Européennes : des hackers russes propageraient des fake news pour favoriser l'extrême droite,
selon The New York Times
À quelques jours du scrutin du Parlement européen (du 23 au 26 mai 2019), le journal américain The New York Times (NYT) a révélé cette semaine qu'il y aurait une tentative d’ingérence dans les élections européennes de la part des Russes pour pencher le scrutin du côté de l'extrême droite. D’après le quotidien américain, les hackers russes auraient lancé une grande campagne de désinformation dans de nombreux pays du vieux continent. Ces contenus, semblerait-il, sont ensuite repris et amplifiés sur la toile par des groupes en soutien à l’extrême droite.
D’après le NYT, une multitude de sites Web et de comptes de médias sociaux liés à la Russie ou à des groupes d'extrême droite répandent la désinformation, encouragent la discorde et amplifient la méfiance à l'égard des partis centristes qui gouvernent depuis des décennies. Cette campagne de propagande toucherait plusieurs pays de l’Europe et les pays comme l’Allemagne et l’Italie sont les plus exposés. Le média a rapporté que les sites de commentaires politiques marginaux en Italie, par exemple, portent les mêmes signatures électroniques que les sites Web pro-Kremlin, tandis que deux groupes politiques allemands se partagent des serveurs utilisés par les pirates informatiques russes qui ont attaqué le Comité national démocrate.
Cette situation est-elle bien réelle ? Tout porte à le croire lorsqu’on se réfère aux différents éléments justificatifs présentés par les enquêteurs de l’Union européenne et les tierces parties. D’après le journal, les enquêteurs de l'Union européenne, des universitaires et des groupes de défense des droits de l'homme affirment que les nouvelles tentatives russes de désinformation partagent bon nombre des empreintes digitales ou tactiques numériques utilisées lors des précédentes attaques russes, y compris l'ingérence du Kremlin dans la campagne présidentielle de 2016 aux États-Unis.
Le quotidien américain a indiqué que les attaques de désinformation se propagent très rapidement et ont pour caisse de résonance certains militants de l’extrême droite, ce qui rend difficile la distinction entre la propagande russe, la désinformation d'extrême droite et un véritable débat politique. Selon le NYT, les enquêteurs sont toutefois convaincus que les réseaux de profils Facebook, les comptes Twitter, les groupes WhatsApp et les sites Web propagent des histoires fausses et conflictuelles sur l'Union européenne, l'OTAN, les immigrés, etc. Les théories du complot circulent librement et sont grandissantes. Certains vont même jusqu'à évoquer le fait que l'incendie de la Cathédrale Notre-Dame du mois dernier était l'œuvre de terroristes islamistes, d'une agence d'espionnage ou d'une cabale d'élite qui dirige secrètement le monde. Une multitude d’informations qui, pour la plupart, proviendraient en premier des médias russes avant d’être amplifiées ailleurs par d’autres groupes de personnes.
Pour Daniel Jones, ancien analyste du FBI et enquêteur du Sénat, dont le groupe à but non lucratif, Advance Democracy, a récemment signalé un certain nombre de sites Web et de comptes de médias sociaux suspects aux autorités chargées de l'application de la loi, l’objectif derrière cette campagne de désinformation dépasse celui derrière toutes les autres élections pour lesquelles il a été question d’ingérence russe. « C’est vouloir constamment diviser, accroître la méfiance et saper notre confiance dans les institutions et la démocratie elle-même. Ils travaillent à détruire tout ce qui a été construit après la Seconde Guerre mondiale », a-t-il déclaré.
À l’heure actuelle, il est presque impossible, a rapporté le New York Times, de quantifier l'ampleur et la résonance de la désinformation. Le média américain a ajouté que les enquêteurs européens ont découvert des centaines de comptes Facebook et Twitter, plus d'un millier d'exemples de messages WhatsApp partageant des contenus suspects, ainsi qu'une multitude de sites Web louches qui nourrissent la désinformation, qu'il s'agisse de théories du complot ou de polarisations.
Tout ceci intervient au moment où les médias sociaux sont invités par la Commission européenne et certains gouvernements du monde à déployer toutes les ressources et techniques nécessaires pour lutter contre la désinformation et les contenus indésirables qui circulent sur la toile. Cependant, depuis le début de l’année, le PDG de Facebook a répété à plusieurs reprises que les médias sociaux ne sauraient lutter seuls contre cet état de choses. Il a invité les gouvernements à plus de collaborations avec les entreprises de réseaux sociaux pour ériger d’autres réglementations, car la plupart des informations dans le monde transitent par leurs plateformes.
S’agissant des allégations qui sont portées contre elle, la Russie les renie totalement. « Les élections n'ont pas encore eu lieu et nous sommes déjà soupçonnés d'avoir fait quelque chose de mal ? Suspecter quelqu'un d'un événement qui ne s'est pas encore produit est un tas de bêtises paranoïaques », a déclaré le Premier ministre russe, Dmitri A. Medvedev. Cela dit, le NYT a expliqué que distinguer l'ingérence russe du clickbait ou l'indignation politique sincère est difficile, même pour les services de renseignement. La piste numérique aboutit souvent dans l’une des impasses anonymisées d’Internet. Mais les empreintes digitales prorusses existent. Cela suffit-il pour soupçonner les Russes ?, s'interrogent certains.
Le journal révèle que tout semble apparemment flou, même pour les scientifiques. Il souligne que même si la Russie demeure une source de préoccupation, les responsables politiques ont déclaré que certains groupes politiques à travers le continent, en particulier des partisans de l'extrême droite adoptent de nombreuses tactiques du Kremlin, rendant encore plus flou l'identité de ceux qui dissimulaient ces messages. Par exemple, le groupe démocrate de gauche Avaaz a déclaré avoir identifié plus de 100 pages Facebook qui coordonnaient la publication d'articles, de mèmes et de vidéos. Ces partages visent à soutenir des causes d'extrême droite et populistes en Italie, notamment le parti de la Ligue de Salvini et le mouvement Five Star, son partenaire de coalition au gouvernement.
De plus, de nombreuses pages semblent mettre l'accent sur la musique, les sports ou les voyages, mais disséminent un flot d'articles provenant de sites d'informations d'extrême droite. Une page, « I Valori Della Vita », a été présentée à ses 1,5 million d'adeptes en tant que page de style de vie générique, mais a partagé de manière coordonnée le contenu du site d'actualités d'extrême droite Leggilo.org. Christoph Schott, directeur de campagne chez Avaaz, a déclaré que pour chaque exemple relevé par les enquêteurs, de nombreux autres n'étaient pas détectés. Ils ont repéré d'autres campagnes coordonnées en France, en Pologne et en Espagne.
À l’allure où vont les choses, les entreprises de médias sociaux seront plus sollicitées que jamais. « Nous sommes fondamentalement confrontés à un défi de sécurité. Il y a un ensemble d'acteurs qui veulent manipuler le débat public », a déclaré Nathaniel Gleicher, responsable de la politique de cybersécurité de Facebook. Le NYT rapporte également qu’en octobre dernier, Facebook, Twitter et Google ont convenu d'un code de conduite volontaire pour leurs plateformes dans l'Union européenne afin de limiter la propagation de la désinformation. Les critiques disent que des lois et des sanctions plus sévères sont nécessaires. Certains par contre estiment que ces plateformes ne pourront rien faire pour améliorer la situation, car elles en sont la cause. « Nous ne devrions pas laisser les plateformes à l'origine des problèmes pour trouver des solutions », a déclaré Marietje Schaake, membre néerlandaise du Parlement européen.
Source : The New York Times
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