Les propositions dans l'affaire antitrust de Google menacent les navigateurs indépendants, selon Mozilla, elles risquent de nuire à la concurrence des moteurs de recherche sans la faire progresser.

Mozilla a récemment partagé son avis sur les propositions dans l'affaire antitrust de Google. Mozilla estime que les mesures correctives proposées par le ministère de la justice des États-Unis menacent le rôle vital des navigateurs indépendants, car elles risquent de nuire involontairement à la concurrence des moteurs de navigation sans la faire progresser de manière significative. Elle affirme que les mesures proposées obligeront les navigateurs plus petits et indépendants, comme Firefox, à revoir fondamentalement l'ensemble de leur modèle d'exploitation. En outre, Mozilla demande à la Cour de revoir ses solutions.

Le 20 novembre, le ministère de la justice des États-Unis (DOJ) a proposé des mesures correctives dans l'affaire antitrust qui l'oppose à Google. Le jugement décrit les mesures correctives comportementales et structurelles proposées par le gouvernement afin de rétablir la concurrence entre les moteurs de recherche. Mozilla vient de livrer son avis sur le sujet et fait intéressant, Mozilla estime que ces mesures proposées représentent une menace involontaire pour les moteurs de recherche indépendants.

En reconnaissant les efforts du DOJ pour améliorer la concurrence dans les moteurs de recherche pour les consommateurs américains, Mozilla rappelle que les résultats de cette affaire auront des répercussions qui iront bien au-delà d'une seule entreprise ou d'un seul marché. "Il ne s'agit pas seulement de l'avenir d'un navigateur, mais aussi de l'avenir du web ouvert et interopérable", déclare Mozila. Pour rappel, Mozilla se considère être un champion de la concurrence et un défenseur des réformes qui créent des conditions équitables sur les marchés numériques.

Selon Mozilla, telles qu'elles sont rédigées, les mesures proposées obligeront les navigateurs plus petits et indépendants, comme Firefox, à revoir fondamentalement l'ensemble de leur modèle d'exploitation. En mettant en péril les flux de revenus de navigateurs concurrents essentiels, ces mesures correctives risquent de renforcer involontairement les positions d'une poignée d'acteurs puissants, et ce sans apporter d'améliorations significatives à la concurrence dans le domaine de la recherche.

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Firefox et les moteurs de recherche

Depuis le lancement de Firefox 1.0 en 2004, Mozilla a fourni un moteur de recherche par défaut. Depuis, Mozilla a refusé toute exclusivité : de multiples options de recherche sont préinstallées sur Firefox et les utilisateurs ont la possibilité de changer leur moteur de recherche, que ce soit en définissant une valeur générale par défaut ou en la personnalisant pour des recherches individuelles.

Cependant, depuis sept ans, la recherche Google est la recherche par défaut dans Firefox aux États-Unis. Selon Mozilla, la raison serait que Google offre la meilleure expérience de recherche à ses utilisateurs. À titre d'exemple, Mozilla rapporte qu'en 2014, Firefox est passé de Google à Yahoo aux États-Unis pour soutenir le moteur de recherche, malgré les risques commerciaux. Mais les utilisateurs de Firefox, qui ont montré une forte préférence pour Google comme moteur de recherche par défaut, n'auraient pas trouvé le produit de Yahoo à la hauteur de leurs attentes. C'est pourquoi en 2017, Mozilla a conclu un nouveau partenariat avec Google, accord qui serait non-exclusif et promouvant un éventail de choix de recherche auprès des internautes.

Le lien entre les navigateurs et la recherche qui existait en 2004 est tout aussi important aujourd'hui. Mozilla assure que les navigateurs indépendants comme Firefox restent un lieu où les moteurs de recherche peuvent se concurrencer et où les utilisateurs peuvent choisir librement entre eux.

Mozilla déclare notamment :

Nous nous sommes toujours efforcés de proposer des alternatives de recherche facilement accessibles en plus des options spécifiques à un territoire - une approche que nous poursuivons aujourd'hui. Par exemple, en 2005, nos options de recherche aux États-Unis comprenaient Yahoo, eBay, Creative Commons et Amazon, en plus de Google.

