Les fraudeurs achètent des milliers de faux commentaires Amazon notés 5 étoiles via Facebook
Le système de notation d’Amazon est-il encore fiable ?
Le commerce électronique ne permet pas toujours aux acheteurs d’être en contact direct avec les produits qu’ils ciblent ou de se faire une idée assez précise de leur qualité. Dès lors, bon nombre d’acheteurs sur Internet font confiance aux critiques en ligne et la plupart d’entre eux vérifient les avis laissés sur les produits qu’ils ciblent avant de faire un achat. Certaines recherches indiquent que, lorsqu’il s’agit d’évaluer ces avis et de déterminer la fiabilité d’un produit pendant un achat en ligne, les acheteurs semblent être plus influencés par le classement par étoiles du produit qui les intéresse que par les critiques (ou avis d’utilisateurs) qui l’accompagnent.
Amazon aime considérer son marché comme une méritocratie marchande où les meilleurs produits reçoivent les meilleurs avis en raison de leur qualité ainsi que des commentaires honnêtes et fiables laissés par les consommateurs. Cependant, la taille importante de cette plateforme de commerce en ligne, associée à la concurrence féroce à laquelle se livrent les vendeurs qui y sont inscrits pour obtenir le meilleur classement pour leurs produits, a engendré un problème sérieux : la prolifération de faux commentaires.
Les fausses critiques sont un problème pour Amazon depuis sa création, mais le problème semble s’être intensifié en 2015, lorsque la plateforme de e-commerce fondée par Jeff Bezos a commencé à courtiser les vendeurs chinois. Cette décision a entraîné un afflux important de nouveaux produits et de nouveaux concurrents basés notamment à Guangzhou et à Shenzhen, en Chine. Une étude du site Hustle a récemment révélé que cette situation a incité de nombreux marchands à abuser du système mis en place sur Amazon pour attirer l’attention des consommateurs et vendre plus rapidement leurs produits.
« Il est beaucoup plus difficile de vendre sur Amazon qu’il y a deux ou trois ans », a confié à ce propos Fahim Naim, un ancien responsable d’Amazon qui est actuellement à la tête d’une société de conseil en e-commerce, précisant que « de nombreux vendeurs essaient de trouver des raccourcis ». Steve Lee, un marchand basé à Los Angeles et inscrit sur Amazon, estime pour sa part qu’il est impossible de faire autrement pour s’en sortir : « tu dois jouer le jeu pour vendre maintenant », « ce jeu, c’est tricher et enfreindre la loi ».
Tommy Noonan est le fondateur du site Web supplementreviews.com qui est devenu une référence en ce qui concerne l’évaluation non biaisée de produits de nutrition sportive. Noonan a créé un outil (basé sur 12 tests) qui peut être utilisé pour évaluer l’authenticité des critiques de tout produit vendu sur Amazon. Il a également mis sur pied le site ReviewMeta qui a déjà analysé plus de 203 millions de critiques de produits d’Amazon et constaté que 11,3 % d’entre elles étaient indignes de confiance. Un autre site Web impliqué, comme ReviewMeta, dans la détection de fausses critiques, en l’occurrence Fakespot, estime ce chiffre à environ 30 %.
Noonan admet que les chiffres qu’il fournit ne sont pas forcément exacts, mais affirme qu’on assiste indéniablement à une recrudescence des comportements frauduleux sur Amazon. Une étude récente menée par ReviewMeta a signalé qu’en mars 2019 seulement, Amazon a enregistré plus de 2 millions d’avis non vérifiés — des critiques qui ne peuvent être confirmées comme des achats effectués sur le site —, 99,6 % de ces avis non vérifiés étaient marqués cinq étoiles. D’après lui, ces critiques peu fiables sont presque toutes destinées à des produits électroniques bon marché et sans marque : chargeurs de smartphones, casques d’écoute, câbles ».
Bien que le fonctionnement de l’algorithme de classement des produits d’Amazon reste inconnu à l’heure actuelle, il est facile de se rendre compte que les articles classés cinq étoiles et affichant un très grand nombre de critiques positives sont généralement ceux qui sont le plus mis en avant sur le site : une vérification ponctuelle permettrait de remarquer que 10 des 22 résultats de première page sur Amazon pour « chargeur iPhone » étaient des produits avec des milliers de commentaires cinq étoiles, tous non vérifiés et publiés à l’intervalle de quelques jours.
Signalons au passage qu’en vertu de la loi fédérale en vigueur aux États-Unis, l’échange de produits ou de paiements gratuits contre des critiques favorables non divulgué est illégal. Si un examinateur a reçu quelque chose de valeur en échange de son opinion, il doit le divulguer clairement dans sa critique. Dans le cas contraire, il s’agit d’avis incitatifs prohibés.
