L'Allemagne n'exclut pas la fermeture du service de messagerie populaire Telegram sur son territoire,
en raison de préoccupations concernant son utilisation comme plateforme pour les groupes extrémistes
L'Allemagne pourrait fermer Telegram si le service de messagerie populaire auprès des groupes d'extrême droite et des personnes opposées aux restrictions liées à la pandémie continue de violer la loi allemande, a déclaré la ministre de l'Intérieur Nancy Faeser dans des remarques publiées mercredi. « Nous ne pouvons pas exclure cela », a-t-elle déclaré à l'hebdomadaire Die Zeit. « Une fermeture serait grave et clairement un dernier recours. Toutes les autres options doivent d'abord être épuisées ». Elle a ajouté que l'Allemagne discutait avec ses partenaires de l'Union européenne de la manière de réglementer Telegram.
L'Allemagne a évoqué la possibilité de fermer le service de messagerie Telegram.
Telegram a connu un pic d'adoption massif en janvier 2021. La raison ? WhatsApp a indiqué à ses utilisateurs la mise en application prochaine de sa politique de confidentialité qui permettait à sa société mère Facebook d'accéder aux données des utilisateurs de l'application de messagerie. À l'origine, la mise à jour devait être acceptée par tous les utilisateurs avant le 8 février. Cependant, suite aux critiques massives des utilisateurs, WhatsApp a décidé d'abandonner cette date limite, bien que la politique mise à jour soit toujours en place et que les utilisateurs qui ne l'acceptent pas soient confrontés à des fonctionnalités limitées sur l'application. La nouvelle date limite a ensuite été repoussée au 15 mai. Au cours des quatre premiers mois de 2021, les installations de Telegram ont bondi de 98 % par rapport à l'année précédente pour dépasser 161 millions.
Telegram propose des moyens simples d'utiliser un service de chat chiffré, avec des messages protégés contre les attaques de types Man-in-the-middle grâce au chiffrement de bout en bout (bien qu'il ne soit pas activé par défaut) lorsqu'ils sont envoyés entre les utilisateurs. Telegram a même introduit une version 2.0 de Voice Chats inspirée de Clubhouse, entre autres fonctionnalités notables pour les utilisateurs d'Android et d'iOS.
Mais ces mêmes caractéristiques se sont avérées controversées, car elles ont permis aux criminels et à d'autres groupes de s'organiser loin de l'espionnage des forces de l'ordre. En Allemagne, la plateforme est considérée comme une source de théories du complot et de discours de haine, d'autant plus que le pays est aux prises avec la pandémie de covid. Il est considéré comme une plateforme majeure pour les militants anti confinement.
L'option d'une porte dérobée a été écartée. En effet selon Jens Zimmermann, les négociations de la coalition allemande avaient indiqué « assez clairement » que le nouveau gouvernement des sociaux-démocrates (SPD), des Verts et du parti libéral-démocrate (en allemand : Freie Demokratische Partei, abrégé en FDP) favorable aux entreprises rejetterait « l'affaiblissement du chiffrement, qui est tenté sous l'apparence de la lutte contre la maltraitance des enfants » par les partenaires de la coalition.
De telles réglementations, qui sont déjà inscrites dans la solution provisoire du règlement ePrivacy, par exemple, « contredisent diamétralement le caractère de l'accord de coalition », car un chiffrement sécurisé de bout en bout y est garanti, a déclaré Zimmermann. L'introduction de portes dérobées saperait cet objectif de l'accord de coalition, a-t-il ajouté.
« Ce qui est parfois proposé dans le règlement ePrivacy va bien au-delà de ce que nous envisageons en termes de gestion des vulnérabilités », a déclaré Zimmermann, ajoutant que la mise en œuvre « signifierait la création active de vulnérabilités ».
Les rapports entre Telegram et d'autres pays
L'Allemagne n'est pas la seule à rechercher potentiellement à contrôler Telegram. Des interdictions et des réglementations existent dans divers pays comme la Chine, l'Inde ou la Russie. Ces gouvernements signalent souvent que des contenus criminels et problématiques sont diffusés sur la plateforme pour justifier les blocages.
Néanmoins, deux ans après l’imposition d’une interdiction d’accès à Telegram en Russie, les utilisateurs utilisent le service chiffré de messagerie « avec plus de confort ». Selon l’agence de presse Reuters, la Russie a levé en juin 2020 l'interdiction de l'application de messagerie qui n'avait pas permis d'arrêter le fonctionnement de ce programme largement utilisé par les Russes. Roskomnadzor a déclaré que la société avait montré sa « volonté » de contribuer aux efforts de lutte contre le terrorisme.
« Roskomnadzor abandonne ses demandes de restriction d'accès à la messagerie Telegram en accord avec le bureau du procureur général de Russie », a-t-il déclaré dans un communiqué. Roskomnadzor est le service fédéral de supervision des communications, des technologies de l'information et des médias de masse, y compris la technologie de l'information et les télécommunications.
