L'empreinte carbone de l'informatique mondiale est plus importante que les estimations précédentes
elle génère plus de gaz à effet de serre que l'industrie aéronautique
Une équipe de chercheurs de l'université de Lancaster, au Royaume-Uni, et de Small World Consulting Ltd, une société de conseil en développement durable, a estimé que l'informatique mondiale - comportant les téléphones, ordinateurs, télévisions et autres centres de données - génère entre 2,1 et 3,9 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), contre 2,5 % pour l'aviation civile. Les chercheurs estiment qu'au regard de la façon dont le monde est de plus en plus connecté, ces émissions continueront d'augmenter de manière significative si aucune mesure n'est prise.
Même si des études ont révélé au cours de ces dernières années le potentiel des TIC (Technologies de l'information et de la communication) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), le secteur est d'abord lui-même un grand émetteur de GES. Tout comme les secteurs de l'énergie, du bâtiment et des transports, il est reconnu depuis plus d'une décennie que les TIC émettent une quantité importante des GES sur le plan mondial, mais cette part aurait été mal évaluée par le passé. Les scientifiques ont précédemment estimé que la part des TIC dans les émissions de gaz à effet de serre se situait entre 1,8 et 2,8 %.
Mais les derniers résultats suggèrent que l'informatique mondiale est plus probablement responsable de 2,1 à 3,9 % des émissions de gaz à effet de serre. Lorsque les chercheurs de l'université de Lancaster ont analysé les tentatives antérieures de calcul de l'empreinte carbone des TIC, ils ont constaté que les scientifiques n'avaient pas tenu compte de l'ensemble du cycle de vie et de la chaîne d'approvisionnement des produits et des infrastructures des TIC. Cela inclut, par exemple, les émissions lors de la fabrication des produits et des équipements des TIC ; le coût du carbone associé à tous leurs composants, etc.
Il cite également l'empreinte carbone opérationnelle des entreprises qui les fabriquent ; l'énergie consommée lors de l'utilisation des équipements ; et leur élimination une fois qu'ils ont rempli leur fonction. Même si les scientifiques situent désormais la part réelle des TIC dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre entre 2,1 et 3,9 %, ils soulignent que ces calculs comportent encore des incertitudes importantes. Et bien qu'il soit difficile de faire des comparaisons, ces chiffres suggèrent que les TIC produisent des émissions supérieures à celles du secteur de l'aviation, qui représentent environ 2 % des émissions mondiales.
En outre, l'étude met en garde contre les nouvelles tendances en matière d'informatique et de TIC, telles que le Big Data et l'IA, l'Internet des objets (IdO), ainsi que la blockchain et les cryptomonnaies, qui risquent d'entraîner une nouvelle augmentation substantielle de l'empreinte des TIC en matière de gaz à effet de serre. Dans le rapport intitulé "The real climate and transformative impact of ICT : A critique of estimates, trends and regulations" publié au début du mois par la revue Patterns, les chercheurs ont examiné deux questions centrales - la propre empreinte carbone des TIC, ainsi que l'impact des TIC sur le reste de l'économie.
En effet, il a souvent été dit, et intégré dans les calculs politiques, que les TIC et les technologies informatiques devraient entraîner une plus grande efficacité dans de nombreux autres secteurs, ce qui se traduira par une réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre. Mais les chercheurs ne sont pas de cet avis. Ils affirment dans le rapport que les données historiques prouvent le contraire. « Au fil des ans, l'efficacité des TIC s'est accrue et leur empreinte a pris une part plus importante dans les émissions mondiales. En outre, les TIC ont permis d'améliorer considérablement l'efficacité et la productivité », ont déclaré les chercheurs.
« Cependant, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont augmenté inexorablement malgré tout », ont-ils ajouté. Selon eux, cela pourrait être dû en partie à ce que l'on appelle les "effets de rebond", lorsque les gains d'efficacité entraînent une augmentation de la demande. Le professeur Mike Berners-Lee Small World Consulting a déclaré : « Nous savons que les TIC jouent un rôle sans cesse croissant dans la société et qu'elles apportent des gains d'efficacité dans presque tous les domaines de l'économie mondiale. Mais leur relation avec la réduction des émissions de carbone n'est peut-être pas aussi simple que beaucoup le pensent ».
Il a déclaré que les travaux de l'équipe tentent d'apporter un peu plus de lumière sur cette question importante. Pour atteindre le zéro net d'ici à 2050 - un objectif que la planète doit atteindre pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C - les chercheurs proposent les approches de solution suivantes :
- une coordination sans précédent entre le secteur des TIC et les décideurs politiques est nécessaire pour formuler un plan permettant d'atteindre l'objectif "zéro émission nette" d'ici à 2050 ;
- les organisations du secteur des TIC doivent se doter d'objectifs zéro nets juridiquement contraignants, qui couvrent également les émissions de leur chaîne d'approvisionnement ;
- compte tenu des demandes concurrentes en matière de TIC, telles que les communications sur le lieu de travail, les loisirs, l'IdO, l'IA et l'extraction de bitcoins, les sociétés devront peut-être envisager de privilégier certaines utilisations des TIC par rapport à d'autres afin d'éviter une demande de données excessive ;
- il est nécessaire de détailler clairement, secteur par secteur, les économies d'émissions que les TIC sont censées permettre, en s'appuyant sur des preuves transparentes qui incluent toutes les émissions connexes.
Les chercheurs reconnaissent que plusieurs géants mondiaux de la technologie ont fait des déclarations sur la réduction de leur empreinte climatique, mais ils affirment que nombre de ces promesses ne sont pas assez ambitieuses et que l'autorégulation du secteur pourrait ne pas suffire à entraîner les réductions d'émissions nécessaires pour atteindre le zéro net d'ici 2050. Les chercheurs affirment que l'introduction de limites mondiales pour le carbone éliminerait les préoccupations relatives aux "effets de rebond", de sorte que les gains d'efficacité liés aux TIC pourraient être réalisés sans coûts supplémentaires liés au carbone.
Ils mettent également en garde contre une dépendance excessive à l'égard des énergies renouvelables dans les calculs relatifs aux futures émissions de gaz à effet de serre des TIC, en raison de l'approvisionnement limité en produits de base essentiels, tels que l'argent, qui est nécessaire pour fabriquer des panneaux solaires. Le Dr Kelly Widdicks, coauteur de l'étude, a déclaré : « Le secteur des TIC doit faire beaucoup plus pour comprendre et atténuer son empreinte, au-delà de la transition vers les énergies renouvelables et des objectifs volontaires de réduction des émissions de carbone ».
« Nous avons besoin d'une base de données complète sur l'impact environnemental des TIC, et de mécanismes permettant de garantir une conception responsable des technologies, conforme à l'accord de Paris ». Le prochain projet de l'équipe de chercheurs, PARIS-DE, étudiera les mécanismes nécessaires pour garantir que les technologies numériques sont conçues de manière à être conformes aux objectifs de réduction des émissions de carbone définis dans l'accord de Paris sur le climat.
Source : Rapport de l'étude
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