à quelle fréquence vous vous connectez et à quelles heures, le pourcentage d'hommes blancs, hommes noirs, hommes asiatiques que vous avez choisis comme match, quels genres de gens sont intéressés par vous, quels mots vous utilisez le plus, combien de temps les gens passent sur votre photo avant de la balayer, et ainsi de suite. Les données personnelles sont le carburant de l'économie. Les données des consommateurs sont échangées et traitées dans le but de faire de la publicité. »
D’ailleurs, la politique de confidentialité de Tinder indique clairement que vos données peuvent être utilisées pour livrer des « publicités ciblées. »
Mise à jour le 02/10/2017 : Un porte-parole de Tinder a contacté Developpez.com pour donner des précisions sur la nature des données collectées sur les utilisateurs. Ci-dessous la déclaration officielle de Tinder :
Source : The GuardianLa protection de la sécurité et de la vie privée de nos utilisateurs est notre plus grande priorité. Tinder observe l’ensemble des lois applicables de protection de la vie privée et des bonnes pratiques de l’industrie. Les outils et systèmes que nous avons mis en place garantissent le maintien de l’intégrité de notre plateforme et la protègent d’éventuelles menaces.
La grande partie des données en notre possession se compose des messages échangés par les utilisateurs. Les informations détenues par Tinder sont soit fournies par l’utilisateur, soit essentielles au bon fonctionnement du service, comme pour d’autres plateformes de messagerie et d’autres réseaux sociaux.
La version la plus récente de nos pratiques vis-à-vis des données est publiquement disponible sous la forme de notre Politique de confidentialité, accessible via notre application ou sur www.gotinder.com/privacy.
Nous examinons toutes les demandes et y répondons dans les meilleurs délais, dans le respect des lois applicables de protection de la vie privée et des règles et meilleures pratiques de l’industrie.
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