Non, l'exposition à l'écran n'a aucun effet sur le bien-être des enfants
l'usage de la tech est aussi dangereux que consommer des pommes de terre
Aujourd'hui, bon nombre de parents s’inquiètent de ce que le temps passé devant un écran à envoyer des messages sur SnapChat, WhatsApp, Instagram ou Facebook pourrait avoir comme effet sur leurs enfants. Une série d’études a en effet montré que rester sur des écrans pendant longtemps peut provoquer des niveaux alarmants d’anxiété, de dépression, entre autres troubles chez les adolescents. D'autres vont jusqu'à dire que « donner un smartphone à un enfant, c’est comme lui donner un gramme de cocaïne. »
Toutes ces études qui se veulent scientifiques ont contribué à tirer la sonnette d'alarme chez les parents et tous ceux qui sont impliqués dans l'éducation des enfants, au point où des mesures sont envisagées par les politiques. En France par exemple, la Commission de la culture a adopté à l'unanimité, en novembre dernier, une proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans. Rappelons que cette mesure fait suite à l'interdiction des smartphones à l'école, qui vise, entre autres, à lutter contre l'addiction aux écrans. Une addiction qui, selon le ministre de l'Éducation, fait des dégâts. Il estime que l'utilisation des smartphones en milieu scolaire a pour conséquence « la baisse de la lecture et des exercices physiques, le danger d’être exposé à des contenus violents et pornographiques, le cyber harcèlement... ». Mais une nouvelle étude, apparemment plus rigoureuse, réalisée par des chercheurs de l'université d'Oxford vient balayer ce qu'on pourrait voir désormais comme des superstitions à propos de l'utilisation des technologies numériques par les enfants.
L'étude, publiée cette semaine dans Nature Human Behavior, montre que l'impact de l'utilisation des écrans sur le bien-être social et psychologique des enfants a été fortement exagéré, notamment à cause d'une utilisation de méthodes d'analyse moins rigoureuses. « L'utilisation généralisée des technologies numériques par les jeunes a suscité des spéculations selon lesquelles leur utilisation régulière aurait un impact négatif sur le bien-être psychologique. Les preuves empiriques soutenant cette idée sont largement basées sur des analyses secondaires d'ensembles de données sociales à grande échelle. Bien que ces ensembles de données constituent une ressource précieuse pour les enquêtes très puissantes, leurs nombreuses variables et observations sont souvent explorées avec une souplesse analytique qui permet de déterminer les effets mineurs comme statistiquement significatifs, ce qui peut conduire à des résultats faussement positifs et contradictoires », explique Andrew Przybylsk, auteur principal de l'étude.
Les chercheurs d'Oxford exposent les pièges des méthodes statistiques utilisées dans les études précédentes et proposent une alternative « pour examiner de manière rigoureuse les preuves corrélationnelles des effets de la technologie numérique sur les adolescents. » Et surtout, ils utilisent trois ensembles de données sociales à grande échelle, avec au total plus de 350 000 adolescents, pour montrer de manière convaincante que, au niveau de la population, l’utilisation de la technologie a un effet presque négligeable sur le bien-être psychologique des adolescents. L'impact de l'utilisation des technologies numériques est mesuré à l’aide de tout un tas de questions portant sur les symptômes dépressifs, les idées suicidaires, le comportement social, les problèmes de relations entre pairs, etc.
À la fin, les chercheurs découvrent que l'utilisation des technologies numériques n'a presque aucun effet sur le bien-être des enfants. « L'association que nous trouvons entre l'utilisation de la technologie numérique et le bien-être chez les adolescents est négative, mais petite », disent-ils. L'utilisation de la technologie explique en effet « au plus 0,4 % la variation du bien-être. La prise en compte du contexte plus large des données suggère que ces effets sont trop faibles pour justifier un changement de politique », ont-ils conclu. Pour mettre en évidence ce que représentent ces 0,4 %, les chercheurs d'Oxford expliquent que l’utilisation de la technologie numérique est aussi nocive que la consommation de pommes de terre, tandis que le port de lunettes a un effet négatif plus important sur la santé mentale des adolescents.
Non, donner un smartphone à un effet n'a pas le même effet que lui donner un gramme de cocaïne ! Les parents peuvent donc pousser un ouf de soulagement sur la base de la nouvelle étude. Elle montre en effet que la consommation de la marijuana et le harcèlement présentaient des associations négatives beaucoup plus importantes pour la santé mentale des adolescents (à 2,7 % et 4,3 % respectivement dans l'un des ensembles de données). Et certains comportements positifs, comme dormir suffisamment et prendre régulièrement le petit-déjeuner, étaient beaucoup plus étroitement associés au bien-être que l'utilisation de la technologie. Même en se basant des données qui ont permis à d'autres chercheurs de dire que l'utilisation des technologies est dangereux pour les enfants, nos chercheurs d'Oxford maintiennent leur conclusion : le temps passé devant un écran ne nuit pas du tout aux enfants. Ce qui indique qu'il y avait un problème de rigueur d'analyse dans les études précédentes.
Cela dit, les chercheurs n'encouragent pas les parents à donner immédiatement des smartphones à leurs enfants. L'étude montre que, dans l'ensemble de la population, les écrans n'ont pas vraiment d'impact sur la santé mentale des enfants. Cela ne veut pas dire qu'un adolescent ne risque pas d'avoir un problème d'addiction aux écrans. Il est donc toujours important de contrôler leur usage des technologies numériques.
Sources : Étude sur la liaison entre l'utilisation des technologies numériques et le bien-être des adolescents, Scientific American
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Voir aussi :
Donner un smartphone à un enfant aurait le même effet que lui donner un gramme de cocaïne, d'après un expert en addiction
France : la Commission de la culture adopte à l'unanimité la proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans
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