Le Sénat adopte un projet de loi de 280 milliards destiné à subventionner l’industrie des semi-conducteurs aux États-Unis
Le Sénat américain a adopté le 27 juillet un projet de loi destiné à subventionner l’industrie des semi-conducteurs, avec l’espoir de permettre aux entreprises américaines de rivaliser avec la Chine et d’atténuer la pénurie récurrente de puces qui a affecté nombre de secteurs, comme l’automobile. La proposition de loi prévoit 52 milliards de dollars pour la relance de la production de semi-conducteurs aux Etats-Unis, un texte qui doit encore être entériné par la Chambre des représentants.
Ces montants sont inclus dans une loi plus large, qui alloue également plus de 100 milliards de dollars sur cinq ans pour la recherche et le développement. 64 sénateurs sur 100, démocrates et républicains, ont voté pour le Chips Act and science. « Le Sénat a adopté une loi historique qui va diminuer les coûts et créer des emplois », a immédiatement commenté le président Joe Biden, en appelant les élus de la Chambre à voter la loi « rapidement ».
La demande pour les semi-conducteurs, au coeur de toute l'électronique moderne, a explosé pendant la pandémie, causant des pénuries mondiales encore exacerbées par la fermeture d'usines chinoises face aux résurgences du Covid. Les problèmes d'approvisionnement pour ces puces, présentes aussi bien dans les smartphones que les hélicoptères, ont selon le gouvernement de Joe Biden alimenté l'inflation galopante dans le pays.
Elles ont notamment ralenti la production de voitures neuves l'an dernier, suscitant une flambée des prix dans l'automobile. La dépendance des Etats-Unis envers des usines principalement situées en Asie pose aussi une menace pour la sécurité nationale, de nombreux équipements militaires fonctionnant à l'aide de ces puces, relève le gouvernement.
Malgré un constat partagé par démocrates et républicains sur l'impératif de relancer la production nationale, les élus du Congrès ont échoué pendant des mois à se mettre d'accord sur un texte définitif. En ce qui concerne les micro-processeurs, la proposition de loi prévoit finalement 39 milliards de dollars d'aides pour encourager les entreprises à produire localement, et 13 milliards pour les laboratoires de recherche.
Plusieurs industriels ont déjà fait savoir qu'ils allaient utiliser ces fonds pour construire des usines dans l'Ohio ou l'Indiana. Le sénateur Bernie Sanders, une figure de la gauche américaine, s'était ému avant le vote des sommes allouées à des entreprises « rentables » qui, selon lui, « ont fermé 780 usines en 20 ans » aux Etats-Unis. « C'est un pot-de-vin pour qu'elles restent ici », a-t-il écrit dans un communiqué.
Le président Biden avait toutefois promis, le 25 juillet, que la loi « n'était pas un chèque en blanc ». Les entreprises devront selon lui remplir certaines conditions, notamment en termes de salaires, pour toucher ces aides publiques. « Nous ne leur permettrons pas d'utiliser ces fonds pour racheter des actions ou payer des dividendes », avait-il ajouté, en précisant qu'il donnerait lui-même le feu vert aux plus gros montants.
« Après des années de travail acharné, le Sénat adopte le plus grand investissement dans la science, la technologie et la fabrication de pointe depuis des décennies », a déclaré Chuck Schumer, chef de la majorité au Sénat, mercredi. « Ce projet de loi sur les puces et la science va créer des millions d'emplois bien rémunérés à l'avenir. Il allégera les chaînes d'approvisionnement, il contribuera à réduire les coûts et il protégera les intérêts de sécurité nationale de l'Amérique. »
« Trop souvent, notre gouvernement et nos entreprises sont accusés d'être trop à court terme », a-t-il poursuivi. « Mais il s'agit de l'un des projets de loi les plus importants à long terme que nous ayons adoptés depuis très longtemps. J'ai dit hier à notre caucus que nos petits-enfants occuperont des emplois bien rémunérés dans des industries que nous ne pouvons même pas imaginer grâce à ce que nous faisons maintenant. Et nous l'avons fait ensemble, les deux parties coopérant de bonne foi sur des questions vraiment difficiles. »
« Le peuple américain mérite de voir plus d'exemples comme celui-ci, où les deux parties s'unissent pour faire de très, très grandes choses qui auront un impact durable sur notre pays », a ajouté Schumer. « Et je suis convaincu que les générations futures se souviendront de l'adoption de ce projet de loi comme d'un tournant dans le leadership américain au 21e siècle ».
