USA : une exemption DMCA permet à des tiers de ressusciter les jeux en ligne abandonnés
pour les générations futures et les joueurs nostalgiques
Le Bureau américain du droit d'auteur (US Copyright Office) a récemment publié une liste de nouvelles exemptions aux règles anticontournement du DMCA. Pour information, le Digital Millennium Copyright Act (DMCA) est une loi américaine dont le but est de fournir un moyen de lutte contre les violations du droit d'auteur. Tous les trois ans, le Bureau américain du droit d'auteur étudie les dispositions anticontournement du DMCA, qui empêchent le public de « bricoler » des contenus et dispositifs protégés par DRM. L'objectif est de renouveler ou assouplir ces dispositions en tenant compte des arguments et demandes du public.
Cette année, plusieurs nouvelles libertés ont été accordées et comme nous l'avons rapporté, le mouvement du « Right to repair » a remporté une victoire majeure. De nouvelles exemptions donnent en effet au public plus de latitude pour réparer lui-même ses appareils, même si pour cela il doit contourner un DRM implémenté dans le dispositif. Mais notons également que les institutions de conservation des jeux vidéo ont obtenu une exemption pour les jeux en ligne abandonnés.
Le Bureau fait déjà des exemptions de contournement DMCA afin de permettre à certains jeux de rester accessibles pour les générations futures et les joueurs nostalgiques. Cela permet notamment aux bibliothèques, archives et musées d'utiliser des émulateurs et d'autres outils de contournement pour préserver et rendre accessibles les jeux classiques pour les générations futures. Toutefois, ces exemptions sont limitées et ne s'appliquent pas aux jeux nécessitant une connexion à un serveur en ligne, c'est-à-dire bon nombre des jeux les plus récents. Lorsque les serveurs en ligne ne sont plus accessibles, ces jeux disparaissent tout simplement.
Mais à la fin de l'année dernière, plusieurs fans de jeux, y compris le Musée d'Art et de Divertissement Numérique (MADE), une organisation à but non lucratif opérant en Californie, ont plaidé pour une extension de cette exemption aux jeux en ligne, y compris les très populaires jeux de type multijoueur comme World of Warcraft (WoW) de Blizzard, qui nécessitent une connexion à un serveur en ligne. « Bien que l'exemption actuelle ne la couvre pas, la préservation des jeux vidéo en ligne est maintenant essentielle », a écrit MADE dans son commentaire au Bureau américain des droits d'auteur. Avec la publication des nouvelles exemptions, les archivistes de jeux ont obtenu cette liberté.
Les nouvelles exemptions permettront aux institutions de conservation qui possèdent légalement une copie du code du serveur d’un jeu vidéo et du code local du jeu de contourner les DRM et d’autres restrictions technologiques pour les rendre jouables. Ce type de « bricolage » est désormais considéré comme un usage loyal par le gouvernement, qui rejette ainsi les critiques des grandes sociétés de jeux qui craignent que cela ne nuise à leurs ventes.
En février dernier, l'Entertainment Software Association (ESA), qui agit pour le compte de grands éditeurs de jeux tels qu'Electonic Arts, Nintendo, Ubisoft et bien d'autres, s'était en effet opposé à la demande d'exemption DMCA pour les jeux en ligne. L'ESA a demandé au Bureau américain du copyright de ne pas accorder d'exemption pour les jeux en ligne abandonnés, en soutenant que les bibliothèques, les musées et leurs affiliés pourraient exploiter un tel droit à des fins commerciales, et ainsi faire de la concurrence directe à d'autres jeux.
L'ESA estime que cette exemption permettrait et faciliterait l'utilisation frauduleuse des œuvres des éditeurs. Elle craint en effet que des tiers tels que MADE reproduisent les serveurs de jeu et permettent au public de jouer à ces jeux abandonnés, moyennant de l'argent. MADE, par exemple, fait déjà payer le public (10 $) pour accéder à son musée afin de pouvoir jouer à tous les jeux pendant toute une journée. Si c'est certes une somme forfaitaire, cela peut être considéré comme une utilisation commerciale dans le cadre du DMCA, ce que souligne l'ESA. « [En vertu du DMCA], l'exposition publique d'œuvres protégées par droits d'auteur pour générer des revenus est une utilisation commerciale, même si elles sont entreprises par un musée sans but lucratif », a déclaré l'association représentant les éditeurs de jeu.
