Le Parlement européen voudrait-il déléguer la censure du Web européen à Facebook et Google ?
Oui, selon la Quadrature du Net qui évoque un texte adopté

L’omniprésence de l’internet permet à ses utilisateurs de communiquer, de travailler, de nouer des contacts, de créer, d’obtenir et de partager des informations et du contenu avec des centaines de millions de personnes dans le monde entier. Les plateformes internet contribuent considérablement au bien-être économique et social des utilisateurs au sein de l’Union et à l’extérieur. Toutefois, la capacité d’atteindre ce large public à un coût minime attire également les criminels désireux d'utiliser abusivement l’internet à des fins illicites.

Bruxelles estime que les attentats terroristes perpétrés récemment sur le territoire de l’Union ont montré comment les terroristes abusent de l’internet pour faire des émules et recruter des sympathisants, pour préparer et faciliter des activités terroristes, pour faire l'apologie de leurs atrocités et pour exhorter d'autres à leur emboîter le pas et à semer la peur parmi le grand public.

Bruxelles note que les contenus à caractère terroriste partagés en ligne à de telles fins, qui sont diffusés par des fournisseurs de services d’hébergement qui permettent le chargement de contenus tiers, ont joué un rôle important dans la radicalisation des « loups solitaires » qui, inspirés par ces contenus, ont perpétré plusieurs attentats terroristes récemment en Europe. « Non seulement ces contenus ont des incidences négatives considérables sur les personnes et la société dans son ensemble, mais ils réduisent également la confiance des utilisateurs dans l’internet et portent préjudice aux modèles commerciaux et à la réputation des entreprises concernées », regrette Bruxelles.

Pour relever ces défis et répondre aux appels des États membres et du Parlement européen, la Commission a fait une proposition qui « vise à établir un cadre juridique clair et harmonisé pour prévenir l'utilisation abusive des services d’hébergement pour la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne, et ce afin d'assurer le bon fonctionnement du marché unique numérique, tout en garantissant la confiance et la sécurité ».

C’est dans ce contexte que le Parlement européen a adopté un rapport lundi pour la lutte contre le terrorisme. Dans la partie réservée à internet, il est indiqué que Bruxelles

Citation Envoyé par Parlement européen
insiste sur la nécessité de parvenir à la détection automatique et à la suppression systématique, rapide, permanente et complète des contenus terroristes en ligne fondées sur des dispositions juridiques claires, y compris des garanties et un contrôle humain; insiste en outre sur la nécessité d’empêcher le rechargement de contenus déjà supprimés; se félicite de la proposition législative de la Commission visant à empêcher la diffusion de contenus terroristes en ligne par l’obligation faite aux plateformes de les supprimer complètement; invite les colégislateurs à engager rapidement les travaux sur cette proposition; invite les États membres à mettre en place des mesures nationales si l’adoption de la législation en la matière est retardée.
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Pour la Quadrature du Net, au prétexte de la lutte contre le terrorisme, cette partie du texte vient déléguer la censure du Web européen à Facebook et Google. Elle précise d'ailleurs que :

Citation Envoyé par Quadrature du Net
Trois amendements auraient permis au Parlement européen de se démarquer de la volonté d’Emmanuel Macron et de la Commission européenne de soumettre l’ensemble du Web aux outils de censure automatisée développés par Google et Facebook, tel que nous le dénoncions avec 58 autres organisations.

Un premier amendement proposait que la censure des « contenus terroristes » ne se fasse pas de façon « automatique » ; cet amendement a été rejeté à 311 voix contre 269 (77 abstentions). Un deuxième amendement proposait que cette censure n’implique pas une activité de « détection » active des contenus, ni une suppression « systématique et rapide » ; il a été rejeté à 533 voix contre 119 (4 abstentions). Un troisième amendement proposait de ne pas imposer aux plateformes une obligation de « supprimer complètement » les contenus ; il a été rejeté à 534 voix contre 105 (14 abstentions).

La majorité des députés européens rejoint donc la volonté exprimée la semaine dernière par les gouvernements européens d’imposer une censure généralisée, privée et automatisée de l’Internet
Il faut souligner que le rapport adopté ne prévoit que de simples « recommandations » : ce n’est qu’une sorte de déclaration de principe sans effet juridique. Toutefois, la Quadrature du Net estime qu’il laisse craindre que le Parlement ait déjà abandonné toute ambition de « défendre nos libertés face aux arguments sécuritaires qui ont motivé la Commission européenne à proposer son règlement de censure anti-terroriste, que le Parlement européen examinera dans les semaines à venir ».

Et d’insister en disant que « Le vote d’aujourd’hui est d’autant plus inquiétant qu’il intervient à la suite d’une fusillade survenue hier à Strasbourg, dans la ville où siégeait le Parlement. Plutôt que de reporter ce vote, les députés ont préféré adopter immédiatement le texte. Certains ont même évoqué l’attaque d’hier pour justifier leur volonté sécuritaire, invoquant un “risque de terrorisme islamiste” alors que l’auteur des violences n’a pas encore été arrêté et que l’enquête en est à peine à ses débuts ».

Citation Envoyé par Quadrature du Net
Comme d’habitude, malheureusement, le temps de l’apaisement et de la réflexion, et même du deuil, a été écarté pour avancer à marche forcée sur les voies sécuritaires et destructrices que nos dirigeants poursuivent depuis des années en prétendant défendre la démocratie contre le totalitarisme. Tout en faisant l’inverse.
Source : Quadrature du Net, Parlement européen

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