Pourquoi le recul de Microsoft sur IE ne convainc personne
Microsoft commercialisera son futur système d'exploitation Windows 7 en Europe sans le navigateur Internet Explorer pré-installé, pour répondre aux critiques de l'UE contre la vente liée. Insuffisant et trop tardif estiment Bruxelles et ses concurrents.
En apparence, la concession est de taille. Microsoft a en effet annoncé jeudi qu'il commercialisera son futur système d'exploitation Windows 7 en Europe sans Internet Explorer. Un véritable reniement quand on se souvient que le premier éditeur mondial de logiciels a longtemps refusé de dissocier les deux. Mais c'est le prix a payer pour pouvoir faire un véritable lancement mondial, le 22 octobre prochain, de son logiciel phare. Cela n'a pas empêché la Commission européenne d'accueillir la proposition avec scepticisme.
Dans un communiqué publié tard jeudi, Bruxelles rappelle qu'elle doit "bientôt décider", dans le cadre d'une enquête antitrust, "si Microsoft a agi de façon abusive" en intégrant jusqu'ici Internet Explorer à son système d'exploitation vedette. Et ce depuis 1996. Une façon de souligner que même si « la proposition de Microsoft est potentiellement plus positive », elle n'entend pas passer l'éponge sur des années de pratiques anticoncurrentielles.
Bruxelles estime en effet qu'en intégrant systématiquement Explorer à Windows, qui équipe 90% des PC dans le monde, Microsoft a accordé à ce navigateur un avantage déloyal face à ses concurrents, comme le défunt Netscape, le challenger Firefox ou encore le norvégien Opera, à l'origine de la plainte contre Microsoft.
"Le point intéressant, c'est que Microsoft a dit pendant des années que retirer Internet Explorer était impossible. Soudain, ils peuvent le retirer. Il faut encore voir ce que cela signifie en pratique", a relevé le patron d'Opera, Jon S. von Tetzchner, lors d'une conférence de presse.
Cela aurait pu être différent "si Microsoft avait fait ce qu'il a annoncé hier soir en 1997 ou mi-1996", juste après avoir commencé à intégrer Explorer à Windows, a également souligné Thomas Vinje, avocat de l'association ECIS qui réunit plusieurs sociétés opposées à Microsoft (dont Opera).
En fait, la proposition de Microsoft est en fait double. D'une part, permettre aux fabricants d'ordinateurs de choisir le ou les navigateurs qu'ils voudront installer avec Windows 7, sachant que 95% des systèmes d'exploitation vendus sont en fait pré-installés. D'autre part, fournir des systèmes d'exploitation sans navigateur pour le créneau très minoritaire de la vente au détail (5%). Une dernière solution qui ne satisfait pas la Commission, échaudée par le précédent de l'échec de la vente de versions d'XP sans lecteur multimédia.
Pour elle, en effet, la piste privilégiée, déjà évoquée lors d'une communication des griefs en janvier, vise à permettre d'"avoir un choix de navigateurs, pas que Windows soit fourni sans aucun navigateur". Une solution appuyée par Opera qui milite aussi pour qu'au premier démarrage de l'ordinateur, une fenêtre s'ouvre et propose à l'utilisateur de choisir parmi une liste de navigateurs.
Thomas Vinje se montre encoer plus critique. Pour lui, l'annonce "semble presque conçue pour se moquer de la Commission et lui faire jouer le rôle de la méchante" qui nuit aux intérêts des consommateurs en obligeant à vendre des ordinateurs incapables d'aller sur internet. Et d'estimer que Microsoft a reconnu jeudi "qu'il a enfreint la loi". Même s'il abandonne la pratique incriminée, "la Commission aurait raison de dire qu'il y a eu des pratiques illégales pendant une très longue période". La réaction très froide de Bruxelles semble d'ailleurs préparer le terrain à une nouvelle sanction.
Microsoft, déjà condamné à plusieurs reprises par Bruxelles, qui lui a imposé des amendes pour un total de 1,676 milliard d'euros, encourt à nouveau une lourde pénalité financière (pouvant atteindre 10% de son chiffre d'affaires annuel). Bruxelles peut aussi l'obliger à changer certaines pratiques pour remédier aux distorsions de concurrence.
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