L'ESA a précisé encore que ses membres font déjà des efforts pour relancer eux-mêmes les jeux plus anciens. Elle estime en effet qu'il existe un marché dynamique et en croissance pour les jeux « rétro » que les éditeurs de jeux s'efforcent à soutenir. Ce pour quoi l'association a exhorté le Bureau américain du droit d'auteur à maintenir le statu quo et rejeter toute exemption pour les jeux en ligne. « Éliminer ces limitations importantes [...] risque d'entraîner une violation à grande échelle et des dommages importants au marché », a-t-elle averti.
C'est donc une grande déception pour l'industrie du jeu vidéo. Pendant ce temps, le fondateur de MADE, Alex Handy, bien que satisfait de la décision, demande encore plus. « Cette exemption ne résout pas nécessairement tous les problèmes qui se posent dans le domaine difficile de la conservation numérique, mais elle constitue un autre pas en avant vers la réforme de nos lois extrêmement restrictives sur le droit d'auteur numérique », dit-il.
Source : TorrentFreak
Et vous ?
Qu'en pensez-vous ? N'y a-t-il pas un gros risque d'abus au détriment des éditeurs de jeu vidéo ?
En France, existe-t-il une exemption similaire pour les jeux développés par les éditeurs français ?
Voir aussi :
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Des défenseurs des droits numériques demandent une prolongation à la dérogation de la DMCA
permettant à des tiers de ressusciter les jeux en ligne abandonnés
En 2018, le Bureau américain du droit d'auteur (US Copyright Office) a publié une liste de nouvelles exemptions aux règles anticontournement du DMCA. Pour information, le Digital Millennium Copyright Act (DMCA) est une loi américaine dont le but est de fournir un moyen de lutte contre les violations du droit d'auteur. Tous les trois ans, le Bureau américain du droit d'auteur étudie les dispositions anticontournement du DMCA, qui empêchent le public de « bricoler » des contenus et dispositifs protégés par DRM. L'objectif est de renouveler ou assouplir ces dispositions en tenant compte des arguments et demandes du public.
Le Bureau fait déjà des exemptions de contournement DMCA afin de permettre à certains jeux de rester accessibles pour les générations futures et les joueurs nostalgiques. Cela permet notamment aux bibliothèques, archives et musées d'utiliser des émulateurs et d'autres outils de contournement pour préserver et rendre accessibles les jeux classiques pour les générations futures. Toutefois, ces exemptions sont limitées et ne s'appliquent pas aux jeux nécessitant une connexion à un serveur en ligne, c'est-à-dire bon nombre des jeux les plus récents. Lorsque les serveurs en ligne ne sont plus accessibles, ces jeux disparaissent tout simplement.
La demande a été faite auprès de l'US Copyright Office en fin 2017 par plusieurs fans de jeux, y compris le Musée d'Art et de Divertissement Numérique (MADE), une organisation à but non lucratif opérant en Californie, qui ont plaidé pour une extension de cette exemption aux jeux en ligne, y compris les très populaires jeux de type multijoueur comme World of Warcraft (WoW) de Blizzard, qui nécessitent une connexion à un serveur en ligne. « Bien que l'exemption actuelle ne la couvre pas, la préservation des jeux vidéo en ligne est maintenant essentielle », a écrit MADE dans son commentaire au Bureau américain des droits d'auteur. Avec la publication des exemptions en 2018, les archivistes de jeux ont obtenu cette liberté malgré l'opposition de l'Entertainment Software Association (ESA), qui agit pour le compte de grands éditeurs de jeux tels qu'Electonic Arts, Nintendo, Ubisoft et bien d'autres.
