Les Russes auraient piraté les systèmes de positionnement par satellites pour envoyer de fausses données de navigation à des milliers de navires
selon le C4AD
D’après un rapport publié par le Center for Advanced Defense (C4AD), les Russes utiliseraient le système GPS pour influencer ou pour perturber les transports maritime et aérien, les centrales électriques et pleins d’autres dispositifs dépendants du système de positionnement par satellites également désigné sous le sigle anglais GNSS (pour Global Navigation Satellite System). Selon le rapport, les Russes piratent massivement le GNSS afin de semer la confusion parmi de milliers de navires et d’avions. Il indique également que cela pourrait être une très grande menace pour les pays comme la Grande-Bretagne pour lesquels les plus grandes infrastructures ou celles les plus critiques dépendent majoritairement du GNSS et du GPS.
En effet, indique le rapport de la C4AD, le GPS et les autres systèmes de positionnement par satellites (GNSS) sont utilisés dans tous les domaines, des réseaux de communication cellulaires aux biens de consommation de base, systèmes militaires haut de gamme et intrants pour le négoce d'actions, mais ces systèmes sont vulnérables. En attaquant les données de positionnement, de navigation et de synchronisation (VCN) au moyen de capacités de guerre électronique, les acteurs étatiques et non étatiques peuvent causer des dommages importants aux forces armées, aux économies et aux consommateurs ordinaires.
Le C4AD a établi qu’à l’aide de données et de technologies commerciales disponibles au public, il a pu détecter et analyser les schémas d'usurpation du GNSS dans la Fédération de Russie, en Crimée et en Syrie. Cela montre, indique le C4AD, que la Fédération de Russie acquiert un avantage comparatif dans l’usurpation ou la modification des données GNSS. Le rapport décrit différents cas d'utilisation de l'activité actuelle de l'État russe afin de retracer l'activité aux emplacements et aux systèmes utilisés. Il indique alors que l’une des premières observations sur les faits de piratage du GNSS par les Russes remonte à mai 2018, à l’inauguration du pont de Kertch à la Crimée en Russie par le président Vladimir Poutine.
Selon le rapport, alors que Poutine traversait le pont aux volants d’une voiture, les systèmes de navigation par satellite installés qui se trouvent dans les salles machines d’environ 24 navires des alentours du pont ont tous commencé à afficher de fausses données de navigation. Leurs systèmes GPS auraient indiqué qu'ils étaient ancrés à plus de 65 kilomètres à terre, à l'aéroport d'Anapa. Une situation bien étrange pour certains. À son niveau, le C4AD a estimé que c'était une chose préméditée pour empêcher toute personne non invitée à la cérémonie de connaître la position exacte de Poutine. En gros, les pirates russes ont réussi à désactiver partiellement ou à brouiller les systèmes de navigation des navires à proximité pendant toute la durée de l'événement. Seulement, faut-il aller jusque-là pour protéger le président ou s’agissait-il simplement d’une démonstration de force ?
Si les Russes sont capables de telles choses, alors cela pourrait avoir des conséquences très désagréables pour les autres pays, analyse le C4AD. En effet, le GNSS comprend la constellation de satellites internationaux en orbite autour de la Terre. Le système de positionnement global (GPS) des États-Unis, le système chinois Beidou, le système russe GLONASS et le programme européen Galileo font tous partie du GNSS. Ce qui fait que votre téléphone, les forces de l’ordre, les compagnies de transport maritime, les compagnies aériennes et les centrales électriques ainsi que tout ce qui dépend de la synchronisation de l'heure et de la localisation GPS sont tous vulnérables à un piratage du GNSS.
Pour des pays comme la Grande-Bretagne, cela pourrait être difficile à gérer si le pays venait à subir un piratage à grande échelle du système GNSS. Une chose confirmée par une autre étude commandée par l’agence spatiale britannique. « Toutes les infrastructures critiques du pays reposent dans une certaine mesure sur le GNSS. Les communications, les services d'urgence, les finances et les transports sont identifiés comme les utilisateurs particulièrement intensifs. Une attaque qui désactivera GNSS en Grande-Bretagne coûterait environ 1 milliard de livres par jour lorsque le système sera en panne », a conclu le rapport pour le compte de l’agence spatiale britannique.