Selon Reuters, certains médias locaux ont considéré cette décision des autorités comme une capitulation, mais l’organe responsable des communications a déclaré qu'il avait agi parce que le fondateur russe de l'application, l’entrepreneur Pavel Durov, était prêt à coopérer pour lutter contre le terrorisme et l'extrémisme sur la plateforme.
L’interdiction est intervenue en 2018, alors que Durov a été en désaccord avec les autorités russes sur les questions de confidentialité des utilisateurs, Roskomnadzor exigeant que Telegram remette certaines informations pour qu'elles soient incluses dans une liste gouvernementale de distributeurs d'informations.
Un tribunal russe a bloqué l'application en avril, suite à une plainte déposée contre Telegram à l’époque par l'organe de régulation des télécommunications après que le service de messagerie a refusé de partager ses clés de chiffrement - un moyen d'accéder aux données des utilisateurs - avec Roskomnadzor. Deux jours avant la décision d’interdiction d’accès du tribunal, Amnesty International avait déclaré :
« En tentant de bloquer l'application de messagerie Telegram, les autorités russes lancent à nouveau une salve d'attaques contre la liberté d'expression en ligne dans le pays », avait déclaré l’organisation. « Ces dernières années, les autorités russes ont régulièrement ciblé les quelques espaces restants du pays pour la liberté d'expression. Ils ont bloqué les sites d'information qui les critiquent, imposé des règles de stockage de données draconiennes et déclaré les médias enregistrés en dehors de la Russie comme des “agents étrangers” ».
« Maintenant, ils ciblent l'une des applications de messagerie les plus populaires en Russie simplement parce qu’elle a eu le courage et l'intégrité de respecter la vie privée de ses utilisateurs. Le tribunal qui se prononcera demain sur cette affaire devra également faire preuve de respect pour la liberté d'expression et ne pas se plier aux exigences répressives du gouvernement », avait-elle ajouté. Mais cela n’a pas empêché l’interdiction.
La loi russe s’étant largement durcie sur la cybersécurité au cours des dernières années, il fut demandé à Telegram plusieurs efforts, dont le code source de sa partie serveur, la construction de serveurs au sein des frontières pour y stocker les données des utilisateurs russes ainsi que les clés de chiffrement.
Un tribunal a ordonné le blocage de Telegram en Russie, se rangeant du côté des autorités qui exigeaient que l'application soit maintenue hors du pays jusqu'à ce qu'elle remette les clés de son chiffrement de données. Les autorités ont allégué que Telegram, a été utilisé par des extrémistes. Son refus de donner accès aux clés de chiffrement est contraire aux lois antiterroristes russes, qui exigent que les services de messagerie donnent aux autorités la possibilité de déchiffrer des messages. À l’époque, la société a refusé de remettre les clés de chiffrement, arguant que cela violerait le droit des utilisateurs à la vie privée et n'aiderait pas à éliminer les terroristes : « la vie privée n'est pas à vendre, et les droits de l'homme ne doivent pas être compromis par peur ou par cupidité ».
Sous l’ordre des autorités, les fournisseurs d'accès Internet (FAI) ont bloqué environ 16 millions d'adresses IP sur les plateformes Amazon et Google, sous prétexte que certains utilisateurs utilisaient des VPN et des proxys pour contourner le blocage de l'application de messagerie dans le pays. Ce blocage a affecté les entreprises russes qui utilisaient ces services bloqués. La Russie a également bloqué les anonymiseurs Internet et les services VPN que Telegram a pu utiliser pour cacher le trafic, selon The Independent. Après le bannissement par la Russie, Apple a privé les utilisateurs mondiaux de l'application de messagerie chiffrée de mises à jour sur iOS.
À partir d’août 2018, Roskomnadzor et l’agence de sécurité nationale, le FSB, ont lancé des tests de systèmes conçus pour permettre un blocage plus précis des services individuels, selon le compte rendu d’une réunion entre responsables pour discuter du plan rapporté par Reuters. Ces systèmes utilisaient une technologie appelée Deep Packet Inspection. La technologie fonctionnait de manière plus chirurgicale, en analysant le trafic Internet, en identifiant les flux de données d'un service particulier et en les bloquant. Cependant, elle bloquait involontairement, comme les premiers systèmes utilisés, les services autres que ceux ciblés.
Source : Die Zeit
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Que pensez-vous des tentatives des gouvernements de contrôler les applications disposant d'un chiffrement de bout en bout au nom de divers crimes (terrorisme, pédopornographie, etc.) ?
Voir aussi :
Le nouveau gouvernement allemand promet de prendre en charge le chiffrement de bout en bout et de rejeter les portes dérobées
Signal et Telegram ont vu leur utilisation augmenter de 1200 %, avant la mise en œuvre de la politique de confidentialité controversée de WhatsApp
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