Des brevets déposés par Facebook semblent illustrer la gloutonnerie du groupe
Pour les données privées personnelles de ses utilisateurs, faut-il s’en inquiéter ?
Le lieu où vous vous trouvez, les personnes que vous côtoyez, celles qui vous sont proches, votre situation amoureuse, votre état émotionnel, vos préférences (marques, discussions, personnalités, style vestimentaire…) sont autant d’informations, à caractère privé pour la plupart, que Facebook détiendrait en permanence. Avec plus de deux milliards d’utilisateurs actifs par mois, dont la plupart partagent leurs pensées et leurs sentiments sur la plateforme, le réseau social de Mark Zuckerberg accumule nos données personnelles à une échelle sans précédent.
Plus tôt cette année, faisant écho au scandale Cambridge Analytica, le lanceur d’alerte Edward Snowden a déclaré que « les entreprises qui gagnent de l’argent en collectant et en vendant des dossiers détaillés sur leur vie privée [celle des utilisateurs] étaient autrefois décrites comme des “sociétés de surveillance” ». Selon lui, « leur repositionnement en tant que “réseaux sociaux” est la tromperie la plus réussie depuis que le Département de la Guerre est devenu le Département de la Défense ». Il n’a d’ailleurs pas hésité à comparer Facebook à une société de surveillance qui se fait passer pour un réseau social.
Jason M. Schultz, professeur de droit à l’Université de New York, a, pour sa part, estimé qu’« un portefeuille de brevets est assimilable à une carte donnant des indications sur la manière dont une entreprise pense faire évoluer sa technologie ». Partant de ce « principe », on peut supposer qu’en s’intéressant aux différents brevets déposés par une entreprise technologique, il serait possible de définir ses objectifs réels ou du moins la manière dont elle souhaite faire évoluer sa technologie.
Facebook a déposé de nombreuses demandes de brevet depuis sa création. Le géant des réseaux sociaux a même tenté de breveter une méthode pour prédire quand vos amis vont mourir. L’examen de certaines d’entre elles révèle que la firme a envisagé de développer des techniques lui permettant de scruter dans les moindres détails presque tous les aspects de la vie de ses utilisateurs. Même si les intentions mises en avant par l’entreprise peuvent à première vue paraitre louables, il ne faudrait pas oublier que « le chemin qui mène en enfer est pavé de bonnes intentions ».
Petit tour d’horizon de quelques demandes de brevet déposées par l’entreprise technologique américaine qui pourraient susciter la controverse !
Connaitre vos relations
Cette demande de brevet (U.S. patent application No° 14/295,543) traite de la prédiction de l’existence d’une relation en utilisant des informations telles que le nombre de visites sur la page d’un autre utilisateur, le nombre de personnes dans votre photo de profil et le pourcentage de vos amis d’un sexe différent.
Établir votre profil psychique ou psychologique
Cette demande de brevet (U.S. patent application No° 9,740,752) propose d’utiliser vos messages et publications afin de déterminer les traits de personnalité. Il s’agit de juger votre degré de stabilité émotionnelle, d’extraversion ou d’ouverture puis d’utiliser ces caractéristiques pour sélectionner les nouvelles ou les publicités à afficher.
Prédire votre future
Cette demande de brevet (U.S. patent application No° 12/839,350) décrit l’utilisation de vos publications et messages, en plus de vos transactions par carte de crédit et de votre emplacement, pour prédire quand un évènement majeur (naissance, mariage, décès, diplôme ou autre) est susceptible de se produire dans votre vie.
Identifier votre caméra afin de l’associer à votre propre identité
Cette demande de brevet (U.S. patent application No° 8,472,662) promet l’analyse des images prise par l’appareil photo d’un dispositif pour créer une « signature unique » de ce dernier en exploitant des pixels défectueux ou des rayures de l’objectif. Cette signature peut être utilisée pour établir que vous connaissez quelqu’un qui télécharge des photos prises sur votre appareil, même si vous n’avez jamais été connecté, ou pour deviner votre affinité avec une autre personne en fonction de la fréquence à laquelle vous utilisez le même appareil photo.
Écouter votre environnement afin de corréler les données de consommation des médias avec votre profil d’utilisateur
Cette demande de brevet (U.S. patent application No° 14/985,089) propose d’exploiter le microphone de votre smartphone pour identifier les émissions de télévision que vous regardez et les annonces publicitaires que vous ignorez ou suivez. Il propose également d’utiliser le modèle d’interférence électrique créé par le câble d’alimentation de télévision pour deviner quelle émission est en cours de lecture.
Suivre votre routine afin d’établir votre emploi du temps précis et déceler d’éventuels écarts
Cette demande de brevet (U.S. patent application No° 15/203,063) traite du suivi de votre routine hebdomadaire et de l’envoi de notifications aux autres utilisateurs des écarts par rapport à la routine. Il décrit, par ailleurs, l’utilisation de l’emplacement de votre téléphone au milieu de la nuit pour établir votre lieu de résidence.
Déduire vos habitudes afin d’établir les statistiques pour le suivi de localisation continue
Cette demande de brevet (U.S. patent No° 9,369,983) propose de corréler l’emplacement de votre téléphone aux emplacements des téléphones de vos amis pour en déduire avec qui vous socialisez le plus souvent. Il propose également une surveillance de l’état (arrêt ou marche) de votre smartphone afin de déterminer le temps que vous passez à dormir chaque jour.
Prises dans leur ensemble, les demandes de brevet de Facebook semblent traduire une réelle volonté du groupe à pérenniser la collecte hautement intrusive des données personnelles de ses utilisateurs, et ce, malgré les critiques acerbes envers sa politique de confidentialité et la promesse de son DG, Mark Zuckerberg, de « réparer » le réseau social.
Il ne faut, cependant, pas oublier que les entreprises technologiques déposent souvent des brevets dans le cadre d’une stratégie défensive. Cela leur permet généralement de se protéger contre leurs rivaux, même s’ils n’ont pas l’intention d’utiliser la technologie qu’ils souhaitent breveter. D’ailleurs, pour sa défense, l’entreprise a déclaré à plusieurs reprises que ses demandes de brevet ne devraient en aucun cas être considérées comme des indications de futurs plans de produits. « La plupart des technologies décrites dans ces brevets n’ont été incluses dans aucun de nos produits, et ne le seront jamais », a déclaré l’avocat Allen Lo, vice-président chez Facebook et responsable de la propriété intellectuelle du groupe.
Tant que la société continuera à collecter des informations personnelles, « nous devrions nous méfier qu’elles puissent être utilisées à des fins plus insidieuses que la publicité ciblée, notamment les élections ou manipuler les émotions des utilisateurs », a prévenu Jennifer King, directrice de la protection des consommateurs au Centre pour Internet et pour la Société du Stanford Law School.
Siva Vaidhyanathan, professeur d’études des médias à l’Université de Virginie, va plus loin en affirmant : « Rien ne me permet de penser que Facebook ait, un tant soi peu, renoncé à surveiller, enregistrer et exploiter tout ce que nous faisons ».
Source : New York Times
Et vous ?
Qu’en pensez-vous ?
Avez-vous déjà pu observer la mise en application de certaines des demandes de brevet citées plus haut sur Facebook ? Si oui, lesquelles ?
Faudrait-il s’inquiéter d’une pareille situation ?
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