La stratégie de Microsoft en matière d'IA : laisser OpenAI brûler son argent pour créer des modèles pionniers, puis s'appuyer sur ses succès pour améliorer les capacités de Copilot avec 3 à 6 mois de retard

Le PDG de Microsoft AI, Mustafa Suleyman, a déclaré lors d'une récente interview que l'entreprise n'a pas l'intention de jouer un rôle de pionner dans la course à l'IA générative. Il a déclaré que Microsoft préfère laisser ce rôle aux constructeurs de modèles d'IA « frontières » comme OpenAI ou Anthropic. D'après lui, cette stratégie est plus avantageuse et moins coûteuse en ressources financières et en infrastructures. Microsoft laisse donc son partenaire OpenAI brûler de l'argent pour créer des modèles de base, puis s'appuie sur ses succès. Toutefois, Microsoft est à la traîne par rapport à ses concurrents et son assistant d'IA Copilot a été mal accueilli jusqu'à présent.

Mustafa Suleyman s'est fait un nom en tant que cofondateur de DeepMind, le laboratoire d'IA que Google a racheté en 2014 pour un montant compris entre 400 et 650 millions de dollars. Il est arrivé chez Microsoft l'année dernière aux côtés d'autres employés de la startup Inflection, dont il était le PDG. Lors d'une interview avec CNBC au début du mois, Mustafa Suleyman a vanté les avantages liés au fait de jouer un second rôle dans la course à l'IA générative.

Il a affirmé qu'il est plus rentable de laisser les constructeurs de modèles pionniers prendre trois ou six mois d'avance, y compris OpenAI dans lequel Microsoft a investi des milliards de dollars. Par la suite, Microsoft tire parti des succès de ces modèles pionniers plutôt que de les concurrencer directement.

Citation Envoyé par Mustafa Suleyman

Attendre et construire des modèles qui ont trois ou six mois de retard offre plusieurs avantages, notamment des coûts moins élevés et la possibilité de se concentrer sur des cas d'utilisation spécifiques. Il est moins coûteux de donner une réponse spécifique une fois que l'on a attendu les trois ou six premiers mois pour que la frontière soit franchie en premier. C'est ce que nous appelons « AI off-frontier ». C'est en fait notre stratégie, qui consiste à jouer un rôle de second plan très serré, compte tenu de l'intensité capitalistique de ces modèles.
Alors que Google, l'ancien employeur de Mustafa Suleyman, est en concurrence directe avec des entreprises comme Anthropic et OpenAI pour construire des modèles toujours plus performants et riches en fonctionnalités, Microsoft n'a pas encore lancé son propre modèle d'avant-garde ou frontière.

Au lieu de cela, la stratégie de Microsoft est étroitement liée à OpenAI. Microsoft fournit une quantité impressionnante de puissance de calcul à OpenAI grâce à sa plateforme Azure en échange du droit d'utiliser la famille de modèles GPT de la startup dans sa suite croissante de services d'IA avec Copilot.

La stratégie de Microsoft en matière d'IA dépend d'autres entreprises

Plus que jamais, Microsoft compte sur ses relations avec d'autres entreprises pour se développer. Microsoft obtient des modèles d'IA d'OpenAI, basé à San Francisco, et de la puissance de calcul supplémentaire de CoreWeave, situé dans le New Jersey. Selon les analystes, si la stratégie de Microsoft peut sembler inhabituelle pour une entreprise au cœur de la course à l'IA générative, de nombreux facteurs peuvent expliquer le choix de la firme de Redmond.


D'abord, il n'y a pas beaucoup de sens à investir des sommes colossales pour construire des modèles pionniers qui peuvent ou non réussir sur le marché. De plus, ces modèles peuvent être dupliqués à l'aide de techniques telles que la distillation, comme l'a démontré la startup chinoise DeepSeek. Microsoft préfère donc investir dans OpenAI, laisser le laboratoire brûler cet argent pour construire des modèles pionniers, puis tirer parti ensuite de son succès.

Par le biais de ChatGPT, les utilisateurs peuvent accéder à de grands modèles de langage de pointe, tels que le modèle o1 axé sur le raisonnement, qui prend le temps de « réfléchir » avant de donner une réponse. OpenAI a introduit cette fonctionnalité en septembre 2024. Quelques semaines plus tard, Microsoft a introduit une fonctionnalité similaire appelée « Think Deeper » dans Copilot. Mais Microsoft ne met pas tous ses œufs dans le même panier.

Si la famille GPT est au cœur de nombreux services familiers de Microsoft, ce n'est pas la seule collection de modèles existante. Microsoft développe notamment une gamme de petits modèles de langage sous licence permissive sous le nom de code Phi et qui peuvent être exécutés sur des PC. En effet, comparés à un modèle comme GPT-4.5, ces modèles ouverts sont minuscules, pesant généralement entre un et deux chiffres de milliards de paramètres.

Cela rend les modèles Phi de Microsoft appropriés pour une utilisation sur des appareils périphériques, y compris des ordinateurs portables, plutôt que sur des grappes de GPU valant plusieurs millions de dollars. En outre, les petits modèles construits par Microsoft sont généralement à la traîne par rapport aux offres de premier plan de l'OpenAI en termes de fonctionnalités, telles que la multimodalité ou les architectures de mélange d'experts (MoE).

