Aux Assises du jeu vidéo, la France affiche son retard
LEMONDE.FR | 04.04.08 | 21h10 • Mis à jour le 07.04.08 | 18h53
Près d'une quarantaine d'intervenants et plus de deux cents auditeurs se sont réunis, vendredi 4 avril, dans l'hémicycle de la salle Colbert du Palais-Bourbon, pour assister aux deuxièmes Assises du jeu vidéo. Le jeu est désormais "digne de mobiliser l'attention du Parlement", sourit Patrice Martin-Lalande, député UMP de Loir-et-Cher.
Intitulée "le nouvel âge", cette succession d'interventions et de tables-rondes a permis de lancer des pistes de réflexion pour évaluer le retard de la France dans ce loisir numérique en quête de légitimité. "La croissance du jeu vidéo est exponentielle, mais la France ne participe pas à la fête", souligne Jacques Marceau, enseignant à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence et organisateur de l'événement.
Certes, de grands éditeurs français comme Vivendi et Ubisoft enregistrent des succès internationaux tels que World of Warcraft, quand des entreprises hexagonales dominent le secteur des jeux sur mobiles. Dans une courte allocution, Laurent Michaud, chef de projet à l'Idate, en a présenté les enjeux et les perspectives, mais a terminé son discours en posant les questions-clés pour pérenniser ce secteur : quelles voies pour le développement ? quelles possibilités d'un marché de masse ?
JEU SANS FIN
Les interventions des professionnels du secteur ou des responsables politiques ont suscité des réactions passionnées. Dans une présentation sur la régulation des jeux en ligne massivement multijoueurs, Isabelle Falque-Pierrotin, présidente du Forum des droits sur Internet, a prôné l'instauration d'une horloge, d'un contrôle parental ou encore d'une jauge de fatigue sur les jeux en ligne les plus populaires.
Nicolas Perret, ancien président de Jiraf (acronyme pour le Jeu vidéo et son industrie rassemblent leurs acteurs français), a dénoncé un "discours répressif". "Ce que l'on oublie de rappeler, c'est que les jeux massivement multijoueurs n'ont pas de fin", précise-t-il, avant de prôner "l'information face à la répression".
Stéphane Natkin, directeur de l'Ecole nationale du jeu et des médias interactifs numériques, a pour sa part rappelé que "ces jeux en ligne se sont construits sur la transgression, vouloir la réguler est tout simplement impossible".
De la même manière, les enjeux économiques liés à la dématérialisation des œuvres ludiques ont suscité interrogations et critiques.
Autour d'Emmanuel Forsans, directeur général de l'Agence française pour le jeu vidéo, étaient présents quelques-uns des principaux distributeurs et éditeurs de jeux, mais aussi un des fleurons de la création française, le studio ch'ti d'Ankama, éditeur du jeu en ligne Dofus.
Emmanuel Darras, cofondateur de la société, a simplement décrit le parcours du studio, passé en sept ans de 3 à près de 260 personnes, en axant toute la stratégie sur le développement Flash et l'"online".
Fort de cet exemple, un développeur dans la salle déplore l'intransigeance des éditeurs et distributeurs face à des créateurs qui se tournent de plus en plus vers la distribution en ligne.
Reflet assez fin du statut du jeu vidéo et des loisirs numériques en France, l'état des lieux global offre un paysage un peu désuet face à des nations comme le Canada, par exemple, qui, en une douzaine d'années, est passé d'un secteur quasi inexistant à un marché florissant.
La France pourrait s'en inspirer en utilisant des mesures incitatives telles que le crédit d'impôt, déjà expérimenté au Canada.
Laurent Checola et Olivier Dumons
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