Google manipule les extensions de navigateur pour étouffer ses concurrents
selon le PDG de DuckDuckGo
Google fait déjà face à plusieurs accusations qui allèguent que le géant de Mountain View exerce un monopole sur la recherche et la publicité en ligne, mais le PDG de DuckDuckGo, Gabriel Weinberg, vient de rajouter un nouveau blâme à la liste. Ce dernier affirme que Google abuse des extensions de navigateur pour favoriser ses produits et étouffer ses concurrents. Google afficherait des notifications trompeuses aux utilisateurs afin de les inciter à désactiver les extensions de navigateur de son rival et pour les dissuader de changer de moteur de recherche par défaut sur son navigateur Web, Chrome.
Google utiliserait des "dark patterns" pour nuire à ses rivaux
DuckDuckGo est un moteur de recherche qui vise à préserver la vie privée de ses utilisateurs et à leur éviter la bulle de filtres. Lancé en 2008, il se positionne comme un concurrent direct du moteur de recherche de Google. Son slogan est : « Google vous piste, pas nous ». DuckDuckGo est devenu très populaire ces dernières années et a déclaré en janvier 2021 avoir franchi la barre des 100 millions de requêtes par jour. À titre de comparaison, en 2020, DuckDuckGo a affiché une moyenne de 51,9 millions de recherches journalières et 1,6 milliard de recherches sur tout le mois. Son modèle économique repose sur l'affichage de publicité et l'affiliation.
Même si certains rapports estiment que DuckDuckGo s'adonne également au profilage de ses utilisateurs, le moteur de recherche ne manque pas une occasion d'étaler les comportements prétendument antitrust de son plus grand rival. Mardi, le PDG de DuckDuckGo, Gabriel Weinberg, a déclaré que Google déploie depuis des années des fonctionnalités de conception manipulatrices ("dark patterns"), pour inciter les utilisateurs à abandonner les produits concurrents. Google s'en servirait pour inciter les utilisateurs à désactiver les extensions de navigateur proposées par DuckDuckGo et pour les dissuader de changer le moteur de recherche par défaut sur Chrome.
Mais encore, Weinberg a déclaré qu'en août 2020, Google a modifié les invites pour inciter plus ouvertement les utilisateurs à ne pas changer le moteur de recherche par défaut de Chrome. Weinberg explique que ces modifications consistent notamment à demander aux utilisateurs de répondre s'ils préfèrent "revenir à la recherche Google" après avoir ajouté l'extension DuckDuckGo et à afficher un bouton plus grand et mis en évidence lorsqu'ils ont la possibilité de "revenir à la recherche Google" ou non. Selon le PDG, ces modifications, bien que subtiles, ont eu un impact majeur. Elles auraient entraîné une baisse significative (10 %) du nombre de nouveaux utilisateurs.
C'est la première fois que l'entreprise s'exprime publiquement sur l'impact de cette pratique sur son activité, notamment sur les millions de revenus potentiels perdus depuis que Google a modifié ses invites en 2020. « Pour des moteurs de recherche comme le nôtre, qui essaient de permettre activement aux consommateurs de changer de fournisseur [ou de choisir une alternative], ils rendent la tâche déraisonnablement compliquée et sèment la confusion chez les consommateurs », a déclaré Weinberg à propos de Google. Cependant, une porte-parole de Google, Julie Tarallo McAlister, a réfuté les allégations du PDG de DuckDuckGo.
Elle a déclaré que les utilisateurs de Chrome "peuvent modifier directement leurs paramètres de recherche par défaut à tout moment, mais qu'ils se plaignent souvent lorsqu'ils téléchargent une extension qui modifie inopinément ces paramètres à leur insu". Elle a ajouté : « ce problème est bien documenté depuis longtemps et c'est pourquoi nous avons depuis longtemps des exigences de divulgation claires pour les extensions et montrons aux utilisateurs une notification si une extension tente de modifier leurs paramètres de recherche - comme un moyen de confirmer leur intention ». Weinberg pense toutefois que cela nuit aux concurrents.
