La Chine propose un contrôle strict des algorithmes en vue de réglementer davantage les services Internet,
Le pays veut interdire les algorithmes qui créent la dépendance chez les utilisateurs
La Chine poursuit ses efforts visant à établir des réglementations plus strictes pour les services et les plateformes Internet. Dans un projet de directives en 30 points publié vendredi, l'Administration chinoise du cyberespace (CAC - Cyberspace Administration of China) a introduit des règles interdisant aux entreprises de déployer des algorithmes qui "encouragent la dépendance ou la consommation élevée et mettent en danger la sécurité nationale ou perturbent l'ordre public". Le pays revendique une autorité sur des services Internet que des gouvernements comme celui des États-Unis ont eu du mal à réglementer.
La Chine, ou le Parti communiste chinois (PCC), est connu pour son envie de contrôler et de filtrer toutes les données transitant par le cyberespace national, comme en témoignent les projets tels que le grand pare-feu de Chine. Au cours de ces 18 derniers mois, le pays s'est attaqué aux entreprises technologiques pour comportement monopolistique présumé et non-respect de la réglementation. Désormais, les régulateurs chinois cherchent à mettre en œuvre des règles de grande portée concernant les algorithmes utilisés par les entreprises technologiques pour recommander des vidéos et d'autres contenus.
Ainsi, l'Administration chinoise du cyberespace a dévoilé vendredi un projet de proposition en 30 points pour une "réglementation de la gestion des recommandations d'algorithmes" qui affecterait directement des entreprises telles que ByteDance Ltd, Tencent Holdings Ltd et Kuaishou Technology. Ces règles interdiraient les pratiques qui "encouragent la dépendance ou la forte consommation", ainsi que toute activité mettant en danger la sécurité nationale ou perturbant l'ordre social et économique. Selon certains spécialistes, ces nouvelles règles pourraient finalement permettre de lutter contre le doomscrolling.
Le doomscrolling est le fait de défiler sans réfléchir des articles d'actualité, des messages sur les médias sociaux ou d'autres plateformes de partage de contenu. Ces contenus sont la plupart du temps à prédominance négative. Essentiellement, il s'agit de lire une histoire négative après l'autre. Une étude canadienne a même appelé ce phénomène "panique des médias sociaux". Bien que l'on puisse penser que l'année 2020 et tous ses obstacles (la pandémie du Covid-19, les tensions politiques et l'injustice sociale, etc.) ont inspiré le terme "doomscrolling", l'on estime qu'il est probablement apparu sur Twitter en 2018.
Il est devenu un terme culturel depuis lors. Pour en revenir aux nouvelles règles proposées par la CAC, elles stipulent que les services Internet doivent respecter l'éthique commerciale et les principes d'équité, et leurs algorithmes ne doivent pas être utilisés pour créer de faux comptes d'utilisateurs ou d'autres impressions erronées. Il faut noter que la CAC, l'organisme de surveillance de l'Internet chinois, rend compte à un groupe de dirigeants centraux présidé par le président Xi Jinping. Le chien de garde a indiqué qu'il recueillerait les commentaires du public sur ces nouvelles directives pendant un mois (jusqu'au 26 septembre).
Les lignes directrices proposent aussi que les utilisateurs aient la possibilité de désactiver facilement les recommandations des algorithmes. En outre, il est indiqué que les fournisseurs d'algorithmes qui ont le pouvoir d'influencer l'opinion publique ou de mobiliser les citoyens doivent obtenir une approbation de la CAC. La proposition de vendredi intervient à un moment où Pékin cible de plus en plus les entreprises technologiques pour la manière dont elles ont traité les données des consommateurs et les positions monopolistiques qu'elles ont prises dans la nation. Ces entreprises ont vu leur influence considérablement diminuée.
Au début de l'année, l'Association chinoise des consommateurs, soutenue par Pékin, a déclaré que les sociétés Internet locales avaient "intimidé" les utilisateurs pour qu'ils effectuent des achats et des promotions, et porté atteinte à leur droit à la vie privée. Les récentes mesures prises par Pékin en matière de sécurité des données et le renforcement des réglementations relatives aux services de tutorat ont effrayé les investisseurs et fait perdre des centaines de milliards de dollars. Les nouvelles directives proposées vendredi semblent viser ByteDance, Alibaba Group, Tencent et Didi, et d'autres entreprises de médias sociaux.
La raison pour laquelle ces entreprises seront immédiatement touchées par ces directives est que leurs services sont construits à partir d'algorithmes propriétaires. Les actions d'Alibaba et de Tencent ont légèrement baissé à la suite de l'annonce. Par ailleurs, ces dernières années, plusieurs gouvernements, dont ceux des États-Unis et de l'Inde, ont tenté - avec peu ou pas de succès - de bien comprendre le fonctionnement ces algorithmes et de mettre en place des contrôles pour éviter les abus. Si le gouvernement américain n'a pas réussi à imposer des changements, les autorités de réglementation de Pékin ont un pouvoir considérable. Voici quelques-unes des principales propositions de réglementation :
- les entreprises doivent divulguer les principes de base de tout service de recommandation par algorithme, en expliquant l'objectif et les mécanismes des recommandations de manière "ostensible" ;
- elles doivent proposer aux utilisateurs des options pratiques pour désactiver les recommandations algorithmiques et donner suite "immédiatement" à toute demande de désinscription ;
- les algorithmes ne doivent pas être utilisés pour une discrimination par les prix fondée sur les préférences et les habitudes des utilisateurs ;
- les fournisseurs doivent évaluer et tester régulièrement leurs algorithmes et leurs données afin d'éviter les modèles qui induiront chez les utilisateurs des comportements obsessionnels, des dépenses excessives ou d'autres comportements contraires à l'ordre public et à la morale ;
- ils doivent adhérer aux "valeurs dominantes" et "diffuser activement une énergie positive, et promouvoir l'application des algorithmes pour le mieux" ;
- les algorithmes ne peuvent pas être utilisés pour créer de faux comptes ou influencer faussement les classements et les résultats de recherche au profit du fournisseur, influencer le discours en ligne ou éviter la surveillance réglementaire ;
- les algorithmes ne peuvent pas mettre en danger la sécurité nationale, perturber l'ordre économique et social ou porter atteinte aux droits et intérêts légitimes d'autrui ;
- les fournisseurs d'algorithmes qui peuvent influencer l'opinion publique ou mobiliser les masses doivent soumettre leurs services à l'approbation du CAC. Ceux qui n'obtiennent pas cette autorisation s'exposent à une amende pouvant aller jusqu'à 30 000 yuans et à l'obligation de mettre fin à leurs services.
Source : Site Web de la CAC (Cyberspace Administration of China)
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