La ville de Wuhan abrite-t-elle un laboratoire à virus mortels ?
Ce qu’il dit :
« Si vous faites une recherche Google pour savoir si la Chine possède un laboratoire P4, Wuhan arrive en premier. Il est en haut de la liste. »
VRAI
La source est insolite, a fortiori pour un expert, mais il s’agit d’une affirmation correcte : il existe bel et bien à Wuhan, la capitale de la province de Hubei, un laboratoire de haut confinement (P4, pour « pathogène de niveau 4 », le niveau maximal).
Celui-ci appartient au Zhongguo kexueyuan wuhan bingdu yanjiusuo, ou institut de virologie de Wuhan et est officiellement le seul laboratoire P4 actuellement en activité en Chine continentale, sachant qu’il en existe une cinquantaine dans le monde. D’autres sont prévus à Harbin et Pékin.
Sa construction a été achevée en 2015. Il a obtenu sa certification de laboratoire haute sécurité par les autorités chinoises en janvier 2017. Depuis août 2017, il est missionné prioritairement par Pékin pour effectuer des recherches sur Ebola, Nipah et la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère causé par un autre coronavirus, apparu en 2002-2003 en Chine) fait partie de ses projets d’étude à terme.
En règle générale, les laboratoires P4 présentent-ils des risques de fuites ?
Ce qu’il a dit :
«
Tous les laboratoires P4 ont des fuites, tout le monde sait ça. »
C’EST PLUTÔT VRAI
De nombreuses précautions encadrent le travail au sein d’un laboratoire de haut confinement, comme le port de combinaisons spéciales, assorti d’un protocole très strict, et des équipements extrêmes, comme des portes de sous-marin, des douches chimiques et des incinérateurs de déchets. Indice de leur niveau de sécurité : même l’explosion qui a eu lieu en 2019 dans le laboratoire russe de haut confinement où sont étudiés Ebola et la variole n’a pas entraîné de fuite.
Néanmoins, le risque zéro n’existe pas. En 2017, le centre pour le contrôle des armes et la non-prolifération chiffrait à 31 % les risques que le monde soit confronté dans les dix ans à une pandémie causée par un virus issu d’un laboratoire P4. En février 2019, le Bulletin of the Atomic Scientists – revue créée par d’anciens scientifiques à l’origine de la bombe atomique, et spécialisé dans les répercussions graves des activités humaines – évoquait de son côté « une menace pandémique probable », soulignant l’inéluctabilité d’erreurs humaines. En 2003, un chercheur taïwanais de 44 ans travaillant dans un laboratoire P4 a ainsi été atteint par le SRAS en essayant de désinfecter à la main un module de transfert du virus. Quatre-vingt-dix personnes avaient dû être placées en quarantaine.
Il ne s’agit pas d’un cas isolé. En 2016, le Government Accountability Office (GAO), l’organisme d’audit du Congrès américain, recensait 21 incidents liés à des transferts indus de pathogènes hautement transmissibles vers des laboratoires de sécurité moindre, dont huit cas d’anthrax et deux d’Ebola et de Marburg. Dans la majorité des situations, le processus d’inactivation – procédé chimique rendant inopérant un virus et permettant de le manipuler dans le cadre de la création d’un vaccin – n’était pas allé jusqu’à son terme, et un virus dangereux s’était retrouvé là où il ne devait pas être. En 2014, deux tubes contenant respectivement une souche d’Ebola active et l’autre inactive avaient ainsi été intervertis par inadvertance, et le virus actif, envoyé dans un laboratoire P2. Heureusement, l’erreur avait été remarquée le lendemain, et le laboratoire P2, prévenu à temps.
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