Surveillance numérique en vue du déconfinement, voici ce qui y est en réflexion : bien plus que du bluetooth,
mais, GPS, bracelet électronique, obligatoire dans certaines situations (comme la quarantaine)
Lors de la réunion de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques le 9 avril dernier, le député Cédric Villani, premier vice-président de l'office, a présenté une note qui contient une série de mesures et précautions en vue du déconfinement. Mise à jour le 11 avril et validée pour publication, cette note suggère que les technologies de l’information peuvent contribuer à la stratégie déployée par la France au début de la pandémie du covid-19 : l’isolement des personnes infectées et des cas suspects et la recherche des cas contacts.
Rappelons que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a pour mission d’informer le Parlement français des conséquences des choix à caractère scientifique et technologique afin d’éclairer ses décisions. À cette fin, l'OPECST recueille des informations, met en œuvre des programmes d’études et procède à des évaluations. Depuis le début de cette crise sanitaire, plusieurs pays ont mis au point des applications de suivis des malades.
En France, l’Assistance publique –Hôpitaux de Paris a mis en place Covidom3, une application que les patients sont invités à utiliser après inscription par un médecin. En Corée du Sud, une application d’autodiagnostic est utilisée pour surveiller l’état de santé des personnes arrivant sur le territoire. Au Vietnam, l’application NCOVI4 a été mise en place à la fois pour mieux anticiper les besoins médicaux, mais aussi pour prévenir la population avoisinante de cas déclarés.
Deux catégories de données personnelles sont mobilisées par les technologies de l’information pour lutter contre le covid-19. Il s'agit des données à caractère médical, qui ont vocation à permettre de surveiller des symptômes pour décider ou orienter une prise en charge ou à préciser l’étiologie de l’infection ; les données permettant de localiser les individus ou de renseigner sur des positions relatives, qui ont vocation à conforter les mesures de distanciation sociale ou à étudier les mouvements de population.
Selon la note de l'Office, différentes technologies permettent la localisation des personnes pour contribuer à limiter la propagation de la pandémie. Entre autres, il y a l’utilisation de données GPS, de données téléphoniques ou des données bancaires. Indirectement, la technologie bluetooth, le port de bracelets électroniques ou encore la reconnaissance faciale, le permettent également. Dans certains pays européens, plusieurs projets d'application sont actuellement à l'étude. En France, il y a le projet d'application StopCovid.
La note indique aussi que différents moyens peuvent être utilisés pour retracer les contacts établis : via la collecte de la position GPS des téléphones portables, ou la détermination de leur position par l’étude des données téléphoniques, ou par le biais du bluetooth. Le réseau téléphonique peut également être utilisé pour prévenir des cas dans une zone afin que les habitants puissent modifier leurs habitudes en conséquence. Il s’agit de diffuser des alertes sous la forme de sms via la diffusion cellulaire localisée.
La reconnaissance faciale peut être utilisée pour servir à vérifier si des personnes, au sein d’une foule, ne respectent pas des mesures telles que le port du masque. L’intelligence artificielle peut est aussi utilisée pour détecter des personnes ayant été exposées à des risques de contamination, pour mieux cibler les personnes à placer en quarantaine, ainsi que pour déterminer combien de cas sont présents dans une même zone.
Quelques problèmes d'ordre technique se posent
La note n'a pas manqué de préciser quelques limites à ces mesures. Toutes ces techniques voient cependant leur efficacité limitée par le fait que de nombreuses personnes ne déclarent pas, ou qu’elles n’ont que peu de symptômes, lorsqu’elles sont infectées par le covid-19. On notera également que la proximité avec des personnes malades n’est qu’un déterminant très approximatif de la probabilité d’avoir été infecté, étant donné que le port du masque et l’adoption des gestes barrière peuvent prévenir une infection, malgré une proximité avec un cas avéré.
Aussi, rappelons que la technologie Bluetooth ne serait pas suffisamment précise pour permettre de mesurer si l'on se trouvait à plus (ou moins) des deux mètres de distanciation sociale recommandés par les autorités sanitaires, sa portée pouvant aller de moins d'un mètre à près de 400 mètres. La qualité du signal aussi dépendrait du terminal utilisé, de sa batterie et de ses composants, et autres. Des analystes de l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), dont la mission est de "défendre et préserver les droits et libertés individuelles", ont fait un récapitulatif de leurs discussions avec des ingénieurs et responsables de plusieurs des principales entreprises américaines ayant des connaissances sur les données de géolocalisation.
Les antennes relais seraient trop imprécises. Les données GPS, censées être précises au mètre près, le sont plutôt à 5 ou 20 mètres, à l'extérieur et par temps clair. Elles ne fonctionneraient pas à l'intérieur ni à proximité, des immeubles, dans les grandes villes, ou quand il fait mauvais temps. Google reconnaît que les mécanismes de récolte de données d’Android ou de Maps ne sont « pas construits pour fournir des enregistrements robustes et de haute qualité à des fins médicales et ne peuvent être adaptés à cette fin ».
Les questions posées par le traçage des déplacements à travers les smartphones
La note précise que pour l'utilisation du traçage des déplacements en vue du déconfinement, il ne semble pas y avoir d’interdiction générale de ce type de traitement de données, mais celui-ci ne pourrait être mis en œuvre qu’en respectant certaines conditions très strictes :
- les données doivent être anonymisées, s’agissant des données de déplacement de population, ou le consentement recueilli de manière explicite, s’agissant des données individuelles, permettant d’établir la liste des contacts, et faire l’objet d’un chiffrement robuste pour éviter toute atteinte à la vie privée. Or, l’anonymisation est une exigence lourde, car les scientifiques ont démontré que connaître 4 points de présence d’un individu dans un jeu de données peut typiquement suffire à retrouver son jeu de données personnalisées de géolocalisation ;
- il conviendrait de ne pas réduire les droits des personnes qui ne disposent pas de smartphone, en matière de déplacement.
Source : OPECST (pdf)
Et vous ?
Que pensez-vous de ces mesures ?
Comment pourrait-on déceler les premiers symptômes par les technologies citées ?
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