Un autre fait que présente le rapport est qu’il existe dans le pays russe des unités mobiles spécialistes du brouillage GNSS pour assurer la protection du président Poutine. Une chose que beaucoup qualifient d’action exagérée même s’agissant de la protection d’un président. Le C4AD a donné une explication selon laquelle l'emplacement géographique des incidents d'usurpation d'identité est étroitement lié aux endroits où Vladimir Poutine effectuait des visites que ce soit à l’intérieur de la Russie ou à l'étranger. Les incidents sont également alignés, indique le rapport, sur l'emplacement de l'armée russe et certaines ressources importantes du gouvernement. Même si, dans certaines régions, le motif était susceptible de restreindre l’accès à des forces armées étrangères ou de lui faire obstruction.
Cependant, le brouillage ou la falsification du GNSS qu’utilisent les Russes n’est pas seulement pour protéger les sorties ou les maisons de vacances de Poutine, mais ils le font également à d’autres fins, indique le rapport. Le C4AD a souligné ainsi dans son étude que les activités d'usurpation d'identité GNSS dans la Fédération de Russie, ses territoires occupés et ses installations militaires à l'étranger ont une portée beaucoup plus grande, une plus grande diversité géographique et une durée plus longue. À travers le rapport d’étude, le C4AD dénonce plus de 9883 cas d'usurpation d'identité sur 10 sites qui ont affecté environ 1311 systèmes de navigation de navires civils depuis le mois de février 2016.
Par exemple, une vaste zone située au-dessus du cap Idokopas, près de Gelendzhik, sur la côte russe de la mer Noire, semble faire partie d'une zone d'usurpation d'identité permanente du GNSS. Le C4AD pense que le cap est la maison d'été de Poutine ou sa datcha estivale (pour dire une sorte de résidence secondaire) du président. Il contient une résidence privée vaste et somptueuse, un grand palais à l'italienne, plusieurs appuis pour hélicoptères, un amphithéâtre et un petit port. C'est la seule maison privée en Russie qui bénéficie du même niveau de protection de l'espace aérien et d'interférences GNSS que le Kremlin.
Concernant d’autres faits qui ont été cités dans le rapport, des navires naviguant près de Gelendzhik ont indiqué avoir reçu de fausses données de navigation sur leurs systèmes par satellite. En juin 2017, le capitaine du navire marchand Atria a fourni une preuve directe d'activités d'usurpation de GNSS au large des côtes de Gelendzhik, en Russie, lorsque les systèmes de navigation embarqués du navire ont indiqué qu'il se trouvait au centre de l'aéroport de Gelendzhik, à environ 20 km. Plus de deux douzaines d’autres navires ont signalé des perturbations similaires dans la région ce jour-là, a déclaré C4AD.
Cela dit, contrairement à ce que beaucoup pourraient penser, les dispositifs pour réaliser ce genre d’exploit ne coûtent pas forcément cher. Il n’y a donc pas besoin d’être un État de la taille des États-Unis ou de la Russie pour réussir à brouiller un signal GNSS. En effet, même si le C4AD indique que la plupart des incidents qu’il a cités dans son rapport ont été observés en Crimée, dans la mer Noire et en Syrie, il précise que les équipements d'usurpation d’identité GNSS sont disponibles pour tout le monde et seulement pour quelques dollars. « À l'été 2013, une équipe de chercheurs de l'Université du Texas à Austin (UT) a réussi à détourner les systèmes de navigation GPS à bord d'un superyacht de 80 millions de dollars à l'aide d'un dispositif de 2000 $, de la taille d'une petite mallette. L'attaque expérimentale a forcé les systèmes de navigation du navire à transmettre de fausses informations de positionnement au capitaine du navire, qui a par la suite apporté de légères corrections de cap pour maintenir le navire apparemment sur la bonne voie », lit-on dans le rapport.
Depuis lors, le coût d’un dispositif d’espionnage GNSS serait tombé et coûterait maintenant environ 300 dollars, selon C4AD, et certaines personnes les utilisent pour tricher dans le célèbre jeu Pokemon Go. En outre, tout le monde n’est pas forcément d’accord avec le rapport d’étude du C4AD. Certains estiment qu’il s’agit encore d’un coup des nababs des médias et d’autres groupuscules de politiques pour nourrir de petites guerres entre les pays comme la Grande-Bretagne, la Chine et la Russie. Selon eux, la Russie peut effectivement pirater les systèmes GPS ou GNSS, mais cela ne veut pas dire qu’elle veut nuire aux autres pays. Par contre, d’autres estiment que les ambitions de la Russie de créer son propre Internet n’enlèvent pas forcément tout soupçon sur ce dernier par rapport à ce dont on l’accuse.
Source : Rapport de l’étude
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