Le principe d'une solution chiffrée de bout en bout induit que l'éditeur, le fabricant ou l'opérateur ne possède pas les clefs cryptographiques permettant de recouvrer le contenu en clair. Ces secrets de session ne sont détenus que par les participants à la communication pendant l'exécution de celle-ci. Les participants établissent un canal sécurisé dédié lors de l'établissement de la communication sans l'aide d'un tiers en utilisant les propriétés des algorithmes cryptographiques asymétriques à clef publique (comme l'accord de clef comme Diffie-Hellman). Dans ce cas une réquisition judiciaire ne sert à rien. Personne n'est en mesure de fournir le moyen de déchiffrement.
Changer le modèle de protection de bout en bout induit de modifier les services de sécurité applicatives qui n'apporteront alors plus aucune protection à quiconque...
Veulent-ils aussi inclure dans ces demandes de backdoor les sessions TLS de paiement en ligne (c'est aussi un chiffrement de bout en bout entre le navigateur et le prestataire de paiement) ?
En cas de vote d'une loi contre le chiffrement de bout en bout, la nature ayant horreur du vide, des services alternatifs verront le jour pour remplacer les grandes applications de messagerie instantanée backdorée ! Avec IPv6 l'atteinte d'un objectif avec des applications open source mis en oeuvre par l'utilisateur est à portée de main. Cela va plutôt multiplier les solutions alternatives autour de modèles décentralisés et particuliers. Un modèle décentralisé peer to peer comme PGP.
Les services d'interception existants sont ceux de la téléphonie cellulaire ou fixe dont les communication sont transportées par un opérateur télécom. Ce dernier est d'ailleurs tenu de répondre aux réquisitions judiciaires comme c'est aussi le cas pour un fournisseur de mails, VPN et même de VoIP (SIP utilise un acheminement de proche en proche, pas de bout en bout). D'ailleurs, comment vont-ils procéder avec les réseaux mixnet ? Une loi "liberticide" rendra la situation plus complexe pour ceux qui veulent tout contrôler.
Les criminels ou les terroristes utilisent des services spécifiques non publiques comme Encrochat ou ses concurrents. Ainsi, introduire une backdoor sur un service grand public n’affaiblit que la population, pas les criminels ou les terroristes qui vivent dans l'illégalité... Le contrôle de la vente des armes n'a jamais empêché un criminel ou un terroriste d'être armé.
Il existe maintenant des voies légales pour les services de police sur instruction judiciaire pour déployer des spywares sur des équipements d'un prévenu (circulaire sur la procédure de captation informatique). Dans ce cas, les communications peuvent être captées à l'entrée ou la sortie d'un canal sécurisé.
Les moyens techniques et légaux existent déjà pour les affaires de droit commun, la grande criminalité ou le terrorisme. Les politiques, la justice et les forces de police devraient s'y tenir. Sur le fond, le discours politique des tenants du tout contrôle n'est qu’incompréhension et incompétence en matière d'état de l'art en cryptographie. Alors, adopter une loi liberticide verra une diffusion alternative de moyens de communication sécurisée. En y associant un peu de stéganographie, les prétendants au tout contrôle contrôleront encore moins les communications, notamment les services de renseignement qui devront redoubler d'effort face à une multitude de solutions sur le terrain.
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