La Commission européenne a équipé son personnel en visite aux États-Unis la semaine prochaine de téléphones jetables et d'ordinateurs portables basiques par crainte de l'espionnage par des agents américains
Certains membres du personnel de l'Union européenne (UE) se sont vu remettre des téléphones jetables et des ordinateurs portables basiques avant de se rendre aux États-Unis, par crainte d'être espionnés par les services de renseignement américains. Ces nouvelles directives, habituellement réservées aux voyages en Chine, ont été mises en place parce que l'UE « craint que les États-Unis ne s'introduisent dans les systèmes de la Commission », selon certaines sources.
Les préoccupations de la Commission européenne font écho à des révélations antérieures sur les tactiques des services de renseignement américains. En 2017, WikiLeaks a révélé que la CIA s'était servie de plusieurs logiciels portés par la communauté du libre, dont VLC, pour mener des opérations d'espionnage. Les fuites, qui faisaient partie de la série Vault 7, ont révélé comment les agences de renseignement des États-Unis exploitaient des outils numériques courants pour infiltrer des systèmes à l'échelle mondiale.
Des commissaires et des hauts fonctionnaires se rendront la semaine prochaine au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale, tous deux situés à Washington DC. Quatre sources bien placées ont déclaré au Financial Times que le déclassement technologique du personnel de l'UE est généralement une mesure prise lorsque des fonctionnaires se rendent en Chine ou en Ukraine, en raison des craintes liées à la surveillance exercée par Pékin et Moscou.
Ces révélations témoignent de la détérioration des relations entre la Maison-Blanche et la Commission européenne depuis le 20 janvier, date de l'investiture de Donald Trump pour son second mandat. Ses tarifs douaniers, combinés à ses affirmations selon lesquelles l'UE a été créée pour « emmerder les États-Unis », ainsi que le retrait des États-Unis de leur rôle en matière de sécurité en Europe, ont conduit un fonctionnaire de l'UE à déclarer ces dernières semaines que « l'alliance transatlantique est finie ».
Le négociateur commercial de l'UE, Maroš Šefčovič, est à Washington ce lundi 14 avril pour rencontrer son homologue américain Howard Lutnick. Plus tard en avril, trois autres commissaires sont attendus dans la capitale américaine pour des réunions au FMI et à la Banque mondiale. Certaines personnes arrivant aux États-Unis ont déclaré avoir fait l'objet d'une surveillance accrue à la frontière, avec notamment des fouilles de téléphones et d'ordinateurs. Selon un ministre français en mars, un universitaire français s'est vu refuser l'entrée aux États-Unis à la frontière après que son téléphone a été fouillé et que des messages anti-Trump ont été trouvés.
Le ministre français de l'Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a déclaré « avoir appris avec inquiétude qu'un universitaire français qui se rendait à une conférence à Houston s'était vu refuser l'entrée avant d'être expulsé ».
« Cette mesure a apparemment été prise par les autorités américaines parce que le téléphone du chercheur contenait des conversations avec des collègues et des amis dans lesquelles il exprimait une opinion personnelle sur la politique de recherche de l'administration Trump », a déclaré Philippe Baptiste.
La récente précaution adoptée par l'UE s'inscrit dans le cadre de préoccupations plus générales concernant les pratiques de surveillance des États-Unis. En 2023, la NSA a ordonné à son personnel d'espionner le monde avec « dignité et respect », une décision jugée contradictoire par les critiques, compte tenu des antécédents de l'agence en matière de surveillance de masse. L'examen de ces programmes de surveillance par la Commission européenne a révélé un conflit apparent entre dignité, respect et violation de la vie privée.
Source : The Financial Times
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