Amazon hébergerait près de 1,8 million de marchands qui vendaient près de 600 millions d’articles, ce qui générait environ 9,6 millions de nouvelles critiques de produits chaque mois. La firme de Jeff Bezos avertit toutefois que « moins de 1 % » des avis d’acheteurs publiés sur sa plateforme ne sont probablement pas authentiques et déconseille de prendre toutes les données publiées sur son site au pied de la lettre. Amazon a, en outre, interdit l’usage d’avis incitatifs sur sa plateforme en 2016, dans le cadre d’un effort visant à maintenir la confiance.
Le marché des fausses critiques sur Amazon est florissant et regorge de forums clandestins, de sites Web dédiés et de didacticiels. Mais le terrain de chasse privilégié des marchands à l’affût de critiques positifs est Facebook. Il y aurait au moins 150 groupes privés sur le réseau social Facebook (jusqu’à 200 000 membres pour certains) au sein desquels les vendeurs échangent ouvertement des produits gratuits (et, dans de nombreux cas, des commissions) contre des critiques positives et cinq étoiles, sans divulgation. Ces groupes Facebook semblent être au cœur d’une ruée vers l’or en ligne : la plupart ont moins d’un an et, au cours des 30 derniers jours, ont attiré plus de 50 000 nouveaux utilisateurs.
L’honnêteté et « l’absence d’escroquerie » sont considérées comme l’une des règles de ces groupes, mais un coup d’œil rapide sous le capot révèle très vite le pot aux roses. Le système est assez simple :
- un marchand publie une offre sur le forum de discussion avec un message du type « GRATUIT - remboursement + 5 $ de commission pour cinq étoiles. PM pour plus de détails » ;
- un acheteur intéressé envoie un message privé au vendeur ;
- le vendeur dirige l’acheteur vers le produit sur Amazon à l’aide de mots-clés ;
- l’acheteur achète le produit et laisse un avis de cinq étoiles ;
- le vendeur envoie à l’acheteur un remboursement via PayPal, plus une commission (généralement sous la forme d’une carte-cadeau de 5-10 $).
Les marchands qui s’adonnent à ses pratiques espèrent que supporter une perte à court terme sera rentable dès lors que leurs produits auront reçu un nombre considérable de critiques positives et une position favorable dans le classement d’Amazon. De l’avis de certains marchands Amazon, « cela fait partie d’une promotion… c’est un processus à long terme » et un mal nécessaire qu’ils assument, car il faut faire face à la concurrence.
La majorité des profils personnels des vendeurs qui s’adonnent à ses pratiques pointent vers les villes industrielles chinoises, à l’épicentre de la croissance récente des inscriptions d’Amazon. Toutefois, les acheteurs en grande partie résidants en Occident et aux États-Unis semblent désireux de participer à ces transactions. La plupart des commentateurs s’en tiennent à trois critiques positives ou moins par semaine pour éviter d’attirer l’attention d’Amazon. En faisant preuve de prudence, certains d’entre eux sont en mesure de tirer un revenu parallèle conséquent de ces commissions (200 à 300 dollars par mois).
En réponse à l’enquête de The Hustle, un porte-parole de Facebook a déclaré que les groupes faisant la promotion de fausses critiques Amazon enfreignent la politique du groupe et sont fréquemment démantelés. Amazon n’a pas souhaité s’exprimer, mais quelques jours après que The Hustle soit entré en contact avec la société de Jeff Bezos, des milliers de critiques frauduleuses ont été retirées du site. Parmi elles se trouvaient les 3971 critiques arborant cinq étoiles qui accompagnaient un produit cité par le site dans son enquête. Ce produit a maintenant 11 avis et détient une note de 2,5 étoiles.
Amazon a déjà pris des mesures répressives à l’égard de nombreux marchands qui font la promotion de critiques factices sur sa plateforme. L’entreprise réagit également rapidement lorsque des liens vers des produits frauduleux sont découverts, mais comme le souligne Noonan, « leur façon de gérer les choses est réactive, et non proactive ».
Source : The Hustle
Et vous ?
Que pensez-vous des résultats présentés par cette étude ?
Quel élément influence le plus votre décision lors d’un achat en ligne : les avis d’autres acheteurs ou le nombre d’étoiles du produit ?
Pensez-vous qu’on puisse encore faire confiance aux systèmes de notation ou de classement de produits mis en avant sur les sites de e-commerce comme Amazon ?
Amazon serait-il victime de son succès ? Que pourrait faire le groupe de Jeff Bezos pour mieux protéger le consommateur ?
Voir aussi
Amazon paiera 0 $ d'impôts fédéraux sur 11,2 Md$ de bénéfices en 2018 selon un rapport et New-York proteste contre la construction de son siège
Amazon a fait de Jeff Bezos l'homme le plus riche du monde, mais pourquoi maltraite-t-elle autant ses salariés victimes d'accident de travail ?
Les travailleurs d'Amazon écoutent ce que vous dites à Alexa, son assistant vocal intelligent et en parlent dans un forum de discussion interne
Les revenus d'Amazon ont augmenté de 29% pour atteindre 56,6 milliards de dollars au troisième trimestre 2018, AWS en hausse de 46%
Partager