Il est important de noter que Microsoft n'est pas le seul à jouer ce jeu. D'autres fournisseurs de services cloud ont réussi à mettre en œuvre cette stratégie du « suiveur ». Amazon se situe directement dans ce camp. Amazon a investi dans Anthropic, le rival d'OpenAI, et lui fournit de la puissance de calcul.

Les relations entre Microsoft et OpenAI ne semblent pas au beau fixe

Si Mustafa Suleyman n'a pas l'intention de concurrencer directement OpenAI dans un avenir proche, la dépendance de Microsoft à l'égard d'OpenAI pourrait ne pas durer éternellement. OpenAI et Microsoft ont entretenu des relations étroites peu après que la startup a lancé son chatbot d'IA ChatGPT fin 2022, donnant ainsi le coup d'envoi de la course à l'IA générative. Selon certaines estimations, Microsoft a investi 13,75 milliards de dollars dans OpenAI.

Mais des fissures dans la relation entre les deux entreprises ont commencé à apparaître. Microsoft a ajouté OpenAI à sa liste de concurrents en juillet 2024, et OpenAI a annoncé en janvier 2025 qu'il travaille avec le fournisseur de cloud rival Oracle sur le projet Stargate, d'une valeur de 500 milliards de dollars. Cette annonce est intervenue après des années pendant lesquelles OpenAI s'est appuyée exclusivement sur le cloud Azure de Microsoft.

Un rapport publié le mois dernier indique que Microsoft est en train de développer ses propres modèles axés sur le raisonnement et teste des modèles tiers. Microsoft aurait testé les modèles de DeepSeek, Meta et la startup xAI d'Elon Musk dans son chatbot Copilot. Le rapport indique également que Microsoft envisage de rompre ses liens avec OpenAI dans un avenir poche et de se débarrasser de sa dépendance excessive aux technologies de la startup.

« Il est absolument essentiel qu'à long terme, nous soyons en mesure de faire de l'IA de manière autonome chez Microsoft. En même temps, je pense à ces choses sur des périodes de 5 et 10 ans. Vous savez, jusqu'en 2030 au moins, nous sommes en partenariat étroit avec OpenAI, qui a eu une relation extrêmement fructueuse avec nous », a déclaré Mustafa Suleyman. Ce dernier minimise les inquiétudes concernant la relation entre Microsoft et OpenAI.

« Microsoft se concentre sur la construction de sa propre IA en interne, mais l'entreprise ne se presse pas de construire les modèles les plus avant-gardistes. Nous disposons d'une équipe d'IA incroyablement forte, d'énormes quantités de calcul, et il est très important pour nous de ne pas développer en premier la frontière absolue, le meilleur modèle au monde. C'est très, très coûteux et il n'est pas nécessaire de créer des doublons », a-t-il déclaré.

Copilot est toujours à la traîne malgré les efforts importants de Microsoft

En plus d'être moins coûteuse, la stratégie de Mustafa Suleyman signifie également que Microsoft peut consacrer davantage d'énergie à la création d'applications et d'autres systèmes autour des modèles de langage plutôt qu'à trouver de nouvelles façons de manipuler les réseaux neuronaux. Cependant, Copilot est largement critiqué, car le chatbot de Microsoft souffre de nombreuses limites par rapport à ces rivaux tels que ChatGPT et Gemini de Google.

Par exemple, à la suite d'une période d'essai, les employés du ministère australien du Trésor ont jugé Copilot moins utile, car il s'appliquait à moins de charges de travail qu'ils ne l'espéraient. L'opinion des travailleurs sur la capacité de Copilot à améliorer leur travail a baissé. L'étude a révélé qu'un peu plus de 20 % des participants ont utilisé Copilot jusqu'à 5 fois par semaine, tandis que la majorité l'a utilisé seulement 3 fois ou moins par semaine.

Les tâches que les participants estiment que Copilot gère le mieux sont « la recherche et la synthèse d'informations, la rédaction de comptes rendus de réunions, la gestion des connaissances et la rédaction de contenu ». Le rapport décrit ces tâches comme des « tâches administratives de base ». Ce qui a permis aux employés de passer plus de temps sur des tâches stratégiques ou à forte valeur ajoutée. Mais les gains de temps ne sont pas convaincants.

Le rapport estime que si Copilot permet aux travailleurs de niveau intermédiaire de gagner 13 minutes par semaine, il sera rentabilisé. Un examen distinct de l'essai plus large de Copilot dans la fonction publique a révélé que les travailleurs avaient économisé environ une heure par jour en ce qui concerne les tâches.

Mais ils ont passé plus de temps à examiner ce que Copilot avait produit pour détecter et corriger les erreurs. Ce qui peut contrebalancer tout gain de temps. L'étude met également en évidence une différence significative dans la manière dont les employés et les cadres considèrent l'efficacité de l'essai de Copilot.

Près de 60 % des travailleurs ont déclaré qu'il avait eu un impact positif, contre un peu moins de 40 % des cadres, tandis que 34 % des participants et 59 % des cadres ont affirmé qu'il n'avait eu aucun impact. Pratiquement aucun des participants n'a déclaré que l'utilisation de Copilot a eu un impact négatif. Pourtant, Microsoft impose de plus en plus Copilot dans certaines régions et oblige les utilisateurs à payer l'accès, ce qui crée des frustrations.

Source : Mustafa Suleyman, PDG de Microsoft AI

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