D'anciens employés d'Apple affirment que l'entreprise a ignoré les violations du droit du travail en Chine,
craignant que la législation n'augmente les coûts et ne retarde le lancement des produits
The Information a publié mercredi un nouveau rapport selon lequel le témoignage d'anciens employés d'Apple et des présentations et données internes de l'entreprise ont montré qu'Apple n'a pas réussi à responsabiliser ses partenaires industriels en Chine après que le gouvernement chinois ait adopté une nouvelle loi limitant le recours aux travailleurs temporaires dans les usines. Apple était parfaitement conscient qu'à partir de 2014, ses fournisseurs violaient le droit du travail chinois, mais n'a rien fait parce qu'il ne voulait pas mettre un frein à ses lancements de produits ou augmenter les coûts.
Les employés, ainsi que les présentations internes de l'entreprise, ont suggéré que la société technologique ne faisait pas grand-chose pour empêcher ses fournisseurs d'enfreindre le droit du travail. Ils ont déclaré qu'Apple craignait que la règle n'augmente les coûts, ne retarde le lancement de ses nouveaux appareils et ne draine ses ressources. Trois des anciens employés travaillaient au sein de l'équipe d'Apple chargée de la responsabilité de l'approvisionnement, qui surveille les violations et applique les sanctions. Le quatrième ex-employé était un cadre supérieur qui connaissait bien ses opérations en Chine, selon le rapport.
La Chine a restreint le recours aux travailleurs temporaires ou "dispatch Workers" en 2013, et a introduit en 2014 une nouvelle loi du travail appelée "Provisional Regulations on Labor Dispatch", exigeant que pas plus de 10 % de la main-d'œuvre d'une usine soient des travailleurs temporaires. La loi visait en partie à améliorer les conditions de travail et la stabilité des travailleurs chinois. En effet, les travailleurs temporaires ont un emploi plus précaire et reçoivent souvent moins d'avantages. Plusieurs rapports ont montré que de nombreux travailleurs temporaires avaient été victimes de pratiques d'exploitation dans des usines technologiques.
Cela a posé un défi aux entreprises technologiques comme Apple, qui travaillent avec des fabricants comme Pegatron ou Foxconn pour rassembler un grand nombre de travailleurs afin de produire en masse des smartphones et d'autres produits dans les mois précédant leur lancement, un processus appelé "rampe". Les travailleurs ne sont alors plus nécessaires une fois le volume souhaité atteint, de sorte que « ces fournisseurs peuvent se défaire de jusqu'à deux tiers de leur main-d'œuvre lorsque la demande ralentit ».
Apple n’est pas la seule grande entreprise de la technologie qui s'appuie sur ces fabricants ou sur des fabricants similaires et sur leurs travailleurs temporaires pour lancer des produits de ce type. Mais l'article paru dans The Information suggère indirectement qu'Apple est particulièrement enclin à ce processus en raison de la nature de sa stratégie de marketing et de lancement de produits, que la société répète chaque année.
Apple et son partenaire industriel Foxconn ont confirmé en 2019 qu'ils avaient violé cette règle dans la plus grande usine d'iPhone au monde qui peut employer jusqu'à 300 000 travailleurs, après qu'un rapport de China Labor Watch ait révélé que 50 % de la main-d'œuvre de l'usine était composée de travailleurs temporaires. Mais selon le rapport de The Information, Apple était déjà au courant de cette situation depuis 2014.
Foxconn, Quanta Computer et Pegatron, les trois plus grands fabricants d'Apple, ont eu du mal à respecter la loi chinoise entre 2014 et 2018 en raison de la stratégie d'Apple pour la gestion de sa chaîne d'approvisionnement, ont révélé d'anciens employés et des présentations internes.
Dans le cadre de sa stratégie actuelle, Apple a besoin de plus d'un million de travailleurs pour assembler ses produits chaque année, souvent pour quelques mois seulement. Mais la lutte pour trouver un nombre adéquat de travailleurs à un coût qui n'obligerait pas Apple à augmenter sensiblement le prix de ses produits pour satisfaire les attentes de profits des actionnaires est importante.
« Nous rendons difficile le respect de cette loi par nos fournisseurs », selon les données internes d’Apple
Selon The Information, lorsque la nouvelle loi sur les travailleurs itinérants a été adoptée en 2014, Apple a mené une enquête auprès de 362 usines avec lesquelles elle travaillait en Chine et a conclu que près de la moitié d'entre elles n'étaient pas conformes. Elle a alors demandé à ses fournisseurs (sur lesquels elle a une influence considérable) de proposer des plans pour réduire le nombre de travailleurs temporaires afin de se conformer à la loi avant la date limite de mars 2016 fixée par les autorités gouvernementales. Mais selon le rapport, les objectifs n'ont pas été atteints.