L'étau se resserre autour de Google aux États-Unis et dans l'UE
Ce nouveau fait ajoute un nouvel élément au débat antitrust aux enjeux considérables et donne de l'élan aux appels à une nouvelle réglementation. McAlister a déclaré que la notification apparaît, "quel que soit le fournisseur de recherche choisi par l'utilisateur" et que certains autres navigateurs ont "des politiques similaires". De son côté, Weinberg a déclaré qu'il espérait qu'en dénonçant cette tactique, il renforcerait les appels en faveur de la législation antitrust bipartisane, actuellement à l'étude au Capitole, visant à interdire aux grandes plateformes de donner la priorité à leurs propres produits et de désavantager leurs rivaux.
Ces propositions ne sont que quelques-unes des nombreux projets de loi visant ce que les législateurs américains considèrent comme des abus anticoncurrentiels de la part de sociétés comme Google. Mais ces projets de loi, menés par la sénatrice Amy Klobuchar (D-Minn) et le représentant David Cicilline (D-R.I.), bénéficient d'un large soutien des démocrates et des républicains, ce qui en fait l'un des plus menaçants pour les géants de la Silicon Valley. Ils sont considérés comme des précurseurs d'un mouvement antitrust plus large. Des rapports ont révélé l'année dernière que ces sociétés militent pour faire échouer ces projets de loi.
De plus, Weinberg a déclaré que la baisse de la fidélisation des utilisateurs via leur extension sur Chrome, qui n'avait pas été signalée auparavant, est l'une des preuves les plus "directes" qu'ils ont vues de la façon dont les pratiques de Google ont nui à leur activité. « Je pense que cela aide vraiment à rendre les choses concrètes et à montrer des exemples très précis de ce qui se passe », a-t-il déclaré. Cette conclusion pourrait également servir d'aliment pour les autorités fédérales et des États qui poursuivent leurs poursuites antitrust contre le géant de la technologie. Google est déjà embourbé dans de nombreux procès antitrust.
En octobre 2020, le ministère américain de la Justice a intenté un procès gargantuesque au géant de la recherche, alléguant que Google a violé plusieurs lois antitrust fédérales par ses pratiques de recherche. En décembre de la même année, une quarantaine de procureurs généraux d'État ont fait de même en déposant une plainte antitrust distincte contre le géant technologique. Google a contesté les allégations selon lesquelles il étouffe la concurrence. Weinberg a déclaré que DuckDuckGo avait informé les décideurs politiques à Washington et les régulateurs de ses préoccupations concernant les pratiques du moteur de recherche de Google.
« Plusieurs personnes nous ont contactés au fil du temps, et nous sommes réceptifs. Nous avons été en contact avec le DOJ et nous essayons de l'aider, ainsi que les États, à fournir toute information utile », a-t-il déclaré. Toutefois, ces combats juridiques risquent de s'étaler sur plusieurs années, ce qui, selon Weinberg, rend encore plus pressante la nécessité pour le Congrès d'agir et d'adopter de nouvelles lois. « Nous avons absolument besoin d'un élan en faveur d'une véritable législation », a-t-il déclaré. Mais Google ne fait pas face à des poursuites seulement aux États-Unis, il mène également des batailles antitrust dans l'Union européenne.
En janvier 2021, la Commission européenne a ouvert une procédure d'examen contre Google en ce qui concerne ses pratiques de collecte de données et de publicité. L'Union européenne avance également deux propositions majeures, la loi sur les services numériques et la loi sur les marchés numériques, qui visent à limiter les abus présumés des plateformes technologiques géantes. Mais ce n'est pas tout ce que DuckDuckGo a en vue.
« Les deux autres pays sur lesquels nous nous concentrons sont l'Australie et le [Royaume-Uni] », a déclaré Weinberg. Ce ne sont là que deux autres régions où Google et d'autres géants de la technologie sont confrontés à des efforts croissants pour revoir la réglementation de leur secteur.
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