Lors de sa première intervention depuis son arrivée à la tête d'Intel en février, le PDG d’Intel Pat Gelsinger a prédit que les semi-conducteurs représenteront plus de 20 % de la nomenclature totale des véhicules haut de gamme d'ici 2030. Ce qui représente un taux de croissance cinq fois supérieur par rapport au chiffre de 4 % de 2019. Jusqu'à présent, seule une poignée d'entreprises ont réussi à intégrer les technologies nécessaires pour graver des éléments toujours plus petits dans le silicium, et la maîtrise de la lithographie dans l'ultraviolet extrême (EUV) par TSMC a contribué à la catapulter en tête du peloton.
En juillet 2021, Intel a publié sa feuille de route pour les quatre prochaines années. Lors de sa présentation, Intel a annoncé qu'elle produira au cours des quatre prochaines des puces basées sur les nœuds de processus 7nm, 4nm et 3nm. En outre, dès 2024, la société introduira sa nouvelle technologie de fabrication de puces, le nœud de processus Intel 20A (c'est-à-dire 20 angströms), qui devrait lui permettre de rattraper et reprendre de l'avance sur ses deux plus grands rivaux TSMC et Samsung Semiconductor. Intel ouvre également ses fonderies à d'autres concepteurs de puces, dont Qualcomm qui domine actuellement le marché des puces pour téléphones mobiles.
Selon une certaine source, Intel souhaitait fabriquer des plaquettes de silicium dans une usine située à Chengdu, en Chine, d'ici à la fin de cette année. Cependant, lorsque la société a récemment partagé les détails de ce plan avec le gouvernement américain, « les responsables de l'administration Biden ont fortement découragé le déménagement. » Le rapport ne précise pas la nature exacte des préoccupations de la Maison-Blanche en matière de sécurité.
Intel aurait également cherché à obtenir une aide fédérale « pour accélérer la recherche et la production aux États-Unis », Intel ajoutant dans une déclaration qu'« Intel et l'administration Biden partagent l'objectif de remédier à la pénurie actuelle de micropuces dans toute l'industrie, et nous avons exploré un certain nombre d'approches avec le gouvernement américain.
Nous nous concentrons sur l'expansion significative en cours de nos opérations de fabrication de semi-conducteurs existantes et sur nos projets d'investissement de dizaines de milliards de dollars dans de nouvelles usines de fabrication de plaquettes aux États-Unis et en Europe. » « S'il y a un camion à béton dans l'État de l'Ohio qui ne travaillera pas pour moi l'année prochaine, je veux le savoir », a plaisanté Pat Gelsinger.
Le fabricant de puces Intel va consacrer au moins 20 milliards de dollars à un nouveau site de fabrication de puces à New Albany, près de Columbus, dans l'Ohio, a annoncé la société. Le site de 1 000 acres accueillera initialement deux usines de fabrication (fabs) de puces et devrait employer directement au moins 3 000 personnes et des « dizaines de milliers » de plus parmi les fournisseurs et les partenaires. La construction devrait démarrer cette année et le site devrait être opérationnel en 2025.
« Nous avons pour objectif d'investir jusqu'à 100 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, mais sans le soutien du gouvernement fédéral, cet objectif sera difficile à atteindre dans ce laps de temps », a confirmé William Moss, porte-parole d'Intel. L'investissement initial de 20 milliards de dollars ne dépend toutefois pas des subventions fédérales.
Les autres promesses d'Intel sont plus floues, comme l'idée que le site de l'Ohio pourrait abriter huit fabs au lieu de deux seulement. « En cas de construction complète, l'investissement total sur le site pourrait atteindre 100 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, ce qui en ferait l'un des plus grands sites de fabrication de semi-conducteurs au monde », peut-on lire dans le communiqué de presse d'Intel. Mais il ne s'agit pas d'un engagement ferme c'est plutôt un objectif ambitieux, à condition qu’Intel obtient des subventions fédérales.
Le président américain Joe Biden a félicité Pat Gelsinger après cette annonce de 20 milliards de dollars d'investissement pour deux nouvelles installations de fabrication de puces, ou fabs, que la société construira juste à l'ouest de Columbus, Ohio. Maintenant que le Sénat a adopté un projet de loi de 280 milliards de dollars pour stimuler la production de puces informatiques aux États-Unis, attendons de voir si tous les camions à béton dans l'État de l'Ohio travailleront pour Pat Gelsinger l'année prochaine.
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Voir aussi :
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