En mars 2015, 81 des 184 principaux fournisseurs d'Apple ont dépassé le seuil de 10 %, et cette situation s'est poursuivie en 2016, 2017 et 2018, selon The Information. Apple n'est pas la seule entreprise à être confrontée à ce problème, mais l'ampleur de ses activités en fait l'un des acteurs les plus visibles et les plus influents de cette dynamique.
Apple a débattu en interne de la meilleure voie à suivre, sachant que la loi ne serait pas appliquée universellement puisque les régions locales étaient soucieuses de protéger leurs avantages économiques comparatifs. Selon les sources du rapport, la direction d'Apple semble avoir décidé de ne pousser ses partenaires fournisseurs à suivre la nouvelle loi du travail que s'il y avait des signes que l'application de celle-ci se ferait effectivement dans les régions en question. Cela signifiait essentiellement de fermer les yeux sur les violations, sauf si elles semblaient avoir des conséquences pour Apple.
Une présentation interne d'Apple en 2015, vue par The Information, a indiqué : « Notre modèle d'entreprise "surprise and delight" nécessite un énorme volume de travail pendant une courte période de temps seulement, alors que nous lançons les produits ». « Nous rendons difficile le respect de cette loi par nos fournisseurs, car 10 % de travailleurs temporaires ne suffisent tout simplement pas pour faire face aux pics de demande de main-d'œuvre dont nous avons besoin pendant nos rampes ».
Une autre présentation interne en 2016 a dit : « De nombreux sites n'ont fait aucun progrès dans la réduction de l'exposition à la loi sur le travail temporaire malgré les plans de réduction présentés en 2015 ».
Dans une déclaration faisant référence au rapport de The Information, Apple a dit qu'il travaille étroitement avec ses fournisseurs pour corriger les infractions à la loi : « Les droits sur le lieu de travail sont des droits de l'homme et notre code de conduite des fournisseurs est le plus solide du secteur, et il s'applique de la même manière à tous les acteurs de notre chaîne d'approvisionnement ».
« Il arrive que les usines aient recours à la main-d'œuvre temporaire, et nous surveillons de près cette pratique pour garantir le respect de notre code. Lorsque nous constatons des problèmes, nous travaillons en étroite collaboration avec le fournisseur sur des plans d'action correctifs », a déclaré l'entreprise.
Si le rapport dit vrai, c'est particulièrement embarrassant pour Apple, qui prétend avoir une approche responsable de sa chaîne d'approvisionnement, en s'assurant que les conditions de travail sont à la fois légales et raisonnables. En novembre 2020, Apple a annoncé qu'il avait suspendu ses activités avec son deuxième fabricant d'iPhone, Pegatron, après avoir découvert des violations du droit du travail dans le cadre d'un programme chinois d'étudiants travailleurs.
Pegatron a mal classé les étudiants, leur a permis de travailler la nuit et de faire des heures supplémentaires, et les a laissés effectuer des travaux « sans rapport avec leur spécialité » dans son usine près de Shanghai, a déclaré un porte-parole d'Apple. « Apple a mis Pegatron en probation et Pegatron ne recevra aucune nouvelle affaire d'Apple tant qu'elle n'aura pas effectué toutes les actions correctives requises », a déclaré Apple.
Mais l'article de The Information indique que le problème sous-jacent est l'approche d'Apple en matière de secret des produits. Afin de réduire au minimum le temps nécessaire aux fuites, l'entreprise souhaite que la production soit retardée jusqu'à une date aussi proche que possible de la date de lancement. Cela rend pratiquement impossible pour les fournisseurs de se conformer à la loi, disent les anciens employés - et Apple en était bien conscient. L'entreprise a également fait pression pour modifier une loi sur le travail forcé qui aurait un impact sur les entreprises américaines, a rapporté un rapport du New York Times publié en fin novembre.
Apple a pour habitude de publier régulièrement un rapport sur ses progrès en matière de conditions de travail, qui reconnaît notamment la nécessité de respecter les lois chinoises sur les travailleurs itinérants. En règle générale, l'entreprise a la réputation d'être plus ouverte et plus transparente que certains de ses concurrents sur ce sujet et sur les problèmes connexes, mais cette nouvelle histoire dans The Information soutient avec force que, sur la base de ces témoignages d'employés, Apple n'en fait toujours pas assez ou n'est pas suffisamment ouvert.
Apple a tenté d'élargir son réservoir de travailleurs et de partenaires de fabrication pour inclure des installations en Inde et dans d'autres pays. Mais le Wall Street Journal et d'autres ont noté que l'infrastructure et l'échelle nécessaires n'existent tout simplement pas encore en dehors de la Chine - et pour l'instant, il semble qu'il soit difficile d'atteindre cette échelle, même là-bas.
Source : The Information
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Quels changements Apple pourrait-elle apporter à sa chaîne d’approvisionnement pour remédier au problème, selon vous ?
Voir aussi :
Apple suspend un fournisseur pour avoir utilisé le travail illégal d'étudiants en Chine, en violation du code de conduite des fournisseurs du fabricant d'iPhone
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