Aujourd'hui, les utilisateurs américains de Firefox peuvent choisir entre Google, Bing, DuckDuckGo, Amazon, eBay et Wikipédia directement dans la barre d'adresse. Ils peuvent facilement ajouter d'autres moteurs de recherche et bénéficier des innovations de Mozilla, comme Firefox Suggest.
Navigateurs, moteurs de rendu et web ouvert

Depuis le lancement de Firefox en 2004, Mozilla a ouvert la voie à de nouvelles technologies, défendu les principes du logiciel ouvert et établi des normes en matière de sécurité et de protection de la vie privée en ligne. Mozilla a également contribué à des développements pour l'écosystème au sens large, dont certains (comme Rust et Let's Encrypt) ont continué à prospérer en dehors de Mozilla. Selon Mozilla, tout cela a été rendu possible par le développement et la maintenance du moteur de rendu Gecko.

Les moteurs de rendu (à ne pas confondre avec les moteurs de recherche) sont peu connus, mais ils constituent la technologie qui alimente votre navigateur web. Ils déterminent une grande partie de la vitesse et de la fonctionnalité des navigateurs, y compris de nombreuses propriétés en matière de confidentialité et de sécurité.

En 2013, il existait cinq grands moteurs de rendu. En 2024, en raison des coûts élevés et de l'expertise nécessaire pour faire fonctionner un moteur de rendu, il n'en reste plus que trois : WebKit d'Apple, Blink de Google et Gecko de Mozilla, qui équipe Firefox.

Le WebKit d'Apple fonctionne principalement sur les appareils Apple, laissant Google et Mozilla comme principaux développeurs de moteurs de rendu multiplateforme. Même Microsoft, une entreprise dont la capitalisation boursière s'élève à trois mille milliards de dollars, a abandonné son moteur de rendu Trident en 2019. Aujourd'hui, son navigateur Edge est construit au-dessus du moteur Blink de Google.

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Recours dans l'affaire opposant les États-Unis à Google sur les recherches

Quel est le lien entre les moteurs de rendu et le litige sur les recherches en ligne ? Selon Mozilla, l'une des principales préoccupations concerne les mesures correctives contractuelles proposées par le ministère de la justice, qui pourraient nuire à la capacité des navigateurs indépendants à financer leurs activités. Ces mesures risquent de nuire involontairement à la concurrence entre les navigateurs et les moteurs de rendu, sans pour autant faire progresser de manière significative la concurrence entre les moteurs de recherche.

Mozilla déclare sur le sujet :

Firefox et les autres navigateurs indépendants ne représentent qu'une faible proportion des requêtes de recherche aux États-Unis, mais ils jouent un rôle considérable en offrant aux consommateurs des choix significatifs et en protégeant la vie privée des utilisateurs. Ces navigateurs ne sont pas seulement des alternatives, ils sont des défenseurs essentiels des intérêts des consommateurs et de l'innovation technologique.

Plutôt qu'un monde où les parts de marché sont transférées d'une entreprise technologique à l'autre, nous aimerions voir des actions qui améliorent réellement la concurrence, sans sacrifier la vie privée des gens pour y parvenir. Un véritable changement exige que l'on s'attaque aux obstacles à la concurrence et que l'on facilite un marché qui promeut la concurrence, l'innovation et le choix des consommateurs - dans les moteurs de recherche, les navigateurs, les moteurs de rendu et au-delà.

Nous demandons instamment à la Cour d'envisager des solutions permettant d'atteindre ses objectifs sans nuire aux navigateurs indépendants, aux moteurs de rendu et, en fin de compte, au web.

Pour comprendre la position de Mozilla, il est intéressant de connaitre la situation de son navigateur Firefox. Il y a un an, le navigateur a connu un déclin progressif depuis le début de la dernière décennie et sa survie semblait plus menacée que jamais. Les données de StatCounter pour le mois de novembre 2023 ont montré que Firefox ne détient plus que 3,23 % de part de marché. Firefox se rapproche ainsi dangereusement des 2 % de part de marché en dessous duquel certains sites Web gouvernementaux (américains et britanniques, par exemple) cessent de supporter un navigateur. Une telle situation pourrait précipiter l'effondrement du navigateur.

Mais plus que cela, quelques jours plus tard, c'est son rapport annuel de 2022 (le rapport de Mozilla est toujours en retard d'un an) qui a créé la controverse. En effet, les données ont révélé que les revenus de Mozilla avaient diminué, passant de 600 millions de dollars en 2021 à 593 millions de dollars en 2022, soit environ 7 millions de dollars de moins. Mais malgré cela, la rémunération de son PDG de Mozilla a augmenté, passant de 5,6 millions de dollars en 2021 à un peu moins de 7 millions de dollars en 2022, soit une augmentation de 1,3 million de dollars. Depuis, la situation de Firefox n'a pas réellement progressé, et il porte à croire que les décisions qui pèseront sur Google auront également un impact sur Firefox et Mozilla.

Source : Mozilla

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