Les exemptions permettent aux institutions de conservation qui possèdent légalement une copie du code du serveur d’un jeu vidéo et du code local du jeu de contourner les DRM et d’autres restrictions technologiques pour les rendre jouables. Ce type de « bricolage » est désormais considéré comme un usage loyal par le gouvernement, qui rejette ainsi les critiques des grandes sociétés de jeux qui craignent que cela ne nuise à leurs ventes.
Les archivistes voudraient prolonger cette période de validité
Il y a quelques semaines, le Copyright Office a commencé sa dernière révision des exemptions DMCA qui seront mises à jour l'année prochaine. Depuis lors, plusieurs soumissions d'archivistes, de droits numériques et d'organisations de consommateurs sont arrivées. Plusieurs d'entre elles demandent au Bureau de renouveler les exemptions actuelles pour les jeux en ligne abandonnés.
Le Software Preservation Network (SPN) et la Library Copyright Alliance (LCA) notent que cette nouvelle exemption garantit que les jeux classiques seront préservés. Cela permet aux joueurs nostalgiques et aux jeunes générations de jouer à des jeux plus anciens qui ne sont plus officiellement pris en charge. Cela a déjà conduit à des réussites.
« Par exemple, le laboratoire de calcul de la Georgia Tech Library, retroTECH, possède une importante collection de consoles de jeux vidéo récupérées, dont beaucoup sont rendues accessibles à des fins de recherche et d'enseignement par l'exemption §1201. Des dizaines de jeux Gameboy Advance, console et PC peuvent désormais être préservés, avec moins de risques de réclamations pour violation de droits d'auteur ou de poursuites judiciaires », écrivent SPN et LCS.
L'appel au renouvellement de l'exemption est soutenu par le groupe à but non lucratif Consumer Reports, qui note que l'exemption « s'est avérée très bénéfique pour les consommateurs en supprimant cet obstacle à la préservation de la fonctionnalité des jeux vidéo qu'ils apprécient. »
Outre le renouvellement des règles actuelles, SPN et LCA ont également demandé une extension. Pour le moment, ils sont autorisés à casser la DRM, si nécessaire, mais ces jeux ne peuvent être mis à disposition que dans les locaux d’institutions « éligibles » telles que les bibliothèques et les musées. Dans une nouvelle soumission, les deux groupes demandent au Copyright Office de supprimer cette restriction :
« Le Software Preservation Network (SPN) coordonne les efforts de préservation des logiciels pour garantir un accès à long terme aux logiciels. SPN relie et engage les communautés juridiques, politiques publiques, sciences sociales, sciences naturelles, technologies de l'information et de la communication et de la préservation du patrimoine culturel qui créent et utilisent des logiciels.
« La Library Copyright Alliance (LCA) se compose de trois grandes associations de bibliothèques : l'American Library Association (ALA), l'Association of Research Libraries (ARL) et l'Association of College and Research Libraries (ACRL). Ces trois associations représentent collectivement plus de 300 000 professionnels de l'information et des milliers de bibliothèques de toutes sortes aux États-Unis et au Canada. ALA, ARL et ACRL coopèrent dans le cadre de l'ACV pour résoudre les problèmes de droits d'auteur qui affectent les bibliothèques et leurs clients.
« Le SPN et la LCA demandent l'élargissement de l'exemption de préservation des jeux vidéo […] pour éliminer l'exigence selon laquelle le programme ne doit pas être distribué ou rendu disponible en dehors des locaux physiques d'une institution éligible ».
Comme toujours, la révision actuelle du DMCA prendra quelques mois. Bien que la demande soit certainement prise en compte, il est possible que les sociétés de jeux s'opposent à la nouvelle suggestion, comme elles l'ont fait à plusieurs reprises dans le passé.
Une grande partie du mérite d’avoir convaincu le Bureau du droit d’auteur d’adopter la présente exemption revient au Musée d’art et de divertissement numérique de San Francisco (MADE), qui a déposé sa requête il y a trois ans. Le Musée, qui est apprécié de nombreux amateurs de jeux vidéo, a récemment dû fermer ses portes. Cependant, comme de nombreux jeux abandonnés, il n’est probablement pas parti pour toujours. Le MADE collecte actuellement des fonds pour renaître de ses cendres.
Sources : pétition, U.S. Copyright Office
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