Dans l’émotion, il est (très) légitime de vouloir qualifier le pire de pire et dans ce contexte, exhorter à qualifier justement le « terrorisme » s’entend. Cependant, l’émotion ne doit pas conduire à ignorer qu’insister sur la qualification de crime de guerre est une position diplomatique induisant la possibilité d’une discussion ultérieure – même si elle paraît inconcevable. Insister sur le crime de guerre est une manière, sans doute peu entendable et certainement discutable, de mettre les deux parties sur un pied d’égalité juridique, en tenant compte du contexte de violation continue du droit international, y compris humanitaire, par Israël depuis des années en Palestine. Insister sur le crime de guerre, c’est aussi bien sûr pour certains acteurs politiques se positionner, conformément à leur ligne politique historique s’agissant de LFI, contre la position commune de l’Union européenne, selon laquelle le Hamas-Izz al-Din al-Qassem est une organisation terroriste. En revanche, insister sur la qualification de « crime de guerre » qui figure parmi les crimes de droit international les plus graves unanimement reconnus sur cette planète et inclut les actes de barbarie commis contre des civils, ce n’est certainement pas minimiser l’horreur qui s’est produite en Israël. Il ne s’agit que d’un discours de droit international, sans doute froid et objectif, qui doit être discuté et le cas échéant contesté comme tel.
Au-delà de l’épouvante indiscutable et de l’émotion, le manque de prise de hauteur des dirigeants politiques et de nombreux médias est frappant. Ceux-ci devraient amener à la réflexion, apporter de l’analyse et du contexte historique, et surtout refuser les discours simplistes conduisant à contraindre les uns et les autres à affirmer, à tort, que telle qualification est la seule pertinente. Ils ont ici une responsabilité historique : celle de lutter contre la « twitterisation » du débat public, qui réduit la complexité de toute analyse à quelques mots visant à faire exister médiatiquement leur auteur. Celle, aussi, de faire en sorte que les universitaires experts de ces sujets ne craignent pas de prendre la parole pour apporter une analyse académique, de peur d’être accusés de soutenir telle ou telle cause extrémiste par leur simple refus de simplifier à outrance des questions éminemment complexes. À l’heure où la France pleure de nouveau l’un de ses enseignants sauvagement assassiné dans l’exercice de ses nobles fonctions, il est plus que jamais fondamental d’ériger collectivement le recul et l’analyse en fondements de l’action politique, bien au-delà des bancs des facultés de droit…
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