Des démocrates américains demandent à Google de limiter la géolocalisation avant l'abrogation de l'arrêt autorisant l'avortement aux États-Unis
dans une lettre à Sundar Pichai, PDG de Google

Plus de 40 membres du Congrès américain ont adressé mardi une lettre à Sundar Pichai, PDG de Google, demandant à l'entreprise de restreindre la collecte des données de localisation aux États-Unis, en prévention à l'annulation de l'arrêt Roe. Ils exhortent Google à cesser de collecter et de conserver des données de localisation "inutiles" ou "non agrégées" qui pourraient être utilisées pour identifier et poursuivre les personnes ayant subi un avortement. La lettre d'hier fait suite à une lettre distincte des démocrates exhortant la FTC à protéger la confidentialité des données des consommateurs à la lumière de la décision anticipée.

L'arrêt Roe (plus précisément l'arrêt Roe v. Wade) est un arrêt historique rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973 sur la question de la constitutionnalité des lois qui criminalisent ou restreignent l'accès à l'avortement. La perspective de son abrogation a suscité des craintes quant à l'utilisation des données de localisation ou des historiques de recherche contre les personnes cherchant à se faire avorter ou celles qui le font dans les États où l'accès à l'avortement est illégal. La Cour Suprême des États-Unis n'a pas encore rendu sa décision finale, mais le président de la Cour aurait confirmé que le projet était authentique.

La demande a été formulée dans une lettre envoyée mardi au PDG de Google, Sundar Pichai, par des membres de la Chambre et du Sénat, dirigés par le sénateur Ron Wyden (D-OR) et comprenant des représentants progressistes bien connus comme Ayanna Pressley, Elizabeth Warren, Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez. On peut lire dans la lettre des démocrates : « nous pensons que l'avortement est un soin de santé. Nous nous battrons bec et ongles pour qu'il reste reconnu comme un droit fondamental et que toutes les personnes aux États-Unis aient le contrôle de leur propre corps ».

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« Cependant, nous craignons que, dans un monde où l'avortement pourrait être rendu illégal, la pratique actuelle de Google, qui consiste à collecter et à conserver de nombreux enregistrements de données de localisation de téléphones portables, lui permette de devenir un outil pour les extrémistes d'extrême droite qui cherchent à réprimer les personnes qui cherchent à obtenir des soins de santé reproductive. En effet, Google stocke des informations historiques sur la localisation de centaines de millions d'utilisateurs de smartphones, qu'il partage régulièrement avec les agences gouvernementales », poursuivent les législateurs.

Selon la lettre, Google a déclaré avoir reçu 11 554 mandats de géofence rien qu'en 2020. Un mandat de géofence est un type d'ordonnance du tribunal qui obligerait la société à remettre les données des utilisateurs dans un certain endroit à un certain moment. Google n'a pas divulgué le nombre de mandats avec lesquels il a coopéré. « Bien que Google mérite le crédit d'être l'une des premières entreprises en Amérique à insister sur un mandat avant de divulguer des données de localisation aux forces de l'ordre, cela ne suffit pas », précise la lettre. Les législateurs ont déclaré qu'après l'abrogation de l'arrêt Roe, il serait facile d'obtenir des mandats pour poursuivre les personnes.

« Si l'avortement est rendu illégal par la Cour suprême d'extrême droite et les législateurs républicains, il est inévitable que les procureurs d'extrême droite obtiennent des mandats légaux pour traquer, poursuivre et emprisonner des femmes pour avoir obtenu des soins de santé reproductive essentiels. La seule façon de protéger les données de localisation de vos clients d'une surveillance gouvernementale aussi scandaleuse est de ne pas les conserver en premier lieu », ont écrit les législateurs. Ces derniers ont déclaré que Google revêt une importance particulière si ces protections sont supprimées.

L'entreprise collecte une quantité massive de données de localisation par le biais de son système d'exploitation et de ses applications Android. Il vend ensuite ces informations à plusieurs milliers d'entreprises à travers le monde et les met également à la disposition des forces de l'ordre. Les législateurs ont établi une distinction entre Google et Apple : « Apple a montré qu'il n'est pas utile pour les fabricants de smartphones de conserver des bases de données de suivi invasives de la localisation de leurs clients. Le choix intentionnel de Google de le faire crée une nouvelle fracture numérique, dans laquelle la vie privée et la sécurité deviennent un luxe ».

« Les Américains qui peuvent s'offrir un iPhone bénéficient d'une plus grande protection contre la surveillance gouvernementale de leurs mouvements que les dizaines de millions d'Américains qui utilisent des appareils Android », indique la lettre. Ainsi, les signataires de la lettre demandent à Google de revoir ses pratiques de collecte des données de localisation afin que les données relatives aux appareils ne soient collectées que sur le plan global, et non sur une base individuelle, et qu'elles ne soient pas conservées par l'entreprise plus longtemps que nécessaire.

Dans une déclaration, Albert Fox Cahn, directeur exécutif du "Surveillance Technology Oversight Project", s'est félicité de la lettre du Congrès, déclarant que Google devrait supprimer ses données de localisation ou être "complice de la criminalisation de l'avortement". La semaine dernière, 16 démocrates ont signé une lettre adressée à la présidente de la Federal Trade Commission (FTC), Lina Khan, lui demandant instamment de protéger la confidentialité des données pour les personnes qui cherchent à obtenir des soins de santé génésique. Google n'a pas commenté la lettre jusque-là.

Source : La lettre des démocrates américains à Google (PDF)

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