Le Royaume-Uni désuni quant à un "Hadopi-like", dont des experts estiment qu'il couterait plus cher que les pertes des majors
Outre manche, le gouvernement du royaume de Sa Majesté connait un grand clivage. En effet, les avis sont très partagés quant à l'éventuelle mise en route d'un projet britannique suivant le modèle Hadopi. Le mois dernier, un nouvel amendement proposé dans le cadre du projet de loi Digital Britain ( rapport sur le développement du numérique en Grande-Bretagne à l'horizon 2012 ) évoque la possibilité de suspendre l'abonnement Internet des contrevenants. Mais, contrairement à notre texte national qui expose tous les utilisateurs de réseaux P2P à cette sanction, la Grande Bretagne la réserverait aux téléchargeurs les plus actifs. Pour autant, le ministre de la propriété intellectuelle David Lammy s'oppose totalement à la riposte graduée.
Les principaux concernés par la question, les artistes, sont très nombreux à être montés au créneau (alors que leurs homologues français étaient majoritairement restés en retrait des débats médiatiques).
Ainsi, la Featured Artists Coalition (dont font partie les britanniques Robbie Williams, Radiohead, Iron Maiden, Travis et bien d'autres) s'oppose haut et fort à la coupure internet des utilisateurs, de même qu'à la repression du téléchargement en général. Les groupes et chanteurs membres de cette coalition préfèreraient voir appliquée une licence globale "ce que les majors rejettent, car cela leur ferait perdre leur monopole sur l'édition musicale". Certains musiciens du groupement ont d'ailleurs déjà amorcé leur bas de fer avec les maisons de disques, en s'affranchissant d'elles par la publication directe de leurs oeuvres sur la toile (comme Radiohead notamment, et Nine Inch Nails aux Etats-Unis).
Face à eux, Lily Allen est la figure de proue du mouvement anti-piratage. Elle ne se gêne d'ailleurs pas pour critiquer copieusement ses collègues "collabos" sur son blog.
Les FAI du pays où l'on roule à gauche entrent également dans la bataille, à l'instar de British Telecom, dont le responsable du département des consommateurs s'est exprimé publiquement via le tabloïd The Mirror. John Petter a déclaré que les bénéfices effectués par les fournisseurs d'accès anglais sont minuscules, et il craint que ces chiffres ne baissent encore du fait des mesures mises en place pour combattre le piratage Internet.
Il estime que leurs revendications sont bien trop gourmandes et surtout, irréalistes : "Affirmer que les gens achèteraient toute la musique qu'ils téléchargent est tout simplement absurde" s'insurge-t-il. Il redoute de plus l'émergence d'une "course aux armements" dans ce conflit où les coups de massue du gouvernement pourrait pousser les internautes a se retrancher vers des services underground comme le VPN (permettant de se rendre indectable via un tunnel sécurisé).
L'homme dénonce également une autre aberration : de récentes estimations chiffrent le fonctionnement du dispositif (dans ce que devraient verser les FAI) à plus de 365 millions de livres sterling (environ 405,5 millions d'euros) par an, alors que l'institut de recherche Jupiter Research annonce que les pertes enregistrées par l'industrie du disque britannique seront de 200 millions de livres sterling (environ 221,1 millions d'euros) pour l'année 2009.
La "solution" serait donc plus coûteuse que le "problème" !
Source : Le blog de Lily Allen ; Résumé de l'interview de John Petter sur le site de The Mirror
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Que pensez-vous des réponses britaniques à la crise du disque ?
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