La plus haute instance judiciaire allemande interdit à Facebook de traiter les données personnelles des utilisateurs sans leur consentement,
cette décision aura un impact sur son modèle commercial
Le 23 juin, la Cour fédérale de justice allemande, la plus haute juridiction du pays, a jugé que Facebook abusait de sa position dominante pour faciliter la collecte des données personnelles des utilisateurs du réseau social ainsi que des autres services proposés par la firme de Mark Zuckerberg, tels que WhatsApp, Instagram, Masquerade ou Oculus. L’instance a ainsi interdit à la société de traiter les données personnelles des utilisateurs qu’elle collecte sans leur consentement. En outre, cette décision aura un impact sur le modèle commercial de Facebook.
Les utilisateurs ne paient pas de frais pour utiliser le réseau social. Mais il faut qu’ils acceptent les conditions d’utilisation lors de leur inscription. Ceux-ci autorisent l’utilisation des données personnelles de l’utilisateur pour les plateformes appartenant au groupe. Ce dernier est financé par la publicité en ligne. Grâce aux interfaces de programmation fournies par Facebook (Facebook Business Tools), les entreprises peuvent connecter leurs propres sites Web ou applications à leur page Facebook. Les réactions, les partages ainsi que les commentaires sont alors utilisés pour mesurer et analyser le succès de la publicité de ces entreprises. Ces données sont ensuite envoyées aux entreprises pour qu’elles examinent la façon dont les utilisateurs interagissent avec les services qu’elles offrent.
Pour le Bundesgerichtshof, « les conditions d'utilisation sont abusives, ce qui ne laisse aucun choix aux utilisateurs de Facebook, s'ils souhaitent utiliser le réseau avec une expérience utilisateur plus personnalisée, qui est associée à un accès potentiellement illimité aux caractéristiques de leur utilisation d'Internet, même « hors Facebook », par l'intermédiaire de Facebook, ou s'ils souhaitent uniquement consentir à une personnalisation en fonction des données qu'ils divulguent eux-mêmes sur facebook.com ».
« Le manque de choix des utilisateurs de Facebook affecte non seulement leur autonomie personnelle et la protection de leur droit à l'autodétermination informationnelle, qui est également protégé par le RGPD. (…) Cela représente également une exploitation des utilisateurs qui est pertinente en vertu de la loi antitrust, car la concurrence n'est plus efficace en raison de la position dominante de Facebook peut exercer », abonde le tribunal.
« Facebook exploite un réseau social sur deux marchés. D'une part, elle offre la plate-forme aux utilisateurs comme un moyen de présenter la personne de l'utilisateur dans ses relations sociales et pour la communication. D'autre part, il permet aux entreprises de faire de la publicité dans le réseau et finance donc également la plate-forme des utilisateurs, pour l'utilisation de laquelle les utilisateurs ne paient pas de frais (monétaires). Cependant, comme Facebook promet de fournir à ses utilisateurs des expériences personnalisées et donc des contenus de communication au-delà de la simple fonction de plateforme, il existe des transitions et des enclenchements en douceur entre les services fournis aux utilisateurs et le refinancement de la fourniture de la plateforme par différentes formes de publicité en ligne », poursuit-il.
Par ailleurs, l’autorité de la concurrence allemande avait déjà condamné Facebook en février 2019. Elle avait imposé à la firme de Mark Zuckerberg des restrictions dans le traitement des données des utilisateurs. « En tant que société dominante, Facebook est soumis à des obligations spéciales en vertu du droit de la concurrence. Dans le fonctionnement de son modèle économique, l'entreprise doit tenir compte du fait que les utilisateurs de Facebook ne peuvent pratiquement pas passer à d'autres réseaux sociaux », avait alors indiqué Andreas Mundt, président de l’autorité de la concurrence allemande.
« Compte tenu du pouvoir de marché supérieur de Facebook, une coche obligatoire sur la case pour accepter les conditions d'utilisation de l'entreprise n'est pas une base adéquate pour un traitement de données aussi intensif. Le seul choix dont dispose l'utilisateur est soit d'accepter la combinaison complète de données, soit de s'abstenir d'utiliser le réseau social. Dans une situation aussi difficile, le choix de l'utilisateur ne peut pas être qualifié de consentement volontaire », a-t-il ajouté.
Dans d’autres pays, des procédures similaires ont également été engagées. En France, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris avait condamné Facebook, en avril 2019, pour défaut de transparence dans l’utilisation des données personnelles de ses utilisateurs européens. Cette condamnation faisait suite à une action intentée par l’association de consommateurs UFC-Que choisir.
Source : Bundesgerichtshof
Et vous ?
D'après vous, quel serait l'impact de cette décision de justice pour les utilisateurs des services de Facebook en Allemagne ?
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